Vincent Josse est journaliste à Radio France.
Chaque jour il emprunte le bus 72 à Paris, un trajet qui longe les monuments et les artères parmi les plus prestigieux de la capitale. Un parcours qui lui laisse le temps d'observer les passagers et même de les photographier : « Vieilles dames et vieux messieurs ont une place de choix dans ce qui, au fil des années, ressemble à une série riche d'une centaine d'images. » Ses photographies en couleurs racontent un Paris intemporel où tissus, accessoires et couvre-chefs composent un univers sociologique singulier.
À quoi songent les voyageurs du bus 72 ? Dix auteurs réinventent les vies de ces anonymes à partir des images de Vincent Josse, jouant le jeu de la fiction que suscitent, dans notre imaginaire, les passagers des transports en commun.
Photographe née en 1896, immigrée juive hongroise dans le Paris des années 1920, Ergy Landau ouvre son studio et trouve sa place dans un milieu masculin et très compétitif en travaillant pour la publicité et la presse. Excellente technicienne, d'abord séduite par les expérimentations formelles de la Nouvelle Vision, elle affirme bientôt un style plus personnel. Mais contrairement à ses compatriotes (Moholy-Nagy, Kertész, Brassaï...), son nom reste peu présent dans l'histoire de la photographie. Ce livre entend rétablir Ergy Landau à sa juste place à travers une approche à la fois biographique et thématique de son oeuvre. Surtout il retrace le chemin de vie singulier d'une des premières femmes photographes du XXe siècle que sa disparition sans héritier, en 1967, avait effacé du paysage.
Dans ses photographies, Louise Honée tente de comprendre ce qui lie un territoire à ses habitants. En particulier, elle cherche à montrer les sentiments qui habitent les jeunes et à définir la manière dont leur personnalité se dessine au regard de leur environnement. Sa série Double Roses transpose ce questionnement aux paysages colorés d'une petite région des Hautes-Alpes, qui offre une nature foisonnante où ombres et lumières occupent les grands espaces et délimitent des espaces préservés. Les enfants y grandissent en liberté, entourés d'arbres généreux, de plantes sauvages et d'animaux. Dans une écriture photographique d'un noir et blanc pur et élégant, Louise Honée a parcouru les chemins pour aller à leur rencontre, cherchant à capter avec délicatesse les moments de vie ordinaire.
Chaque année, des milliers de photographies entrent dans les collections publiques françaises. La collection +Photographie propose depuis 2020 un large panorama de ces acquisitions. Cette année, de grandes femmes photographes telles Janine Niépce, Dolorès Marat ou Bettina Rheims côtoient leurs confrères masculins comme Stanley Greene, Paolo Roversi ou Daido Moriyama... Dans les acquisitions récentes figurent également de nombreux fonds d'archives, dont celui de l'avocate féministe Gisèle Halimi.
ImageSingulières est un festival de photographie documentaire créé en 2009 à Sète. Chaque année un photographe est invité à porter son regard sur la ville. Son travail fait l'objet d'un livre. En 2023, la carte blanche est confiée à l'Italien Lorenzo Castore. Nourrissant sa vision de l'expérience d'autrui, il se laissera porter par la mémoire du paysage, tout en explorant l'histoire de la ville et le quotidien de ses habitants. Comme dans ses nombreux voyages, notamment en Inde, il combinera la couleur au noir et blanc, pour souligner les tensions entre les contradictions de l'existence qui sont au coeur de sa photographie, alternant entre désordre et sérénité, réel et imaginaire.Le livre s'accompagne d'un texte de Christian Caujolle.
Odyssée 2.0 est un parcours photographique librement inspiré du mythe d'Homère qui suit les pérégrinations d'Ulysse au sein de la Technopolis, une « Smart City » fictive et dystopique.
À travers une série de mises en scène reprenant les étapes-clés de l'Odyssée, ce travail aborde les problématiques inhérentes à la prolifération des technologies numériques. Notre anti-héros explore ainsi plusieurs facettes de nos vies connectées telles que l'économie de surveillance, la banalisation des drones, la sexualité virtuelle ou la police prédictive.
Si le voyage d'Ulysse dans le monde-machine est d'abord le récit des compromissions de l'humanité dans son rapport au numérique, il se conclut toutefois sur une note d'espoir, Ulysse se décidant à fuir Technopolis pour rentrer « chez lui », à Ithaque.
Jane Evelyn Atwood est une photographe américaine née en 1947 qui vit à Paris. Fascinée par les personnes hors normes et la notion d'exclusion, elle consacre plusieurs années à ses sujets, travaillant jusqu'à ce que ses images traduisent l'empathie qu'elle ressent. Lauréate de nombreux prix, publiée et exposée internationalement, elle est l'auteure d'une dizaine de livres dont Pigalle People. 1978-1979 (Le Bec en l'air, 2018) qui a fait l'objet d'une exposition lors des Rencontres d'Arles 2018.
Depuis 2017, au cours de ses consultations, Fred de Casablanca, médecin généraliste, demande à certains de ses patients - avec qui la confiance est suffisamment forte - s'il peut photographier leurs mains. Parce qu'elles sont le lieu du premier contact avec eux lorsqu'il les accueille, parce qu'il peut déjà y ressentir l'anxiété, la sérénité, la souffrance ou l'exaltation. Il photographie en noir et blanc, en plan serré, dévoilant les marques laissées par le temps et par la vie sur leur corps et leur peau. Les images sont éclairées par de brèves histoires recueillies lors de la consultation qui sont autant de témoignages de vie. Le médecin généraliste est le premier médicament. De son bon dosage dépend la qualité de la relation médecin-patient, transposée ici avec une empathie rare.
En 2015, alors que la construction des infrastructures de la Coupe du monde de football 2022 avait démarré au Qatar, 1 500 hommes népalais quittaient chaque jour l'un des pays les plus pauvres du monde pour aller travailler à l'étranger, 20% d'entre eux émigrant vers le Qatar.
Frédéric Lecloux a interviewé et photographié des femmes laissées seules au Népal par leurs fils ou maris partis au Qatar, où il est ensuite parti les retrouver dans leurs camps de travailleurs. Comme des millions d'ouvriers venus d'Asie du sud et d'Afrique, ils luttent au quotidien pour rester en vie malgré les conditions de vie inhumaines. Par cette enquête visuelle et la connaissance qu'il a du Népal, Frédéric Lecloux éclaire une situation qu'on peine à voir.
Ce livre est publié en partenariat avec Amnesty France.
Paris, 1978. Jane Evelyn Atwood, jeune Américaine, arpente les rues de Pigalle après un tout premier reportage photographique dédié aux prostituées de la ville. C'est le quartier des transsexuels, avec ses bars pour habitués, sa chaleur, ses joies et sa violence.
Un jour la photographe voit deux transsexuels entrer dans un immeuble. Elle les suit. Ils la laissent les photographier. C'est là que ce livre commence. Les images qu'il rassemble seront réalisées sur une période d'un peu plus d'un an, confirmant ce que seront désormais les principes de l'oeuvre de Jane Evelyn Atwood : temps long, immersion, respect et empathie. Et l'univers de la nuit, qui la fascine. Ce livre plein de compassion et de lucidité raconte un Pigalle désormais disparu, emporté par le sida et le changement d'époque.
Denis Brihat, photographe installé en Provence et internationalement célébré, a consacré une oeuvre immense à une obsession unique : la nature. Il porte sur elle un regard intense et sensible, mélange de sensualité, de rigueur et de pratique quotidienne. Il a exploré comme peu d'autres les immenses possibilités chromatiques de la chimie liée à la photographie argentique, avec la volonté de reconstituer au plus juste les couleurs de la nature sous la forme de « tableaux photographiques » révélant le monde invisible des coquelicots, des oignons, des poires ou des citrons...
Avec plus de 120 photographies réalisées depuis la fin des années 1960 et un corpus de texte issus de douze heures d'entretiens inédits avec le photographe, cet ouvrage met en lumière la démarche de ce grand artiste.
Ce livre marque l'achèvement de dix années de photographies par Philong Sovan, jeune photographe cambodgien talentueux, sur la vie nocturne des villes de son pays.
Lorsque les touristes dorment et que l'éclairage public inexistant plonge la plupart des quartiers dans l'ombre, le photographe enfourche sa petite motocyclette, débusquant dans la lumière de son phare un monde qu'il ignorait. Dans une écriture photographique tout en couleurs denses et en cadrages précis, jouant avec les faibles lumières de l'activité humaine augmentées seulement de celles de son véhicule, il dresse de la vie cambodgienne et de sa capitale Phnom Penh un portrait intense et flottant à la fois, plein d'étonnement pour la galerie de personnages dont il partage brièvement l'existence dans une clarté fulgurante.
Snezhana von Büdingen-Dyba, photographe germano-russe, documente depuis 2017 la vie de Sofie, une jeune femme atteinte de trisomie 21 qui vit dans l'est de l'Allemagne, dans une ferme au décor onirique. Dès leur rencontre, Sofie a exercé une fascination sur la photographe par son caractère, sa nature paisible et harmonieuse, sa manière d'interagir avec le monde qui l'entoure. C'est par une immersion dans son quotidien, par l'observation de ses réactions face à la vie, notamment face à ses premières amours déçues, qu'elle a pu la photographier aussi intimement. L'aspect le plus puissant de cette série est l'universalité de l'histoire qu'elle raconte, cette tendresse, ces angoisses existentielles et ce désir mêlé de mélancolie, où le handicap disparaît pour ne laisser place qu'à l'humanité.
Pour aborder la crise migratoire contemporaine en échappant à l'iconographie sensationnelle dont les médias débordent, le photographe Mathias Benguigui a choisi la voie de l'histoire, celle de l'île de Lesbos où se côtoient deux récits de migrations : l'actuelle, dans tous les esprits, et celle qui a vu arriver sur l'île 45 000 Grecs orthodoxes fuyant la Turquie d'Atatürk en 1922. Les Chants de l'Asphodèle - lieu mythologique où les âmes n'ayant commis ni crimes ni action vertueuse patientent éternellement - puise dans ces deux strates historiques. En rompant avec l'actualité, le photographe ouvre un espace poétique où se mêlent paysages et portraits en dialogue avec les textes d'Agathe Kalfas et ceux de poètes grecs du XXe siècle, et nous invitent dans l'épaisseur du quotidien de l'île.
Chaque année, des milliers de photographies et d'objets (tirages, négatifs, plaques, albums, installations, appareils...) entrent dans les collections publiques françaises (musées nationaux ou régionaux, grandes institutions, Frac, centres d'art ou d'archives, bibliothèques...). Jusqu'à la création de cette publication en 2020, le public ne disposait pas d'un aperçu de ces acquisitions. Parmi les découvertes de cette 2e édition, les tirages albuminés de l'album Eugène Delacroix acquis par la BnF, des oeuvres de Josef Koudelka, Dolorès Marat, Susan Meiselas, Bernard Plossu ou Wolfgang Tillmans, un focus sur la photographie de spectacle, Man Ray en photographe de mode, les images impressionnantes prises par un capitaine terre-neuvas dans les années 1930, les carnets du projet Azimut de Tendance Floue à travers la France, un almanach de 1941 transformé par son propriétaire en album de famille en captivité...
Par cette sélection d'oeuvres replacées dans le contexte de leur création et de leur acquisition, +Photographie revisite l'histoire du médium, de ses origines à ses champs contemporains.
ImageSingulières est un festival de photographie documentaire créé en 2009 à Sète. Chaque année un photographe est invité à porter son regard sur la ville, ce qui fait l'objet d'un livre. En 2022, la carte blanche est confiée à Gabrielle Duplantier. Dans ses images d'un noir et blanc lumineux, la puissance des formes, souvenir d'un apprentissage de peintre, s'allie à la fragilité des figures. Mouvements suspendus, paysages organiques, instants crépusculaires, portraits habités de femmes et d'enfants... Gabrielle Duplantier poursuit l'affirmation, inquiète et obstinée, d'un point de vue moins attaché à figer la réalité qu'à lui réclamer un droit de regard. Ses photographies sont empreintes de délicatesse autant que d'une force brutale. Le livre s'accompagne d'un texte de Christian Caujolle.
Le photographe iranien Payram fuit son pays pour la France en 1983, chassé par la révolution islamique. Depuis plus de trente ans, il apprivoise sa condition d'exilé par le biais d'une expérimentation intime de la lumière, à la fois physique et métaphysique. Car si la lumière est par définition le matériau fondamental du médium photographique, chez Payram elle en est aussi le sujet, le support même du sens et la trace de l'indicible. Posées devant nous par quelqu'un qui sait qu'il ne sera plus jamais de là d'où il est parti, ni jamais tout à fait de là où il est parvenu, ces traces nous ouvrent le chemin de nos propres interrogations existentielles. Il y a beaucoup de lumière ici présente le travail de Payram réalisé à la chambre sur du plan-film Polaroïd 55, instantané et unique.
Le paysage de la vallée de la Maurienne, dans les Alpes françaises, est marqué par son histoire industrielle. Surnommée « vallée de l'aluminium » à cause des nombreuses usines que son torrent alimentait en électricité, elle est longée par une autoroute et bientôt par une ligne à grande vitesse. La majeure partie de l'espace en Maurienne est pourtant de l'ordre de l'inhabitable. Dans Charbon blanc, patient travail documentaire mené sur ce territoire entre 2016 et 2019, le photographe Teo Becher fait se rencontrer traces de l'activité humaine et paysage de montagne photographiée au rythme de la marche, comme deux strates entremêlées de la même histoire.
Interdépendance soulignée par une photographie onirique brouillant les codes documentaires.
Espinha est une invitation à pénétrer l'univers de Shinji Nagabe, un photographe brésilien qui a grandi dans une famille japonaise traditionnelle. Guidé par cette double culture, il pratique une photographie surprenante, combinaison de poses formelles et statiques qui évoquent l'univers pictural japonais avec des couleurs tropicales et des accessoires typiques du culte syncrétiste brésilien.
Journaliste de formation, Shinji Nagabe a gardé le goût d'une quête documentaire et crée une symbiose entre réalité et fantaisie. Les symboles du candomblé africain et du carnaval brésilien s'entremêlent avec mystère. Immergé dans plusieurs États brésiliens, le photographe travaille avec la complicité d'enfants puisant l'inspiration de ses mises en scène dans l'histoire et les fables fantastiques.
Denis Dailleux, qui vit au Caire, ne cesse de montrer le peuple égyptien, dont il est tombé amoureux voilà quinze ans. « Mère et fils » est certainement sa série la plus personnelle et la plus troublante. Avec pudeur et délicatesse, il nous emmène dans l'intimité de familles où l'amour absolu que le fils voue à sa mère résonne comme une ode universellement touchante.
Il pose un regard tendre et sans faux-fuyant qui laisse entrevoir les frontières ténues entre protection et domination, tendresse et soumission, qui régissent les rapports mère/fils, et peut-être plus largement, les rapports entre les femmes et les hommes dans le monde méditerranéen.
Ces vingt portraits photographiques d'une subtilité rare sont ici accompagnés d'un texte d'un texte littéraire de Philippe Mezescaze qui connaît bien l'oeuvre de Denis Dailleux.
Avec ce titre, emprunté aux paroles de l'hymne national algérien, Bruno Boudjelal éclaire une histoire qui est autant la sienne que celle de l'Algérie contemporaine. Sans doute faut-il aussi entendre à travers ce « clos comme on ferme un livre » un lent processus de questionnement intime pour l'artiste qui achève ici la réappropriation de son histoire personnelle pour se confronter au présent d'un pays complexe.
Il est désormais possible de voyager en Algérie et Bruno Boudjelal saisit cette liberté nouvelle pour explorer le pays de ses origines d'est en ouest, dans un road movie saisissant qui croise tout aussi bien le fantôme de Frantz Fanon que des jeunes immigrés clandestins en route pour l'Europe.
Un récit photographique dont la chromie singulière renvoie aux incertitudes d'un peuple.
Denis Dailleux est reconnu pour le portrait passionné qu'il fait de l'Égypte et de ses habitants depuis plus de quinze ans. En quête de nouveaux espaces de création, il se rend régulièrement au Ghana depuis 2009. Les pêcheurs du port de James Town, ancien quartier d'Accra, la capitale, sont devenus l'un de ses sujets favoris. Il trouve au sein de cette communauté une source inépuisable d'images : marines aux ciels changeants, ballets des pêcheurs, mouvements orchestrés des femmes et des enfants sur le port... Il y explore avec grâce de nouvelles relations au corps et à l'espace, à la vie et à la mort, à la mer, aux éléments, qui renouvellent sa photographie. La sérénité, l'évidence picturale de ses images réenchantent un monde aujourd'hui menacé et sont, à ce titre, d'autant plus précieuses.