De tous temps, l'économie a fait partie des sociétés humaines. Sa place est naturelle. Nous n'avons pas de prise sur son développement. D'ailleurs, le marché satisfait tous nos besoins... Vraiment ?
Karl Polanyi bat en brèche cette « légende ». Depuis le XIXe siècle, l'omniprésence du marché et, par conséquence, de l'industrie et de la technique, n'a cessé de croître. « L'Ère de la machine » a vu cet ensemble s'étendre à toutes les sphères de nos existences. Elle nous impose ses valeurs et son fonctionnement.
Polanyi plaide pour une refondation de notre rapport à l'économie afin d'en retrouver le contrôle. Il affirme la nécessité de nouveaux principes directeurs. C'est à cette seule condition que nous pourrons nous extraire d'un engrenage qui ne peut mener qu'au totalitarisme.
Grâce à ses expériences de terrain en tant qu'ethnologue des communautés d'éleveurs de rennes de Laponie, et avec l'aide de bon nombre de philosophes et d'anthropologues (Martin Heidegger, Gregory Bateson, Gilles Deleuze, Jakob von Uexküll, James Gibson, Charles Darwin, etc.), Tim Ingold déploie dans cette anthologie les lignes d'une pensée originale délimitant les territoires de l'évolution biologique et culturelle, les environnements humains et non humains, les royaumes de la pensée et de l'action, ainsi que les discours rivaux de l'art et de la science.
De la poétique de l'habiter à l'écologie du sensible, Tim Ingold plaide pour une réconciliation entre les projets de la science naturelle et ceux de l'éthique environnementale, pour un retour aux sources de l'anthropologie.
L'originalité du commentaire de Viveiros de Castro s'exprime de deux manières : 1. en proposent une analyse inédite de la réception philosophique de Clastres en France. 2. en montrant en quoi l'oeuvre de Clastres a introduit une "révolution copernicienne" dans les théories classiques de l'anthropologie politique qui voudraient que l'État organisé fût la finalité de toute société.
Viveiros de Castro se saisi du mot d'ordre de Clastres « société contre l'État » en faisant du signifiant «indigène» le mot d'ordre d'un Brésil « mineur » (Deleuze et Guattari :
Comme devenir résistant à une norme répressive). Pour montrer cela il développe l'idée de « politique indigène » qui, au regard de la crise environnementale, redéfini le politique selon nos capacités à habiter, partout localement, la Terre.
Au XIXe siècle, on distinguait les religions primitives des grandes religions de la planète sous deux aspects. En premier lieu, les religions primitives seraient inspirées par la peur ; en second lieu, elles seraient inextricablement liées aux notions de souillure et d'hygiène : les primitifs étaient, disait-on à l'époque, convaincus que ceux qui par inadvertance traversaient quelque ligne interdite étaient victimes d'effroyables catastrophes. Mais les anthropologues qui, comme Mary Douglas, ont pénétré plus profondément dans ces cultures primitives ne trouvent pas trace de cette peur. L'hygiène, en revanche, se révèle une excellente piste si nous savons la suivre en profitant des connaissances que nous avons de nos propres sociétés : plus nous connaissons les religions primitives, plus il nous apparaît qu'il y a, dans leurs structures symboliques, une place pour la méditation sur la saleté qui est aussi une réflexion sur le rapport de l'ordre au désordre, de l'être au non-être, de la vie à la mort.
Dans l'ouvrage Idées pour retarder la fin du monde, d'Ailton Krenak, s'est approprié le discours sur l'anthropocène et situe son propos au lieu d'un paradoxe : avec la nouvelle crise environnementale qui est aussi une crise de civilisation pour les sociétés industrielles, c'est l'Indien qui, vivant la fin du monde depuis la colonisation (alors qu'elle représentait un cinquième de la population mondiale, 95 % disparut au cours du premier siècle et demi après la conquête européenne), est devenu un expert en survie matérielle et culturelle. Il peut-être alors susceptible de fournir des stratégies de résistance en ces temps où l'humanité occidentale doit commencer à faire le deuil de ses projets d'exploitation illimitée de la Terre.
Le Temps et les Autres s'est imposé depuis des décennies comme un classique de l'anthropologie critique qui a contribué à refonder les supposés théoriques de la discipline.
Posant la question de l'usage du temps dans la construction de l'altérité en anthropologie, Fabian démontre comment le temps partagé lors de la rencontre ethnographique disparaît ensuite dans les travaux académiques. Ce scandale épistémologique, le déni de co-temporalité, conduit à l'élaboration d'un discours allochronique rejetant les Autres dans un autres temps, pour instaurer finalement des rapports de domination. Une invite à reconsidérer les attendus philosophiques, historiques et politiques de l'anthropologie.
Voilà presque 2 500 ans, Diogène demandait à ses disciples qu'à sa mort ils jettent son corps par-dessus le mur, où il serait dévoré par des bêtes sauvages. Quelle importance puisqu'il aurait quitté ce monde? Pourtant Diogène fit scandale. Pourquoi - quel que soit le contexte religieux et idéologique, et même lorsque la croyance en l'âme est imprécise - le corps sans vie est-il considéré, en tous lieux et à toutes époques, comme important? Comment la persistance de l'être se substitue-t-elle au cadavre? Les vivants ont bien plus besoin des morts que l'inverse, et les morts sont à l'origine de mondes sociaux. Mobilisant poésie et peinture, architecture et médecine, statuaire et géographie, littérature et théologie, ce grand livre délimite les manières dont les morts ont façonné le monde moderne, malgré le désenchantement supposé de notre ère. Trois questions le structurent. «Où sont géographiquement les morts?» Laqueur décrit la naissance, au Moyen Âge, du lieu de repos dominant des morts - l'enclos paroissial - et expose les motifs pour lesquels, aux XVIII?
Et XIX? siècles, il fut largement supplanté par le cimetière moderne. «Qui sont les morts?» explicite les raisons qui ont rendu insupportable l'inhumation anonyme et conduit, depuis le XIX? siècle et à une échelle sans précédent, à réunir les noms des défunts sur de longues listes et des monuments commémoratifs. «Que sont les morts?» éclaire l'échec de la crémation:cette technique sophistiquée - la transformation du corps en matière inorganique -, commencée comme une fantaisie moderniste visant à dépouiller la mort de son histoire, est venue buter sur l'inacceptable anonymat des cendres du Génocide. L'originalité foncière de Laqueur est de révéler les manières dont les morts font la civilisation à grande échelle comme au niveau intime, en tous lieux et en tous temps; leur poids historique, philosophique et anthropologique est immense et presque sans limite ni comparaison.
Fabriquer, créer, pratiquer, c'est en même temps générer de la connaissance, construire des environnements et transformer nos vies. L'anthropologie, l'archéologie, l'art et l'architecture (les 4 A) sont ici considérés non pas tant comme des disciplines académiques que comme des manières de faire qui explorent chacune à leur façon les conditions et potentiels de la vie humaine.
Dans Les matériaux de la vie, Tim Ingold, tente de dépasser les oppositions académiques entre "pratique" et "théorie" et entre "objet" et "sujet".
En s'appuyant sur les travaux de G. Simondon et de G.
Deleuze et F. Guattari, il esquisse les fondements d'une pédagogie participante en proposant une nouvelle approche de la transmission et de l'enseignement fondés sur la pratique et la fabrication.
Paru en 1979 sous le titre The World of Goods, pour la première fois disponible en français, cet ouvrage d'une des plus grandes anthropologues du XXe siècle, disparue en 2007, et co-écrit avec un économiste, fonde le champ de l'anthropologie de la consommation par le regard original qu'il pose sur nos conduites de consommation et les échanges marchands. En s'interrogeant sur les motifs qui nous poussent à désirer des objets, à les acquérir, à dépenser ou épargner, et plus largement sur notre rapport à la consommation, il propose une approche résolument inédite de la façon dont les individus et les communautés forgent et projettent des significations, de la valeur, voire une éthique, sur les " biens " de consommation. En ce sens, l'achat apparaît comme une modalité permettant aux individus de déployer des rituels de consommation qui donnent sens tant à ce qu'ils sont qu'à ce qu'ils font. Avec pour fonction essentielle d'établir des systèmes complexes de relations sociales, les biens de consommation répondent à des logiques et des catégories qui dessinent des flux alors représentatifs de la société dans laquelle ils prennent formes. Loin d'être juste une façon de se comporter qui se grefferait à un modèle social existant, l'acte de consommer appelle un modèle de vie enserré dans un ensemble de pratiques fortement socialisées.