Alors que, 70 ans après sa mort, les textes de Freud tombent dans le domaine public, les éditions du Seuil ont entrepris de retraduire les plus grands d'entre eux. Sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre, ces nouvelles traductions, par leur parti-pris de lisibilité, s'adressent à l'honnête homme et non aux seuls psychanalystes. Livre monument qui n'a d'équivalent dans l'histoire de la pensée occidentale que Le Capital de Marx, L'Origine des espèces de Darwin ou La Phénoménologie de l'esprit de Hegel, L'Interprétation du rêve est LE livre de Freud.
Il connut huit éditions successives entre 1900 et 1930, chacune enrichie des lectures qu'en firent les interlocuteurs de Freud. Somme théorique, consacré à un phénomène psychique universel, il ouvrit la voie à des pratiques thérapeutiques fondées sur la parole échangée avec les patients. Ainsi naquit la psychanalyse. La présente édition s'imposera à n'en pas douter comme l'édition de référence, tant la traduction française aujourd'hui disponible (aux PUF) est décriée pour son peu de lisibilité.
L'hospitalité reçue de l'École normale supérieure, un auditoire très accru indiquaient un changement de front de notre discours.
Pendant 10 ans, il avait été dosé aux capacités des spécialistes ; sans doute seuls témoins recevables de l'action par excellence que leur propose la psychanalyse, mais, aussi, bien, que les conditions de leur recrutement laissent très fermés à l'ordre dialectique qui gouverne notre action.
Nous avons mis au point un organon à leur usage, en l'émettant selon une propédeutique qui n'en avançait aucun étage avant qu'ils aient pu mesurer le bien-fondé du précédent.
C'est la présentation que nous devons renverser, nous parut-il, trouvant dans la crise moins l'occasion d'une synthèse que le devoir d'éclairer l'abrupt du réel que nous restaurions dans le champ légué par Freud à nos soins.
« La question cruciale pour le genre humain me semble être de savoir si et dans quelle mesure l'évolution de sa civilisation parviendra à venir à bout des perturbations de la vie collective par l'agressivité des hommes et leur pulsion d'autodestruction. Sous ce rapport, peut-être que précisément l'époque actuelle mérite un intérêt particulier. Les hommes sont arrivés maintenant à un tel degré de maîtrise des forces de la nature qu'avec l'aide de celles-ci il leur est facile de s'exterminer les uns les autres jusqu'au dernier. Ils le savent, d'où une bonne part de leur inquiétude actuelle, de leur malheur, de leur angoisse. Il faut dès lors espérer que l'autre des deux «puissances célestes», l'éros éternel, fera un effort pour l'emporter dans le combat contre son non moins immortel adversaire. Mais qui peut prédire le succès et l'issue ? » Sigmund Freud
Il faut avoir lu ce recueil, et dans son long, pour y sentir que s'y poursuit un seul débat, toujours le même, et qui, dût-il paraître dater, se reconnaît pour être le débat des lumières.
C'est qu'il est un domaine où l'aurore même tarde : celui qui va d'un préjugé dont ne se débarrasse pas la psychopathologie, à la fausse évidence dont le moi se fait titre à parader de l'existence.
L'obscur y passe pour objet et fleurit de l'obscurantisme qui y retrouve ses valeurs.
Nulle surprise donc qu'on résiste là même à la découverte de Freud, terme qui se rallonge ici d'une amphibologie : la découverte de Freud par Jacques Lacan.
J.L.
( Début du prière d'insérer, 1966 ) Pour la première fois en édition de poche, le texte intégral des Écrits.
« Il convient que nous nous arrêtions à ce défilé, à ce passage étroit où Freud lui-même s'arrête, et recule avec une horreur motivée. Tu aimeras ton prochain comme toi-même - ce commandement lui paraît inhumain.
Ne peut-on dire que Sade nous enseigne une tentative de découvrir les lois de l'espace du prochain comme tel ? - ce prochain en tant que le plus proche, que nous avons quelquefois, et ne serait-ce que pour l'acte de l'amour, à prendre dans nos bras. Je ne parle pas ici d'un amour idéal, mais de l'acte de faire l'amour.
Nous savons très bien combien les images du moi peuvent contrarier notre propulsion dans cet espace.
De celui qui s'y avance dans un discours plus qu'atroce, n'avons-nous pas quelque chose à apprendre sur les lois de cet espace en tant que nous y leurre la captivation imaginaire par l'image du semblable ? »
Le lecteur apprendra ce qui s'y démontre : l'inconscient relève du logique pur, autrement dit du signifiant.
L'épistémologie ici fera toujours défaut, si elle ne part d'une réforme, qui est subversion du sujet.
L'avènement ne peut s'en produire que réellement et à une place que tiennent présentement les psychanalystes.
C'est à transcrire cette subversion, du plus quotidien de leur expérience, que Jacques Lacan s'emploie pour eux depuis quinze ans.
La chose a trop d'intérêt pour tous, pour qu'elle ne fasse pas rumeur.
C'est pour qu'elle ne vienne pas à être détournée par le commerce culturel que Jacques Lacan de ces écrits fait appel à l'attention.
J.L.
( Fin de la prière d'insérer, 1966 ) Pour la première fois en édition de poche, le texte intégral des Écrits.
Le Moi et le Ça, paru en 1923, est la clé de voûte de ce qu'on appelle la « seconde topique » chez Freud. À l'empilement pyramidal de l'inconscient, du pré-conscient et du conscient (première « topique » de la psychanalyse) succède une conception du système psychique plus fluide, interactive et dialectique, dans laquelle le Moi s'avère très lié à l'inconscient, lequel ne coïncide plus avec le refoulé.
Freud complète cette réorganisation par la mise en évidence d'une instance qualifiée de « Surmoi », qui prend le relai de l'idéal du Moi mis en évidence dans les travaux antérieurs sur le narcissisme. Tout le champ du travail psychanalytique est remanié, les conflits à l'origine de la névrose sont redéfinis, la théorie de la libido est redéployée pour mieux intégrer la dualité (pas toujours contradictoire) des pulsions de vie et des pulsions de mort, qui avait été abordée pour la première fois dans Au-delà du principe de plaisir.
« Au terme de cette enquête [.], je souhaiterais formuler le résultat suivant : dans le complexe d'oedipe se rejoignent les débuts de la religion, de la morale, de la société et de l'art, en totale concordance avec ce constat de la psychanalyse que ce complexe constitue le noyau de toutes les névroses, pour autant que notre intelligence soit parvenue à en forcer l'accès. C'est pour moi une grande surprise que même ces problèmes relatifs à la vie psychique des peuples soient susceptibles d'être résolus à partir d'un unique point concret, comme l'est le rapport au père ».
Sigmund Freud
« Mon opinion est que [.] la jouissance que nous procure l'oeuvre [de l'écrivain] provient des tensions dont elle libère notre âme. Ce succès est même peut-être dû pour une bonne part au fait que l'écrivain nous met dans l'état de jouir de nos propres productions imaginaires sans plus aucun reproche ni sentiment de honte. »
« Quand la recherche médicale sur l'âme, qui doit généralement se contenter d'un matériau humain plutôt médiocre, aborde une grande figure du genre humain, elle n'obéit pas aux mobiles que lui imputent si fréquemment les profanes. Elle ne cherche pas à «noircir ce qui rayonne et à traîner le sublime dans la boue» ; elle n'éprouve aucune satisfaction à réduire la distance entre cette perfection et l'insuffisance de ses objets ordinaires. Bien au contraire, tout ce qu'il est possible d'observer chez ces grands modèles lui semble mériter d'être un objet d'étude et d'intelligence, et elle pense que personne n'est si grand qu'il puisse être infamant pour lui d'obéir aux lois régissant avec la même rigueur conduite normale et conduite morbide. »
La communication chez les cétacés, la schizophrénie, la théorie de l'évolution : ce sont quelquesuns des domaines (fort divers) qu'explore Gregory Bateson dans ce deuxième tome de Vers une écologie de l'esprit. Le lecteur y trouvera un exposé de la théorie du « double bind » (double contrainte), situation de communication où un individu reçoit à la fois deux injonctions contradictoires telles que s'il obéit à l'une, il est forcé de désobéir à l'autre ; un enfant soumis par ses parents à des impératifs de ce genre peut devenir schizophrène et son comportement, qui nous apparaît fou, n'est alors qu'une tentative de démêler l'entrelacs où il est placé. Dans cette lignée s'élabore une nouvelle conception de la communication et de l'évolution, qui renverse nombre d'idées reçues.
Ce deuxième volume comprend la deuxième partie de Forme et pathologie des relations (schizophrénie et double contrainte), qui comporte notamment le célèbre texte « Vers une théorie de la schizophrénie » ; Biologie et évolution (changements somatiques, communication chez les cétacés, réexamen de la « loi de Bateson ») ; Épistémologie et écologie (cybernétique, but conscient, différence) ; Crise dans l'écologie de l'esprit (pathologies de l'épistémologie, crise, civilisation urbaine).
Le premier des deux volumes qui réunissent l'oeuvre écrite de Gregory Bateson, inventeur du double bind, maître à penser aux Etats-Unis d'une nouvelle génération de chercheurs chez qui s'allient théorie de l'information, philosophie analytique et influence de la sagesse orientale. Dans ce volume, on trouvera : Métalogues, Forme et modèle en anthropologie, Forme et pathologie des relations.
Psychologie des masses et analyse du Moi, paru en 1921 peu après Au-delà du principe de plaisir, participe comme ce dernier ouvrage de la refonte théorique qui prendra le nom de « seconde topique ». Il s'agit ici d'éclairer par la psychanalyse non seulement la psychologie des masses conçues comme des groupes d'individus, mais aussi le comportement de l'individu au sein d'une masse organisée, comme l'Église ou l'Armée. Le livre intéresse donc aussi la politique et la sociologie. Freud y réagit à l'ouvrage du psychologue français Gustave Le Bon (La Psychologie des foules). Plusieurs grandes thèses y sont développées, notamment celle du caractère par essence social de l'individu humain. À la notion de « suggestion », utilisée par ses prédécesseurs, il substitue les concepts de « libido » et de « narcissisme ». En des temps dangereusement marqués par le développement des idéologies de la masse, il éclaire les rapports entre les individus de la masse et le chef de celle-ci, mais aussi ceux qui lient ces individus entre eux. L'ouvrage est ainsi une contribution majeure à la compréhension des phénomènes d'exclusion, de racisme, de xénophobie, de clanisme. La question toujours vive du sentiment identitaire et de ses dérives agressives est au coeur de l'étude.
En se penchant longuement et obstinément, en 1907, sur le bref roman de Wilhelm Jensen, Gradiva, fantaisie pompéienne, qu'il devait considérer par la suite comme une « petite nouvelle sans grande valeur par elle-même », Freud s'acquitte d'une sorte de dette originelle de la théorie psychanalytique envers les créations littéraires. Il pose en particulier dans cet essai - où les productions imaginaires se succèdent et agissent sans cesse sur le cours des événements - que les rêves inventés par les écrivains peuvent être interprétés comme s'ils étaient des rêves réels. Toute la fantasmagorie du personnage principal, un archéologue allemand qui part à Pompéi après un cauchemar où il a vu périr dans l'éruption une jeune fille qu'il surnomme « Gradiva », celle qui marche, devient la substance d'une vérification de la théorie psychanalytique en cours d'élaboration, y compris dans la perspective de la cure. Dans le même temps, croyant pouvoir élargir sa démarche à la connaissance indirecte de la personnalité psychique de l'auteur Jensen, Freud exhibe un engouement spécifique pour cette histoire, qui fait aussi de sa Gradiva un élément indirect de son autobiographie.
Mémoires d'un névropathe 1893 : d.
P. schreber, président de chambre à la cour d'appel de dresde, alors âgé de près de cinquante ans, doit être placé dans un asile du royaume de saxe.
1900 : schreber engange un procès en levée de son interdiction afin de pouvoir sortir librement de l'asile. c'est à cette occasion qu'il écrit les mémoires d'un névropathe.
1902 : schreber gagne son procès en appel.
1903 : publication des mémoires.
Voici donc traduit en français ce texte qui, depuis soixante-dix ans, fournit un document essentiel à tout travail sur la paranoïa : depuis freud (1911) jusqu'à lacan (1955) et à ses élèves.
Le fameux Livre noir de la psychanalyse publié à grand fracas demandait une réplique. Elle vint sans tarder, sous la forme d'un livre tout différent : pas de compilation obèse, pas d'invectives, mais un libelle gai, enlevé, original, bien dans la tradition française. Ce sont quarante textes brefs de psychanalystes lacaniens découvrant avec effarement les sottises, souvent dangereuses, des « TCC » (thérapies cognitivo-comportementales). Comment peut-on être TCC ? Les méthodes, les cas, les symptômes sont passés au crible d'une raison allègre et sans aigreur. Les émissions de radio ou de télévision TCC, les magazines, les grands ancêtres (Pavlov, Skinner) sont persiflés sans méchanceté. Oui, on peut moquer le pire, comme au temps de Montesquieu et Voltaire. On trouvera aussi des informations sur les TCC en Europe. On verra en quoi les TCC sont accordées à la montée en puissance des pratiques de contrôle social et de dressage humain au début du XXIe siècle.
Vous n'avez qu'à aller regarder à rome la statue du bernin pour comprendre tout de suite qu'elle jouit, sainte thérèse, ça ne fait pas de doute.
Et de quoi jouit-elle ? il est clair que le témoignage essentiel des mystiques, c'est justement de dire qu'ils l'éprouvent, mais qu'ils n'en savent rien.
Ces jaculations mystiques, ce n'est ni du bavardage, ni du verbiage, c'est en somme ce qu'on peut lire de mieux. ce qui se tentait à la fin du siècle dernier, au temps de freud, ce qu'ils cherchaient, toutes sortes de braves gens dans l'entourage de charcot et des autres, c'était de ramener la mystique à des affaires de foutre.
Si vous y regardez de près, ce n'est pas ça du tout. cette jouissance qu'on éprouve et dont on ne sait rien, n'est-ce-pas ce qui nous met sur la voie de l'ex-sistence ? et pourquoi ne pas interpréter une face de l'autre, la face de dieu, comme supportée par la jouissance féminine ?