Categories
- Littérature
- Jeunesse
- Bandes dessinées / Comics / Mangas
- Policier & Thriller
- Romance
- Fantasy & Science-fiction
- Vie pratique & Loisirs
- Tourisme & Voyages
- Arts et spectacles
- Religion & Esotérisme
- Entreprise, économie & droit
Support
Languages
Creaphis
-
Mon père, appelé en Algérie : photographies
Bertrand Tillier
- Creaphis
- Format Passeport
- 9 March 2023
- 9782354281915
L'auteur du texte de ce livre est le fils de l'auteur des photographies. Historien des images, Bertrand Tillier propose pour ce nouvel opus de la collection Format passeport une approche à la fois intime (ce sont ses propres archives) et plus réflexive et générale sur la guerre d'Algérie. Il se fonde sur les photographies prises par son père, appelé du contingent en Algérie en 1962 et le récit familial. L'historien met en tension la mémoire individuelle exprimée ou tue dans la sphère intime et la mémoire refoulée de l'expérience de guerre.
Les photos envoyées à leurs proches par les jeunes appelés, photographes amateurs pour beaucoup d'entre eux, se conforment à une certaine mise en scène, puisque prises au piège d'un discours précis, national, officiel et médiatique. Elles donnent à voir une réalité choisie, ciblée, lisse, écran à la guerre.
Néanmoins, ces photographies, produites dans un contexte de guerre deviennent en quelque sorte témoignage de l'indicible car vecteurs de « moments de glissement et de débordement où les sentiments, les objets, les expressions du visage échappent d'emblée à toute normalisation ». Remplaçant les mots non dits, elles permettent une transmission d'un passé aux générations suivantes : « Chaque groupe porteur d'une mémoire se dirige vers le miroir qui racontera son histoire » (Benjamin Stora). La valeur des photos des appelés du contingent réside dans ce pouvoir de transmission ; elles constituent un support pour un travail de mémoire et de reconstitution, aussi partiel soit-il, tentant de rompre le silence ; regarder ces photos est une « modalité de communication dans les familles » (Raphaëlle Branche). Retrouvant les photos de son père dans une pochette, Bertrand Tillier, historien des images, met ainsi en lumière le rôle des générations postérieures dans la construction de la mémoire familiale.
Grâce à la curiosité d'un fils historien pour les photographies de son père, ce texte dévoile comment, derrière l'objet photographique témoin d'une histoire dans l'Histoire, se lisent des souvenirs, un passé, une mémoire personnelle, familiale mais aussi commune et collective. -
Leone Ginzburg : un intellectuel contre le fascisme
Florence Mauro
- Creaphis
- 29 September 2022
- 9782354281786
À la fin des années 1920 à Turin s'était formé un groupe de jeunes, au lycée d'Azeglio et ensuite à l'université. Leur maître Augusto Monti disait qu'il leur enseignait Dante et la politique. Les élèves se nommaient : Leone Ginzburg, Cesare Pavese, Noberto Bobbio, Massimo Mila, Vittorio Foa, Mario Lévi.
Leone Ginzburg (1909-1944) est apparu très vite comme la figure émergeante de ce groupe par son attitude morale exemplaire, tant sur le plan intellectuel que politique. En 1933 il fonde, avec Giulio Einaudi et Cesare Pavese, les éditions Einaudi : en 1937 et 1938, il y installe les grandes collections, historiques, scientifiques, et les traductions de la littérature européenne : lui-même, d'origine russe et russophone, traduit les auteurs russes ou révise des traductions (Gogol, Tolstoï, Pouchkine, Dostoïevski, Tourgueniev) tandis que Cesare Pavese traduit les textes les plus novateurs de la littérature américaine (Sinclair Lewis, Herman Melville, John Dos Passos, Gertrude Stein...). De 1941 à 1943, condamné par le régime fasciste à la relégation dans un petit village des monts des Abruzzes, il écrit sans cesse pour la « Casa » Einaudi, et exige l'excellence du travail éditorial. Dans une incessante revendication de ses positions antifascistes, Ginzburg est mort de sa radicalité en 1944, à la prison romaine de Regina Coeli, assassiné par les nazis.
Avec une écriture impliquée, Florence Mauro raconte la vie de Leone Ginzburg tirée comme un trait droit et sans bavure, sans aucune compromission, marquée par l'exigence intellectuelle. Par sa lutte jamais relâchée pour la liberté d'écrire, de traduire, d'enseigner, de transmettre, il a contribué à maintenir un rempart indispensable contre la montée d'une société totalitaire. L'autrice remet en lumière son intransigeance et sa radicalité face aux événements contemporains de sa génération. Il est un modèle qui parle aujourd'hui et enseigne à ne pas manquer de vigilance.
Elle transmet au lecteur d'aujourd'hui son empathie pour le personnage de Leone Ginzburg qui devient par moments héros de roman : elle l'imagine dans une quotidienneté, avec ses camarades de lycée dans les cafés de Turin, ou avec sa famille dans le confino des Abruzzes où il est exilé par le pouvoir fasciste. Elle le met en scène, se fondant sur des écrits retrouvés, des témoignages, des archives. Elle décrit ses enquêtes dans les archives à Turin et à Rome, ses déambulations sur les pas de Leone Ginzburg, ses rencontres avec des témoins ou des historiens.
À travers le geste d'écriture, Leone Ginzburg inscrit la culture comme premier front de l'antifascisme. Pour lui tout acte de langage devient acte politique.
Comment des articles écrits dans la célèbre revue La Cultura - reprise par la Casa Einaudi - apparaissent-ils comme les mots les plus engagés de la Résistance ? Comment la Casa Einaudi est-elle au coeur, dès sa création, d'un des enjeux essentiels de la démocratie, du renouvellement d'un patrimoine qui a fondé un pays, et de sa très nécessaire leçon de résistance à venir ?
Il est à noter que l'épouse de Leone, Natalia Ginzburg, née Natalia Levi, a été une grande écrivaine.
Leone et Natalia ont eu trois enfants dont Carlo Ginzburg le célèbre historien pionnier de la micro-histoire et historien de l'art. -
Chris Marker, les médias et le XXe siècle ; le revers de l'histoire contemporaine
Vincent Jacques
- Creaphis
- Poche
- 12 July 2018
- 9782354281366
L'histoire du XXe siècle s'est accompagnée d'une production d'images sans précédent. Ce livre propose une réflexion sur le rôle de l'image dans la médiatisation de l'histoire contemporaine à partir de l'oeuvre de Chris Marker. Tout au long de sa vie, Chris Marker n'a cessé de réfléchir sur les soubresauts de l'histoire contemporaine.
L'histoire du XXe siècle s'est accompagnée d'une production d'images sans précédent : depuis la Grande Guerre, nul événement n'a eu lieu sans laisser derrière lui une multitude de photographies et de prises de vue animées. Ce livre propose une réflexion sur le rôle de l'image dans la médiatisation de l'histoire contemporaine à partir de l'oeuvre de Chris Marker. Révolution de 1917, seconde guerre mondiale, guerre du Vietnam, luttes de décolonisation, Mai 1968, effondrement de l'URSS et des régimes communistes du bloc de l'Est, 11 septembre 2001, etc. Tout au long de sa vie, Chris Marker n'a cessé de réfléchir sur les soubresauts de l'histoire contemporaine : il a traité de tous ces événements, et bien d'autres, dans une oeuvre foisonnante et polymorphe. Notons qu'à date, le rapport de Chris Marker à l'histoire n'a jamais fait l'objet d'un livre, en France comme à l'étranger.
Quel est l'intérêt du cinéma de Marker aujourd'hui ? Marker est un penseur autant qu'un cinéaste. Parmi les grands cinéastes, il est celui qui a le plus profondément et systématiquement réfléchi à la mise en scène cinématographique de l'histoire et à la façon dont celle-ci et la médiatisation ont affecté l'histoire réelle en montrant son envers et ses revers. À l'aide d'un penseur critique et engagé, témoin et acteur du siècle, il s'agit de proposer une lecture du XXe siècle tel qu'il s'est représenté. Il est également possible de tirer un enseignement philosophique de cette oeuvre très actuelle : le livre développe ainsi une réflexion originale sur le temps et la mémoire et analyse sous plusieurs aspects les rapports complexes entre image et réalité (la question de la technique, si chère à Marker, est également abordée).
Chez ce cinéaste-photographe-voyageur-écrivain, le rapport à l'histoire concerne aussi bien la question de l'écriture de l'histoire au cinéma que l'analyse des formes de la médiatisation de l'histoire (cinéma, télévision, Internet). Cette interrogation, puisqu'elle est présentée en images, s'accompagne d'une visée réflexive. Écrire l'histoire au cinéma, c'est alors questionner les sources (archives) ainsi que la forme du discours offert par le médium (montage). Finalement, pour Marker, écrire l'histoire au cinéma, ce sera aussi écrire une histoire du cinéma (et des médias). Pour le dire autrement, penser l'histoire c'est penser le cinéma tout en méditant sur l'époque et sur les moyens que celle-ci mobilise pour se saisir dans le temps. C'est aussi rendre sensible et visible des moments de l'histoire contemporaine (ce que tait l'histoire officielle ou ce qui n'intéresse pas les médias).
Dans cette perspective réflexive sur le médium, le livre est divisé en neuf chapitres traitant chacun d'une question de cinéma (Caméra, Faire image, Mise en scène, Spectateur, Corps, Regard, Auteur, Ville, Archives). Un tel angle d'attaque permet de développer une approche d'ordre théorique et esthétique en abordant divers moments de l'histoire contemporaine. Le livre se fonde sur des analyses de films, vidéos et textes de Chris Marker mises en regard avec des textes de philosophie, de théorie de l'image et du cinéma (Roland Barthes, Raymond Bellour, Walter Benjamin, Serge Daney, Gilles Deleuze, Jacques Rancière, Susan Sontag...) ainsi que d'histoire et de sciences sociales (Antoine de Beacque, Marc Ferro, François Hartog, Siegfried Kracauer, Sylvie Linderperg...). -
Des philosophes sur le terrain
Christiane Vollaire, Olivier Razac, Sophie Djigo, Isabelle Delpa
- Creaphis
- Creaphis Poche
- 24 November 2022
- 9782354281878
Ce livre est né de la volonté d'interroger quatre pratiques différentes de la philosophie de terrain, c'est-à-dire d'un rapport empirique de quatre chercheurs aux situations concrètes à partir desquelles la pratique de l'entretien ou de la relation va leur permettre de questionner un certain nombre de réalités sociales et politiques contemporaines.
Si le terrain appartient traditionnellement aux méthodes des sciences sociales, la philosophie contemporaine, depuis les années 2000, a commencé à le réinvestir. Et les quatre auteurs font partie de ceux qui revendiquent, de façons diverses, une telle entreprise. C'est cette diversité même qui les a poussés à se réunir.
Cet ouvrage ne vise donc pas à homogénéiser leurs pratiques, mais au contraire à en faire valoir l'hétérogénéité, c'est-à-dire la richesse et la pluralité que peut engager un rapport philosophique au terrain. Ce livre ne risque pas non plus d'épuiser une telle hétérogénéité : bien d'autres rapports philosophiques au terrain sont possibles, et actuellement réalisés par d'autres qu'eux.
Enfin ils souhaitent, sous un format relativement court et accessible, présenter directement la manière dont, chacun, ils ont été plongés dans le terrain, travaillés et questionnés par lui avant même de pouvoir le questionner eux-mêmes, à partir de quatre champs d'investigation différents :
- une réalité sociale reconfigurée par l'impact politique des migrations dans le Calaisis - une réalité judiciaire dans les configurations internationales de la guerre en ex-Yougoslavie - une réalité pénitentiaire pensée à partir de ses acteurs en France - une réalité d'engagements à partir de la situation économico-politique de la Grèce.
Ces quatre champs d'investigation suscitent eux-mêmes quatre modes d'approche différents :
- l'immersion - l'observation combinée aux entretiens et au travail d'archives - l'enquête par le biais de la position enseignante - l'association des entretiens à la réflexion esthétique.
Leur petit nombre réfute évidemment toute volonté d'exhaustivité. Et le caractère singulier de chacun de leurs terrains dit qu'ils ont souhaité embarquer le lecteur dans quatre aventures intellectuelles différentes, questionnant chaque fois le rapport de la philosophie au terrain par des abords spécifiques et renouvelés. En se réunissant, ils ont souhaité à la fois attester de cette pluralité à partir du récit de l'analyse de chacune de leurs expériences, et en dégager ce qui les lie à cette constellation commune qui a pris le nom de philosophie de terrain. -
L'immontrable : des guerres et des violences extrêmes dans l'art et la littérature
Annette Becker
- Creaphis
- 21 October 2021
- 9782354281649
L'historienne Annette Becker propose un essai d'histoire culturelle et suit les linéaments d'une exploration de ce que Camus nommait en 1965 « la douleur de l'histoire toute fraîche ». Elle rassemble ici des réflexions qui ont émaillé son parcours intellectuel et sensible de femme dans l'histoire. Spécialiste reconnue de la Grande Guerre et des violences extrêmes qui ont marqué le « court xxe siècle » (de Sarajevo à Sarajevo), elle a entrepris dans un réel engagement aux côtés d'autres historiennes et historiens de faire l'histoire et de lire les mémoires des conflits de notre temps, des génocides et des guerres coloniales, de l'Arménie au Rwanda.
Autant de douleurs et de cicatrices que l'historienne décrypte et déchiffre dans les formes les plus diverses de la création (peinture, sculpture, arts visuels, musique et poésie). Ces tableaux successifs de situations traumatiques sont autant de possibilités et de nécessités offertes pour mesurer autrement et pour mieux comprendre les dévastations physiques et mentales subies par les êtres humains en temps de paroxysmes : qu'ils soient militaires ou non, femmes ou hommes, civils de tous âges et de toutes origines. Avec une certitude : l'horreur et l'effroi sont et représentables et historicisables, malgré le topos paresseux selon lequel le choc des souffrances les plus dures serait devenu intransmissible ou inaudible. Tout au contraire l'auteure affirme ici, avec détermination (le déterminant « l' » a toute son importance que la question ne se pose pas) : l'immontrable est bien représentable.
Comment raconter, porter à la conscience ces vécus non partagés, comment retrouver ces expériences et les ré-historiciser, alors que les media nous bombardent - à juste titre mais souvent sans recul - des drames d'aujourd'hui ?
Aussi Annette Becker a-t-elle voulu exhumer dans cet ouvrage des oeuvres et des sources, écrites, visuelles, sonores, saisies au moment de la blessure du corps ou de l'âme, juste avant la mort, pendant la cruauté et la terreur, le chagrin, le sang, les larmes. Elle est et reste persuadée que l'essentiel est de porter un regard qui croise sciences sociales, écriture et art, sans frein ; l'interprétation est essentielle, même si elle est éphémère ou controversée.
Cet ouvrage montre l'importance et l'absolue nécessité de prendre en compte les expressions artistiques et littéraires pour analyser et restituer des périodes ou des phénomènes historiques en voie de disparition dans l'oubli. La liste des artistes et écrivains forme en soi un corpus intéressant, une matière à penser : on y retrouve entre autres Apollinaire, Max Jacob, Claude Debussy, Dada, Julien Gracq, Jean Lurçat, Mark Rothko, Pierre Buraglio, Christian Boltanski...
-
Destins français : essai d'auto-ethnographie familiale
Martine Segalen
- Creaphis
- 19 May 2022
- 9782354281823
Martine Segalen se livre à une enquête historique et généalogique de la « saga » de deux familles juives dont elle est issue, venues à la fin du 19e siècle à Paris. Entre démarche personnelle et professionnelle, très documentée, cet exercice de retour en soi est sensible, émouvant et représentatif d'une histoire de beaucoup de familles françaises ou qui le sont devenues.
La photo sur le bureau Les albums de famille sont comme des petites machines à remonter le temps. Les photographies en sont les arrêts sur images, les moments figés d'un film muet sautillant et fragile. Jaunies, altérées par les plissures et les mauvais traitements elles disent peu d'elles-mêmes. Entre les photos il y a des blancs, des marges et parfois telle ou telle part écrite succincte, juste un mot, un lieu, un prénom, une date, un bref commentaire.
C'est une matière que Martine Segalen (née Appel) connaît bien. Ethnologue connue par ses travaux de sociologie de la famille, sur le mariage, la parenté, la transmission dans les sociétés françaises, traditionnelles et contemporaines, elle se livre ici à un exercice de retour en soi, une sorte d'auto-ethnographie. Elle a pu le faire à partir d'une double dynamique : celle, personnelle, fortement motivée par le désir légitime de retrouver ses origines, d'explorer les archives et les traces de sa propre famille afin de s'assurer de la transmission ; l'autre, professionnelle, en utilisant la « boîte à outils » de son savoir anthropologique qui lui a permis de comprendre les mécanismes de composition familiale tels qu'elle a pu les observer et les analyser dans d'autres groupes sociaux.
Cet ouvrage en est le résultat. Pour mener à bien cette enquête, l'ethnologue s'est faite historienne, elle est allée sur le terrain, dans les archives, a fait resurgir ses propres souvenirs. Son exigence méthodologique et cette pratique d'une ethnologie de soi ne cache pas l'émotion qu'elle a senti surgir à la vue des documents, des sites et des photographies qui la concernaient directement.
Sagas familiales, exils croisés, destins d'exilés C'est une description historique de la « saga » de deux familles juives dont elle est issue, venues à la fin du xixe siècle jusqu'à Paris, symbole de la liberté de penser ; elles s'y intégrèrent au milieu professionnel des fabricants et commerçants du vêtement (principalement dans la branche de la casquette et de la fourrure). Martine Segalen a exploré minutieusement la trajectoire de ces exilés et enquêté sur le milieu socioprofessionnel judéo-parisien jusque dans les années 1930. Elle décrit les systèmes d'alliances et les stratégies mises en oeuvre au cours de plusieurs générations pour consolider les fruits d'un exode et fait le récit de ces trajectoires sociales ascendantes.
Les premiers chapitres retracent le parcours des deux lignées, du côté du père et du côté de la mère. Chacune de ces lignées a connu une forme d'exil différente et d'ailleurs assez semblable aux lignées de la famille de Nathalie Heinich (voir Une histoire de France). Partis de la Pologne et de l'Autriche russe, une branche a rejoint l'autre lignée partie d'Alsace après 1870. Leur ressemblance est moins l'appartenance à un milieu social qu'une communauté religieuse.
Dans un autre chapitre elle raconte aussi, de manière encore plus impliquée, cet épisode paroxystique du camp de Drancy où furent internés ses parents (Paul et Ginette Appel) durant deux ans (1942-1944), au moment de sa toute première enfance. Ce fut un moment très difficile où tous les rêves et les efforts des générations précédentes semblaient devoir se briser et s'effacer. Ce chapitre renvoie aussi à l'actualité des recherches historiques sur Drancy. 2022 est une année de commémoration de la terrible rafle du Vél d'Hiv et des exactions contre les juifs qui ont suivi et qui ont fait de la Cité de la Muette à Drancy un épicentre de la déportation vers Auschwitz et Birkenau. Parmi les témoignages réunis par les équipes du Mémoriel de la Shoah, il y a ceux des parents de Martine Segalen et c'est avec une grande lucidité et sans partialité qu'elle relate ces faits.
« Ethnologie du chez soi » Cet essai aurait pu avoir pour titre Du train à la Péniche. Martine Appel-Segalen a suivi les traces de son grand-père, Israël Appel, depuis les voies ferrées où roulait le train qui le conduisit à la fin du xixe siècle de Katowice en Pologne jusqu'à Paris. C'est sur la « Péniche », ce long banc en bois du hall de Sciences Po, qu'elle-même rencontra son futur mari Renaud Segalen, petit-fils de Victor Segalen.
Cette période a constitué pour elle un drôle de départ dans la vie : elle est née en 1940. Mais tant d'opiniâtreté a abouti : Martine Appel a intégré Sciences Po, a eu une première vie professionnelle dans les hautes sphères commerciales, est devenue Martine Segalen par son alliance avec Renaud, se liant ainsi à une famille au parcours transnational, elle aussi.
Puis elle a connu une trajectoire pleine de bifurcations et d'imprévus. Mère de trois enfants, elle a fait une brillante carrière d'ethnologue, devient une intellectuelle reconnue. Elle est en même temps une grande sportive qui accumule les coupes et les trophées de marathonienne et elle a souvent pris position publiquement pour la place des femmes dans le sport.
L'histoire des Segalen et la biographie plus détaillée de Martine mériteraient des développements propres. Mais ce n'est pas le propos de son ouvrage, écrit juste avant sa disparition et auquel elle tenait beaucoup.
Voyages, archives, enquêtes lui ont permis de reconstituer et mettre en récit une histoire accidentée et cicatrisée qui est celle de beaucoup de familles françaises ou qui le sont devenues.
Le texte, articulé en plusieurs chapitres, est très documenté aussi bien par les récits de l'exil et les photos de famille que par des certificats de nationalité, des contrats de mariage, des demandes de naturalisation, des publicités pour les ateliers de confection, les en-tête d'entreprises. L'ensemble compose un tableau de familles dont les motifs sont les déménagements, les parcours résidentiels et professionnels au sein de la société française à chaque époque et dans les événements de la grande Histoire de France.
Le livre nous fait pénétrer dans l'intimité des familles mais avec une très grande retenue, voire une distance critique, que la chercheure en sciences sociales qu'est Martine Segalen applique avec une certaine rigueur.
L'ouvrage contribue ainsi à une réflexion déjà ancienne sur la réelle « identité de la France », au sens de ce qu'est ce pays et ce qui s'y passe aujourd'hui en résonnance avec le destin d'exilés contemporains. -
écrire ou photographier ; Flaubert et Du Camp en Orient
Sylvain Venayre
- Creaphis
- 3 December 2020
- 9782354281359
Ecrire et photographier ? La question est d'une étonnante modernité. Mais elle n'est pas nouvelle et elle accompagne depuis les origines du livre l'histoire de l'édition. Sylvain Venayre saisit l'occasion de réfléchir au rapport du texte et des images, de l'art de la description des lieux face à l'art de les représenter visuellement, par l'approche des relations entre deux grands artistes du xixe siècle : Gustave Flaubert et Maxime Du Camp. Ces deux-là sont à peine âgés de 25 ans, en ce milieu du siècle, quand ils entreprennent de partir en voyage : destination le Moyen Orient. C'est une destination toute trouvée dans un contexte favorable aux voyages et aux expéditions.
La France a découvert l'égypte avec l'expédition de Bonaparte (1798-1801), l'égyptologie avec Jean-François Champollion et de nouveaux accès avec l'entrepreneur Ferdinand de Lesseps. L'« égyptomanie » s'inscrit durablement dans le paysage culturel du nouvel empire aussi bien dans les oeuvres de l'esprit que dans les monuments. Il importe donc d'enrichir la documentation scientifique et architecturale, de s'intéresser aux usages et aux moeurs des populations et des nouvelles contrées à coloniser et surtout d'apporter des preuves et des images fiables de ces « ailleurs » pleins de promesses de profit. Celles-ci vont se multiplier jusque dans les années 1930 sur toutes sortes de supports imprimés.
Ce milieu du siècle de l'industrie est marqué par l'exotisme, la conquête de nouveaux passages et de nouvelles terres. L'Orient est à la mode. À ce moment d'apogée du romantisme, la littérature s'est « orientalisée » avec le goût de l'ailleurs, du voyage, sous l'influence des écrits de Byron, Chateaubriand et Lamartine, qui auront aussi de l'influence sur Flaubert, Du Camp ou Nerval. C'est une époque charnière d'une histoire « contemporaine » avec l'ouverture des temps « modernes » et le développement du goût pour la science et la technique en liaison avec l'industrialisation de l'Occident. C'est notamment le début d'un cycle d'inventions de ce nouvel art de la représentation qu'est la photographie.
Dix-neuvièmiste éclairé, historien du voyage, lecteur et rassembleur assidu de toutes sortes d'archives et de sources d'histoire culturelle, Sylvain Venayre, connu et reconnu pour ses travaux d'histoire culturelle sur Pierre Loti, suit ici de près les deux protagonistes qu'il nomme familièrement « Gustave » et « Maxime » dans leur voyage en Orient et ses conséquences sur la perception qu'ils ont respectivement de l'écriture et de la photographie. Ce débat engagé entre eux en amont de ce voyage par la publication des travaux de Maxime se poursuivra plus tard comme en atteste, dans la correspondance de Flaubert, ses parti pris et ses refus de l'illustration pour ses romans, notamment Salammbô.
Le choix s'est porté ici, dans cet petit ouvrage, sur une relecture à la fois textuelle (avec des extraits de la Correspondance de Flaubert) et visuelle (avec une vingtaine de photographies choisies de Du Camp) de ce moment clé d'une expérience de terrain propice à une philosophie des usages de l'image.
-
De la poubelle au musée, une anthropologie des restes
Octave Debary, Philippe Descola
- Creaphis
- 7 March 2019
- 9782354281380
Cet ouvrage traite de la difficulté à nous séparer des objets et de leur histoire. De la poubelle à l'usine, des marchés de vide-greniers aux puces , du théâtre d'objets au mémorial, du patrimoine au musée et à l'objet comme reste, Octave Debary cherche à interroger le pouvoir de faire autre chose des objets. Il questionne des manières de rendre compte de l'histoire. S'agit-il de dettes ? De devoirs de mémoire ? Ou d'arts du souvenir qui placent au coeur de leur pratique un art de l'oubli ?
-
La pin-up et l'atelier ; ethnographie d'un rapport de genre
Anne Monjaret
- Creaphis
- 19 March 2020
- 9782354281588
Nous avons tous vu, à un moment ou à un autre, dans des ateliers de garagistes, des cabines de routiers ou autres lieux de travail masculins, ces posters donnant à voir des femmes dévêtues et dans des positions suggestives.
Ces images de pin-up (littéralement « punaisées en haut ») font ici l'objet d'une approche anthropologique. L'ethnologue Anne Monjaret a longuement parcouru l'environnement de travail masculin : sa recherche a commencé dans les années 1990 dans les services techniques de trois grands hôpitaux parisiens et s'est poursuivie dans d'autres milieux de production ou d'entretien. Plusieurs années plus tard, elle revient sur les conditions de cette enquête et elle évoque la difficile posture d'une chercheuse s'introduisant dans un monde exclusivement masculin. Elle analyse la signification et la portée de telles représentations des femmes. Elle élargit sa réflexion à un questionnement sur la division sexuelle des lieux de travail, leur gestion et les relations entre les femmes et les hommes dans ces espaces.
Mais au cours de son investigation, elle constate aussi que ces pratiques se modifient et qu'aujourd'hui les affichages de nus féminins tendent à disparaître des lieux de travail masculins. Si l'usage des calendriers perdure, ils ne sont plus seulement illustrés par des images de femmes dévêtues : ils peuvent aussi montrer des hommes musclés et en partie dénudés et ne sont plus seulement affichés dans l'univers clos des ateliers mais aussi dans des espaces plus ouverts.
Cet essai original interroge aussi les manières de pratiquer la discipline. L'ethnologue, en questionnant le regard que les hommes portent sur les femmes, contribue à la réflexion sur le changement des relations entre les sexes, la reconstruction des représentations des rôles sociaux et les codes traditionnels qui régissent les rapports de genre. Par ailleurs, cette écriture, argumentée avec les outils de la discipline et quelques documents (une dizaine de photographies), ne manque pas de qualités littéraires.
-
L'urbain par l'image ; collaborations entre arts visuels et sciences sociales
Collectif
- Creaphis
- 12 March 2020
- 9782354281519
Sous la direction de Cécile Cuny, Alexa Färber, Anne Jarrigeon.
Contributions : Florine Ballif, Philippe Bazin, Sylvaine Conord, Éliane de Latour, Sophie Greiller, Lucinda Groueff, Arlette Hérat, Christian Lallier, Yuca Meubrink, Nadja Monnet, Vivianne Perelmuter, Aurélie Pétrel, Sonja Preissing, Maude Reitz, Bernard Renoux, Lourdes Segade, Hortense Soichet, Lina Tegtmeyer, Christiane Vollaire.
Une conviction fonde ce livre : images, discours et pratiques lient les arts visuels aux sciences humaines et sociales dans le champ des études urbaines. Cette proximité n'est pas seulement métaphorique mais repose sur des affinités théoriques et concrètes expérimentées notamment lors de collaborations entre artistes, chercheuses et chercheurs.
Malgré une histoire déjà ancienne et la bonne réception critique qu'elles suscitent, les collaborations entre arts et sciences humaines et sociales n'en continuent pas moins de poser problème. Nombre de personnes impliquées dans la création et dans la recherche revendiquent une double appartenance à l'art et à la science et l'idée d'une « pensée par l'image ». L'injonction courante faite par leurs pairs de séparer des domaines d'activité, pourtant articulés dans la pratique, renforce la difficulté de leur positionnement à l'intersection de disciplines dont ils et elles bousculent les frontières.
Fidèle à une tradition ethnographique, ce livre analyse le fonctionnement même des collaborations, leurs pratiques, leurs temporalités, leurs arrangements matériels, leurs objets, leurs techniques, leurs références et leurs catégories. Les oeuvres en commun conduisent à inventer des formes et à envisager de nouvelles esthétiques dans le processus de travail comme dans ses restitutions. Ce livre réunit des artistes, des chercheuses et chercheurs de différentes générations. En les invitant à ouvrir la boîte noire de leurs collaborations, nous proposons d'explorer les promesses qui les lient lorsqu'elles ou ils travaillent ensemble.
-
Ce petit livre condense sous la forme d'un manifeste une réflexion inédite sur la " philosophie de terrain ".
Si toute philosophie se définit en partie par son rapport à l'expérience, tous les philosophes ne placent pas ce rapport au centre de leur travail. Avec le projet d'une philosophie de terrain, Christiane Vollaire interroge cette relation en détail. Elle en propose une analyse informée par ses propres expériences, développe une réflexion originale sur l'ancrage des pensées philosophiques dans leur contexte historique et présente une approche critique et politique singulière de l'activité des philosophes. Plutôt que par l'ambition théorique ou généralisatrice, sa démarche se définit par une écriture attentive à l'expérience concrète du déplacement (géographique ou de classe, comme le pratiquait Simone Weil) et par une politique de l'entretien. Celle-ci procède de l'écoute et de la restitution des paroles des personnes rencontrées sur place, dans les lieux où elles vivent, partagent des expériences et s'organisent pour faire face à des situations d'épreuve politique. En Égypte, au Chili, en Bulgarie, Christiane Vollaire a mené des entretiens qui rendent compte du discours et de la pensée accomplis par les sujets eux-mêmes. À rebours de leur réduction fréquente au statut de subalternes, de victimes ou de témoins, il s'agit de les tenir pour acteurs de l'histoire et penseurs d'une expérience commune.
L'intention de cette philosophie de terrain est, selon l'expression de Michel Foucault, de fournir des " outils " pour penser de façon critique les migrations, les systèmes de santé et d'éducation, la question du travail, les politiques du logement, le droit ou les politiques pénales, les politiques mémorielles, etc. Le travail de documentation et la mise en forme par l'écriture s'articulent à une réflexion détaillée sur la relation de l'esthétique au politique, dans un ouvrage à valeur de manifeste qui souhaite avant tout ouvrir des pistes de réflexion et susciter des collaborations. -
Montrer les violences extrêmes
Annette Becker, Octave Debary
- Creaphis
- 29 November 2012
- 9782354280611
Comment notre société traite-t-elle de son passé à travers les souvenirs de ses drames? Comment aborde-t-elle le difficile travail d'historicisation des souffrances causées par les violences des guerres en particulier ? Comment les dire, comment les montrer, peut-on les dire en les montrant ? Est-il possible de créer à partir de ce qui reste, d'Auschwitz aux poignées de terres rapportées du Viet Nam ? Peut-on faire une théorie de la violence, théoriser l'existence ? Peut-on prétendre partager ce qui relève dans nos sociétés aujourd'hui, la plupart du temps d'un non-vécu ?
Pour tenter de répondre à ces questions, cet ouvrage rassemble les travaux d'artistes, muséographes, scénographes, conservateurs, architectes, historiens, anthropologues et philosophes, autant de confrontations de mots, de sons, de sensations, d'objets et d'images.
-
Quarante ans après, les événements qui ont marqué l'année 1968 sont partout rappelés. Expositions, livres, émissions de radio ou de télévision se multiplient en France et à l'étranger et font écho à ce courant de contestation qui a parcouru le monde, de la Californie à Tokyo. Cet ouvrage accompagne des expositions de Bruno Barbey en Espagne.
Bruno Barbey, de l'agence Magnum Photos, a été l'un des rares photographes présents sur les lieux des événements du printemps 68 à Paris, de fin mars à fin juin. Certaines de ses photos, diffusées et publiées au moment même du déroulement des faits, sont devenues des images emblématiques, maintes fois reproduites, de véritables icônes. Avant et après, ses images de la guerre du Vietnam ou des soulèvements étudiants de Tokyo témoignent des mouvements de révolte et de contestation des années 68 à travers le monde.
Bernard Chambaz est né en 1949. Après une agrégation de lettres et d'histoire, il se tourne vers l'écriture. Poète, romancier, il a notamment publié L'Arbre de vies (Julliard,1992, Goncourt du premier roman), Martin cet été (Julliard, 1994), L'Orgue de barbarie (Seuil, 1995), Le Pardon aux oiseaux (Seuil,1998), Kinopanorama (Panama, 2005). ll est professeur d'histoire au lycée Louis-le-Grand à Paris.
Juan Bosco Diaz de Urbaneta est critique d'art et professeur d'esthétique à l'université de Séville.
1 -
La carrière de Jean Dréville (1906-1997) débute en 1928 par le tournage du premier making of de l'histoire, Autour de l'Argent, documentaire sur la genèse de L'Argent, film de Marcel L'Herbier.
Sa rencontre avec Noël-Noël donnera lieu à des films célèbres comme La Cage aux Rossignols (1945) qui inspirera Christophe Barratier pour Les Choristes (2004). Dans ses chroniques de moeurs, il met en scène quelques " monstres " du cinéma français : Charles Variel, Pierre Fresnay, Louis Jouvet. Tournés avec des moyens modestes et des comédiens quasiment inconnus, ses films de guerre (dont Normandie Niemen), frappent par leur fraîcheur et leur véracité.
La Reine Margot (1954) avec la jeune Jeanne Moreau, ou La Fayette avec Michel Le Royer et Orson Welles (1963), sont en revanche des superproductions ambitieuses, à grand spectacle et gros budget. Dans les années 1950, la Nouvelle Vague a dénigré cet éclectisme en le rangeant sous le vocable infamant de " qualité française ". Méconnaissant, ou niant, les qualités esthétiques et les prouesses techniques de Jean Dréville ; refusant, au profit de la notion d'auteur, l'effacement du directeur d'acteurs derrière le jeu de ceux qu'il dirige, Les Cahiers du cinéma dénoncent " la neutralité malveillante qui tolère un cinéma médiocre, une critique prudente et un public hébété ".
La guerre prend fin dans les années 1980, quand les jeunes Turcs apaisés sont suffisamment assurés de leur position pour rendre hommage à leurs précurseurs. Réalisateur d'une quarantaine de films en quarante ans, jean Dréville, amoureux du cinéma des origines, a consacré les dernières années de sa vie à restaurer des oeuvres mythiques du cinéma muet, parmi lesquelles le Napoléon d'Abel Gance et L'Inhumaine de Marcel L'Herbier.
Patrick Glâtre propose ici une relecture critique de cette oeuvre méconnue et essentielle de l'histoire du cinéma français. Le livre est présenté par la comédienne Valérie Dréville qui, en quelques lignes, rend un hommage émouvant à son père.
-
-
Diane, déesse de la mythologie romaine (nommée Artémis dans la mythologie grecque), est une figure de légende qui symbolise l'eau, la nature, la nuit, la lune, la violence et la sexualité.
La déesse lunaire, vénérée sous la triple identité de Luna (la Lune), Diana (la Terre) et Hécate (le monde souterrain), est devenue peu à peu divinité de la chasse, de la chasteté et de la virginité. Diane, vierge chasseresse défendant farouchement sa virginité, s'est ainsi rapprochée de l'Artémis des Grecs. Cette vaillance est l'un des traits de caractère de la femme vertueuse, figure à laquelle se réfère volontiers la littérature de la Renaissance et du XVIe siècle français.
Diane a ainsi pris corps au cours des siècles, sous de multiples formes dans divers champs de la création. La littérature contemporaine ne l'a pas oubliée (on songe à L'Hécate de Pierre jean Jouve), ni la psychanalyse qui, dans les années 1970, a revisité ce mythe par une lecture moderne, mettant en pleine lumière les rapports qu'entretient l'humain avec la déesse. A travers la vision de Jean-Christophe Ballot, le livre nous invite à une déambulation du Musée du Louvre au parc du Château de Versailles en passant par La Garenne Lemot à Gétigné, près de Nantes.
En Italie, il nous ouvre les jardins secrets de la Villa Médicis à Rome et de la Villa d'Este à Tivoli, les jardins du Palais Royal de Caserte, prés de Naples et la Galerie des Offices à Florence. Faisant " oeuvre sur l'oeuvre ", il s'agit pour le photographe de s'approprier et de ré-interpréter le travail de sculpteurs de la Grèce antique jusqu'au XIXe siècle tels que Christophe-Gabriel Allegrain, François-Joseph Bosio, Benvenuto Cellini, François Girardon, Jean-Antoine Houdon, Gaspard et Balthazar Marsy, Paolo Persico, Ponce Jacquiot, Giacomo Antonio Ponsonelli ou François-Frédéric Lemot.
Le photographe, qui a été pensionnaire à la Villa Médicis, est nourri de ses expériences romaines. Il détaille les statues, les reliefs, en découvre la texture et le grain et les inscrit dans des gammes de gris aux nuances subtiles. Hôte des lieux pour une matinée ou une nuit, il met en scène ces personnages de pierre. Dans son théâtre d'ombres et de lumières, le photographe traduit des sentiments : de la tendresse à la plus grande violence.
Par un usage saisissant du flou, il anime la pierre. Il exprime ainsi la légèreté et la sensualité des corps ou renforce l'intensité dramatique des jeux cruels de la déesse.
-
Jean Gabin ; la traverséee d'un siècle
Patrick Glâtre, Olivier Millot
- Creaphis
- 2 June 2004
- 9782913610477
Jean Gabin (1904-1976), qui a fait carrière en un temps du cinéma où l'acteur était roi, a su incarner les archétypes du génie national. Ce livre s'intéresse à l'évolution de la banlieue à travers quelques films emblématiques et interroge une dizaine d¹'oeuvres qu'il réinsère dans leur époque. L'ensemble, illustré de photographies tirées des collections du musée Jean-Gabin de Mériel (Val d'Oise), s'appuie sur une filmographie intégrant les reportages consacrés à l'acteur.
-
Un jour, ou peut-être une nuit, les onze volumes de planches de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert ont été dérobés à la bibliothèque de Royaumont. Inspirée de ce fait divers, une équipe de Royaumont, Suzanne Doppelt (photographe), Ryoko Sekiguchi (écrivain japonaise) et Marc Charpin (lithographe), propose de recomposer certaines de ces planches. Il s'agit d'une réappropriation, fidèle à l'Encyclopédie, qui tente de répertorier et de classer le monde. Reconstruire une part de ce qui a été volé, tel est le propos des artistes engagés dans cette entreprise.
-
Ivry banlieue rouge ; capitale du communisme français, XXe siècle
Emmanuel Bellanger
- Creaphis
- 16 March 2017
- 9782354280499
Ivry-sur-Seine peut se prévaloir d'un héritage et d'une longévité politiques auxquels peu de villes de son importance et de son aura symbolique peuvent prétendre. Son histoire contemporaine fait écho à l'expérience du socialisme municipal et de la banlieue rouge, communiste et industrielle, qui, au cours du 20e siècle, marquent de leur empreinte le paysage de l'agglomération parisienne. Dès les années 1920, cette cité ouvrière s'érige en « fille aînée » du communisme urbain et en « capitale du communisme français ». Sous l'autorité tutélaire de Georges Marrane maire d'Ivry et de Maurice Thorez, député de la ville et secrétaire général du Parti communiste, la ville se présente pendant près d'un demi-siècle en modèle de sociabilité militante, d'opposition au régime capitaliste et de contestation de l'ordre établi. Elle devient aussi un lieu emblématique du déploiement du communisme municipal dont les réalisations sont citées en exemple en France mais aussi en URSS, le pays du « socialisme réel » et de la dictature du prolétariat, que la ville rouge aime à dépeindre sous les traits d'une terre radieuse.
C'est cette expérience politique et historique de près d'un siècle que l'historien Emmanuel Bellanger, chercheur au CNRS, met en perspective en remontant aux sources du communisme ivryen, les années 1880-1890. Il décrit les tensions qui traversent l'époque, les renoncements et les violences qui la caractérisent, les compromis qui s'imposent à des acteurs politiques que tout oppose ainsi que les fiertés d'être banlieusard et d'appartenir à un territoire de conquête. Emmanuel Bellanger achève son récit sur la rupture fondamentale que constitue pour la banlieue rouge la désindustrialisation qui fragilise la société locale et accentue les divisions qui l'affectent. L'ouvrage est documenté par une centaine d'illustrations et se clôture par une anthologie commentée de textes d'archives couvrant les années 1990 aux années 2000.
-
-
Bien avant la naissance de la photographie, Le Louvre a été un sujet d'inspiration pour de très nombreux artistes.
Depuis le milieu du XIXe siècle, les photographes, chacun à leur manière, se sont intéressés à ce monument et à ce musée uniques au monde. Utilisant seulement une chambre de grand format, Jean-Christophe Ballot a suivi les différentes étapes de la métamorphose du Louvre dans les années 1990. Plus tard, visiteur de la nuit, il a guetté patiemment la lumière qui transforme le palais en rêve de pierre.
Le photographe fait ici se rejoindre deux mondes opposés : le jour et la nuit, l'avant et l'après, l'histoire et l'imaginaire. Rigoureuse et contemplative, la photographie de Jean-Christophe Ballot témoigne de son regard d'architecte et de documentariste, et propose du Louvre une vision éclairée, pleine de rêverie et d'insolite.
-
De la Révolution française à la Révolution bolchevique de 1917, de la chute du mur de Berlin en 1989 au 11 septembre 2001, certains événements scandent l'histoire. Lorsqu'on les évoque, surgissent spontanément des images, qui sont autant de repères dans les mémoires collectives. A la première page du journal imprimé, en ouverture du journal télévisé, un flux continu d'informations hétéroclites assaille le public. Il entrevoit des mots, perçoit des images fugitives, puis opère une sélection. Certains faits demeurent, qui deviennent événements l'image n'est pas étrangère à cette brusque ou lente promotion, pas plus qu'elle n'est indifférente aux interprétations, immédiates ou ultérieures, que l'événement charrie au cours du temps. Choc et ondes de choc, poids et modelage, postérité et mythologie l'ouvrage observe sur deux siècles les rapports entre images et événement, en considérant une grande variété de supports, gravure, dessin, caricature, peinture, affiche, photographie, cinéma d'actualité ou de fiction, télévision. Ce livre ne prétend pas proposer une analyse définitive, mais simplement fournir des clefs de lecture et dégager des pistes de réflexion. Au-delà des faits, des époques ou des sources figurées, les mêmes questions reviennent qui touchent aux conditions de production, de création, de diffusion, de réception. Si l'événement est naturellement producteur d'images, l'image est elle-même réductrice, broyeuse d'événements, de telle sorte qu'on peut souvent parler " d'image-écran ". Paradoxe ? Le lecteur en jugera au fil des chapitres.
-
Ce petit livre, (le format est celui du catalogue et du livre Belleville Belleville) est à la fois un livre de photographie et un livre de mémoire.
Dans la mouvance actuelle du goût pour l'histoire industrielle, il s'inscrit sur le registre sensible de la collecte des traces d'un monde particulier : la " Grosse Boutique " à Bogny-sur-Meuse, la plus importante boulonnerie des Ardennes. A deux pas de Charleville-Mézières, cette usine a accueilli depuis sa création au XIXe siècle des milliers d'ouvriers. Plusieurs générations s'y sont succédées et des ouvriers et ouvrières de toutes origines y ont travaillé. Le site, démoli en 1970, a laissé place au collège Jules-Ferry. Enseignante en histoire dans ce collège, Fabrizia Laquay-Valeriani a entrepris un travail de mémoire auprès des anciens de la Grosse boutique, en collaboration avec Olivier Pasquiers, photographe au collectif le bar Floréal à Paris. D'autre part, puisque l'activité de métallurgie de pointe est encore présente dans cette localité, le travail (photographique et ethnologique) s'est étendu auprès d'ouvriers de plusieurs générations encore en activité dans les ateliers de Bogny-sur-Meuse.
Le livre résulte de cette double expérience. Les " portraits ouvriers " sont en quelque sorte illustrés par la parole des gens photographiés. Ces textes, à peine retouchés pour des questions de lisibilité, sont principalement issus d'enquêtes orales préparées par les élèves et leur professeur. Celle-ci s'en explique d'ailleurs en ouverture de l'ouvrage.
Deux séries de portraits se succèdent dans le livre. Ce sont d'abord ceux des anciens, aujourd'hui retraités, assis pour la plupart dans leur salon. Puis viennent, en pied et devant leur machine, à leur poste de travail mais en situation frontale de pose (pause), les ouvriers d'aujourd'hui (en 1999 et en 2003).
Une " note " des éditeurs, en fin de livre, propose une réflexion sur la place de ces images et de ces textes dans l'historiographie des représentations ouvrières. Un glossaire de certains mots et expressions de métier accompagne cette réflexion.
-
Minas Vartabedian naît en 1927 dans une famille d'émigrés arméniens. Son père a un atelier de photographie.
L'envie de Varta pour l'art du portrait photographique semble être née de l'observation répétée d'un livre qu'il aimait particulièrement : " Faces of Destiny " du photographe canadien d'origine arménienne Youssuf Karsh, où figurent des célébrités anglo-saxonnes (la reine Élisabeth II, Roosevelt, Rockfeller...) :
Le premier portrait réalisé par Varta est celui de l'écrivain Nino Franck, rencontré au Brésil. Celui-ci lui remet une lettre de recommandation pour Pierre Mac Orlan.
Il rencontre Pierre Mac Orlan, vers 1958/60, réalise son portrait et par son intermédiaire, approche Juliette Gréco, Jean-Pierre Chabrol, Georges Brassens, De fil en aiguille, une personnalité l'introduisant auprès d'une autre, il rassemble entre la fin des années 1950 et 1964 une série de 53 portraits, réunissant des personnalités célèbres de la société française de cette époque. Cette série de portraits constitue une oeuvre homogène et théâtrale, où l'on reconnaît l'influence de Youssuf Karsh.
Pour ses prises de vue, Varta se rend toujours au domicile de ses sujets. Il dispose simplement de son appareil photographique et de deux spots, et n'utilise pas de fond. Une attention particulière est portée à la posture, à l'expression du visage. La présence d'un accessoire, comme une cigarette ou une pipe, finit de construire l'image et attire le regard sur les mains, contribuant à définir le sujet photographié.
Il réalise lui-même ses tirages, composant ses révélateurs. Il retravaille les négatifs, assombrit manuellement les fonds des portraits pour donner au sujet toute son importance.
Il refuse d'être rémunéré pour ces portraits, réalisés à son initiative et pour son oeuvre personnelle. Il décline ainsi une commande pour la pochette d'un disque de Gilbert Bécaud.
Néanmoins, il semble qu'une dizaine de portraits a été utilisée pour les pochettes d'une série de disques 33 tours, éditée dans les années 60 à l'initiative de l'Alliance Française : on retrouve ainsi Louis de Broglie, André Maurois, Jean-Louis Barrault, Max-Pol Fouchet, Hervé Bazin, André Chamson, tous photographiés par Varta.
Sa série de portraits est exposée successivement en novembre 1964 à l'École des Beaux-Arts, et à la Galerie Furstemberg en juin 1965, faisant l'objet d'une promotion par André Maurois et Joseph Kessel avec qui il entretient d'excellentes relations.
Varta décède en 1984 à l'âge de 57 ans, laissant derrière lui cette galerie de portraits, qui constitue aujourd'hui un témoignage unique à la fois sur une pratique photographique, et sur une époque.
Quelques réflexions de Varta sur son travail photographique :
" Je choisis un visage quand il a quelque chose à me dire. L'image reste fixée en moi, et elle m'obsède jusqu'à ce que je m'en débarrasse en la fixant sur le papier. A 40 ans, je me suis aperçu que ce que je cherchais, c'était la qualité de l'homme, et mon travail m'a servi à cela ; sans lui, je n'aurais pas pu approcher ces gens que je connais maintenant.
" Mon plaisir, ma joie, c'est la photographie, mon outil vers la connaissance de la vie. La lumière spectrale est pour moi le principal instrument me permettant d'atteindre à cette révélation.
" L'homme vit en portant un masque et mon travail est justement d'effacer cette apparence afin de révéler l'arrière-plan de cette âme qui se cachait. "