« On dit parfois, avec irritation ou avec un brin de satisfaction, que la philosophie ne fait aucun progrès. C'est certainement vrai, mais je pense que le fait que la philosophie doit toujours, en un sens, s'efforcer de reprendre les choses à la base n'est pas un accident regrettable, mais un trait qui appartient à la structure de la discipline. Or l'entreprise n'est pas des plus faciles. Il y a en philosophie un double mouvement : l'un qui progresse vers la construction de théories élaborées, et un autre qui revient sans cesse à la considération de faits simples et évidents. Par exemple, McTaggart déclare que le temps n'existe pas, et Moore lui répond qu'il vient de prendre son petit-déjeuner. Philosopher requiert l'un et l'autre mouvement. »
La découverte de l'oeuvre de Benjamin fut, pour Michael Löwy, une émotion qui a ébranlé bien des convictions et dont l'onde de choc s'est ressentie pendant plus de 40 ans dans toute sa recherche sur les formes hétérodoxes du marxisme en Europe ou en Amérique latine. À la vision marxiste d'une révolution comme «locomotive de l'histoire», roulant inexorablement vers le «progrès», Benjamin propose une version de la révolution «comme frein d'urgence», annonçant une critique du progrès et de la croissance, qui se développera plus tard dans la pensée critique. Les 9 essais rassemblés ici se concentrent sur la dimension révolutionnaire de l'oeuvre de Benjamin, où s'imbriquent une approche inspirée d'un matérialisme historique non orthodoxe et des conceptions issues du messianisme juif.
Les Thèses « Sur le concept d'histoire » de 1940 sont le dernier écrit de Walter Benjamin et constituent peut-être le document le plus significatif dans la pensée critique du XXe siècle. T exte allusif, sybillin, dont l'hermétisme est constellé d'images et d'allégories, semé de paradoxes, traversé d'intuitions. Ce livre en propose une étude au mot à mot. Là où d'autres ne voient que contradiction ou ambiguïté, il met en évidence une cohérence fondamentale, dont la clé est constituée par la fusion de trois discours hétérogènes: le romantisme allemand, le messianisme juif, le marxisme révolutionnaire. Echappant aux classifications dans lesquelles on a voulu le ranger, Benjamin est en cela un auteur qui dérange.
Les quatre livres rassemblés sous le titre Philosophie infinitive sont l'aboutissement de plus de vingt années de recherche sur la langue infinitive et sur les possibilités qu'elle offre à notre manière de voir le monde.
1. Penser à être, pour le verbe être et le verbe dire, 2. Penser à croire, pour croire et pour vouloir et pouvoir, 3. Penser à penser, pour ce verbe et pour se libérer, et 4.
Penser à vivre, pour vivre et pour souffrir et aimer, où passent et repassent un peu plus de 1 700 verbes et quelques poignées de conjonctions et de prépositions. Ainsi, la somme des 1700 actions à la puissance 1700, combinées possibles de cette humaine comédie des verbes ouvre des perspectives de pensée infinies pour la philosophie.
Peut-on restaurer la nature comme on restaure un monument ? Dans un contexte d'urgence environnementale, surgissent ainsi des lieux hybrides : forêts reconstruites, écosystèmes reconstitués, zones "naturelles" protégées, alimentant le mythe d'une nature retrouvée. Du fait de cette double appartenance, ils témoignent, pour une conception étroite de l'écologie, d'un accroissement de la mainmise de la technique humaine sur l'environnement.
Mais à ce mythe d'une nature intacte, le livre oppose un point de vue fondé non plus sur un absolu de nature, mais sur l'idée d'un soin responsable apporté par l'homme. S'impose alors le concept d'artefact naturel (comment définir un nid d'oiseau fabriqué par un humain, par exemple ?), qui ouvre des perspectives inédites pour la philosophie de l'environnement.
Depuis quelques années, avec le développement de la neuroscience, de la neuroimagerie, la neuropsychologie, on accorde une place toujours plus grande au cerveau, qui régenterait non seulement notre pensée, mais aussi nos émotions, nos doutes, nos amours, etc., au point que ce n'est plus tant l'humain qui pense, est ému, doute, aime etc., mais la « matière cérébrale », promue au rang d'ordonnatrice de nos vies et de nos espérances. La médecine neuroenthousiaste emboîte le pas et dresse une carte du cerveau qui ressemble de plus en plus à la carte du T endre d'une Melle de Scudéry devenue neurologienne. Après Creuser la cervelle, E. Fournier dresse un réquisitoire sans appel contre ce nouvel ordre cérébral qui nous prépare un monde d'écervelés à la merci des Pères Ubu de la neuroquelquechose.
Le livre rappelle que les enjeux urbains de la pensée de Walter Benjamin ne se situent pas en un lieu unique, mais avant tout dans un entre-deux villes où s'est joué le sort d'une modernité contradictoire : entre Paris, capitale du XIXe siècle et Berlin, capitale du XXe ou, pour le dire autrement, entre la grande ville et la métropole. Il met ainsi en évidence les deux versants de l'analyse urbaine et architecturale dans l'oeuvre de Walter Benjamin : l'un, centré sur Paris et l'archéologie de la modernité ; l'autre sur Berlin, plus attentif à l'émergence de la métropole et de l'architecture modernes. Les essais s'articulent autour de quatre chapitres (I. Paris : un lieu de résistance. II. Berlin, entre deux siècles. III. La ville sans aura. IV. L'impossible habitat.)
" chacun sait quelle folie s'est aujourd'hui emparée du monde, chacun sait qu'il participe lui-même à cette folie, comme victime active ou passive, chacun sait donc à quel formidable danger il se trouve exposé, mais personne n'est capable de localiser la menace, personne ne sait d'oú elle s'apprête à fondre sur lui, personne n'est capable de la regarder vraiment en face, ni de s'en préserver efficacement.
" ainsi s'ouvre la théorie de la folie des masses de hermann broch. mais nul ne sait oú elle commence, ni oú elle finit, tant son élaboration fut problématique, au point qu'on peut se demander si le sujet n'a pas eu raison de l'oeuvre, et si celle-ci ne se devait pas d'être retravaillée sans cesse, comme n'a de cesse cette folie des masses contre laquelle la raison vient buter sans parvenir à l'infléchir.
Commencée vraisemblablement à la fin des années 1930, la théorie de la folie des masses accompagne hermann broch jusqu'à sa disparition en 1951 sans qu'il parvienne à lui donner une forme définitive. c'est donc un véritable laboratoire d'idées qui est donné à lire - laboratoire d'une vie tout entière consacrée à la pensée, qu'elle prit la forme des célèbres romans tels que la mort de virgile ou le tentateur, ou d'essais sur la logique d'un monde en ruine, parus il y a quelques années dans cette même collection.
Le Problème du fétiche est l'histoire philosophique d'un concept, celui du fétiche. Avant que Marx (et son fétichisme de la marchandise), Freud (le fétichisme pénètre la psychiatrie clinique) ou Auguste Comte ne s'approprient le concept, diverses théories sur le fétiche se sont succédées, entre le XVIe siècle et le XIXe siècle. Cet ouvrage retracel'histoire de ces théories depuis l'invention du mot (en portugais feitiço, repris du pidgin fetisso, issu du latin factitius) par les navigateurs portugais du XVIe siècle arrivant sur les côtes africaines, et notamment en Nouvelle-Guinée. La confrontation entre la rationalité religieuse occidentale et le "culte des dieux fétiches" africains fait apparaître pour la première fois cette idée d'un objet image/symbole d'une transcendance (que Pietz compare longuement avec l'idée chrétienne d'idôlatrie, bien différente).
L'histoire se poursuit jusqu'aux Lumières (lesquelles fixeront durablement
le concept), et notamment avec le texte de Guillaume Bosman Voyage de
Guinée contenant une description nouvelle (1705) et celui de Charles De Brosses Du Culte des dieux fétiches (1760), dont les idées seront ensuite reprises par Diderot. Si fétichisme est aujourd'hui un mot du langage courant, en donner une définition précise n'en reste pas moins un exercice délicat ; d'où l'intérêt de ce livre, qui est une tentative de clarification d'un concept en empruntant la voie de l'histoire de l'anthropologie et de la philosophie.
"le désordre n'existe pas.
N'existe que l'ordre compliqué. " c'est à partir de ce simple postulat que yona friedman construit une image du monde fondée sur l'harmonie et qui défie les lois habituelles de la physique. l'univers devient alors erratique, l'espace est composé de granules infimes de vide et notre perception de la mosaïque du monde s'attache autant à chacune de ses pierres qu'à l'ensemble qu'elles constituent. l'ordre compliqué et autres fragments se présente comme une nouvelle monadologie, illustrée de dessins au trait et traduite en "bande dessinée" par l'auteur - entre autres - des utopies réalisables (l'éclat, 2000) et de l'architecture de survie (l'éclat 2003).
" tant qu'il ne fut pas possible aux chercheurs les plus sérieux d'accéder à l'ensemble des manuscrits de nietzsche, on savait seulement de façon vague que la volonté de puissance n'existait pas comme telle .
Nous souhaitons que le jour nouveau apporté par les inédits, soit celui du retour à nietzsche ", écrivaient g. deleuze et m. foucault dans l' " introduction générale " aux oeuvres complètes de nietzsche, établies d'après les manuscrits par giorgio colli et mazzino montinari et publiées en france par les editions gallimard.
Sous le titre " la volonté de puissance " n'existe pas, nous avons voulu rassembler quatre essais de mazzino montinari, traitant des problèmes posés par l'édition des écrits de nietzsche et portant plus particulièrement sur la question de la volonté de puissance.
A l'heure où reparaissent d'anciennes éditions de ce faux-livre, ces essais viennent rappeler aux " oublieux " qu'un travail de vingt années a permis de lire enfin le contenu des manuscrits de nietzsche et de prendre connaissance, entre autres choses, de ce qu'il n'a pas écrit.