Nous avons tous vu, à un moment ou à un autre, dans des ateliers de garagistes, des cabines de routiers ou autres lieux de travail masculins, ces posters donnant à voir des femmes dévêtues et dans des positions suggestives.
Ces images de pin-up (littéralement « punaisées en haut ») font ici l'objet d'une approche anthropologique. L'ethnologue Anne Monjaret a longuement parcouru l'environnement de travail masculin : sa recherche a commencé dans les années 1990 dans les services techniques de trois grands hôpitaux parisiens et s'est poursuivie dans d'autres milieux de production ou d'entretien. Plusieurs années plus tard, elle revient sur les conditions de cette enquête et elle évoque la difficile posture d'une chercheuse s'introduisant dans un monde exclusivement masculin. Elle analyse la signification et la portée de telles représentations des femmes. Elle élargit sa réflexion à un questionnement sur la division sexuelle des lieux de travail, leur gestion et les relations entre les femmes et les hommes dans ces espaces.
Mais au cours de son investigation, elle constate aussi que ces pratiques se modifient et qu'aujourd'hui les affichages de nus féminins tendent à disparaître des lieux de travail masculins. Si l'usage des calendriers perdure, ils ne sont plus seulement illustrés par des images de femmes dévêtues : ils peuvent aussi montrer des hommes musclés et en partie dénudés et ne sont plus seulement affichés dans l'univers clos des ateliers mais aussi dans des espaces plus ouverts.
Cet essai original interroge aussi les manières de pratiquer la discipline. L'ethnologue, en questionnant le regard que les hommes portent sur les femmes, contribue à la réflexion sur le changement des relations entre les sexes, la reconstruction des représentations des rôles sociaux et les codes traditionnels qui régissent les rapports de genre. Par ailleurs, cette écriture, argumentée avec les outils de la discipline et quelques documents (une dizaine de photographies), ne manque pas de qualités littéraires.
La carrière de Jean Dréville (1906-1997) débute en 1928 par le tournage du premier making of de l'histoire, Autour de l'Argent, documentaire sur la genèse de L'Argent, film de Marcel L'Herbier.
Sa rencontre avec Noël-Noël donnera lieu à des films célèbres comme La Cage aux Rossignols (1945) qui inspirera Christophe Barratier pour Les Choristes (2004). Dans ses chroniques de moeurs, il met en scène quelques " monstres " du cinéma français : Charles Variel, Pierre Fresnay, Louis Jouvet. Tournés avec des moyens modestes et des comédiens quasiment inconnus, ses films de guerre (dont Normandie Niemen), frappent par leur fraîcheur et leur véracité.
La Reine Margot (1954) avec la jeune Jeanne Moreau, ou La Fayette avec Michel Le Royer et Orson Welles (1963), sont en revanche des superproductions ambitieuses, à grand spectacle et gros budget. Dans les années 1950, la Nouvelle Vague a dénigré cet éclectisme en le rangeant sous le vocable infamant de " qualité française ". Méconnaissant, ou niant, les qualités esthétiques et les prouesses techniques de Jean Dréville ; refusant, au profit de la notion d'auteur, l'effacement du directeur d'acteurs derrière le jeu de ceux qu'il dirige, Les Cahiers du cinéma dénoncent " la neutralité malveillante qui tolère un cinéma médiocre, une critique prudente et un public hébété ".
La guerre prend fin dans les années 1980, quand les jeunes Turcs apaisés sont suffisamment assurés de leur position pour rendre hommage à leurs précurseurs. Réalisateur d'une quarantaine de films en quarante ans, jean Dréville, amoureux du cinéma des origines, a consacré les dernières années de sa vie à restaurer des oeuvres mythiques du cinéma muet, parmi lesquelles le Napoléon d'Abel Gance et L'Inhumaine de Marcel L'Herbier.
Patrick Glâtre propose ici une relecture critique de cette oeuvre méconnue et essentielle de l'histoire du cinéma français. Le livre est présenté par la comédienne Valérie Dréville qui, en quelques lignes, rend un hommage émouvant à son père.
Jean Gabin (1904-1976), qui a fait carrière en un temps du cinéma où l'acteur était roi, a su incarner les archétypes du génie national. Ce livre s'intéresse à l'évolution de la banlieue à travers quelques films emblématiques et interroge une dizaine d¹'oeuvres qu'il réinsère dans leur époque. L'ensemble, illustré de photographies tirées des collections du musée Jean-Gabin de Mériel (Val d'Oise), s'appuie sur une filmographie intégrant les reportages consacrés à l'acteur.
Un jour, ou peut-être une nuit, les onze volumes de planches de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert ont été dérobés à la bibliothèque de Royaumont. Inspirée de ce fait divers, une équipe de Royaumont, Suzanne Doppelt (photographe), Ryoko Sekiguchi (écrivain japonaise) et Marc Charpin (lithographe), propose de recomposer certaines de ces planches. Il s'agit d'une réappropriation, fidèle à l'Encyclopédie, qui tente de répertorier et de classer le monde. Reconstruire une part de ce qui a été volé, tel est le propos des artistes engagés dans cette entreprise.
Bien avant la naissance de la photographie, Le Louvre a été un sujet d'inspiration pour de très nombreux artistes.
Depuis le milieu du XIXe siècle, les photographes, chacun à leur manière, se sont intéressés à ce monument et à ce musée uniques au monde. Utilisant seulement une chambre de grand format, Jean-Christophe Ballot a suivi les différentes étapes de la métamorphose du Louvre dans les années 1990. Plus tard, visiteur de la nuit, il a guetté patiemment la lumière qui transforme le palais en rêve de pierre.
Le photographe fait ici se rejoindre deux mondes opposés : le jour et la nuit, l'avant et l'après, l'histoire et l'imaginaire. Rigoureuse et contemplative, la photographie de Jean-Christophe Ballot témoigne de son regard d'architecte et de documentariste, et propose du Louvre une vision éclairée, pleine de rêverie et d'insolite.
Ce petit livre, (le format est celui du catalogue et du livre Belleville Belleville) est à la fois un livre de photographie et un livre de mémoire.
Dans la mouvance actuelle du goût pour l'histoire industrielle, il s'inscrit sur le registre sensible de la collecte des traces d'un monde particulier : la " Grosse Boutique " à Bogny-sur-Meuse, la plus importante boulonnerie des Ardennes. A deux pas de Charleville-Mézières, cette usine a accueilli depuis sa création au XIXe siècle des milliers d'ouvriers. Plusieurs générations s'y sont succédées et des ouvriers et ouvrières de toutes origines y ont travaillé. Le site, démoli en 1970, a laissé place au collège Jules-Ferry. Enseignante en histoire dans ce collège, Fabrizia Laquay-Valeriani a entrepris un travail de mémoire auprès des anciens de la Grosse boutique, en collaboration avec Olivier Pasquiers, photographe au collectif le bar Floréal à Paris. D'autre part, puisque l'activité de métallurgie de pointe est encore présente dans cette localité, le travail (photographique et ethnologique) s'est étendu auprès d'ouvriers de plusieurs générations encore en activité dans les ateliers de Bogny-sur-Meuse.
Le livre résulte de cette double expérience. Les " portraits ouvriers " sont en quelque sorte illustrés par la parole des gens photographiés. Ces textes, à peine retouchés pour des questions de lisibilité, sont principalement issus d'enquêtes orales préparées par les élèves et leur professeur. Celle-ci s'en explique d'ailleurs en ouverture de l'ouvrage.
Deux séries de portraits se succèdent dans le livre. Ce sont d'abord ceux des anciens, aujourd'hui retraités, assis pour la plupart dans leur salon. Puis viennent, en pied et devant leur machine, à leur poste de travail mais en situation frontale de pose (pause), les ouvriers d'aujourd'hui (en 1999 et en 2003).
Une " note " des éditeurs, en fin de livre, propose une réflexion sur la place de ces images et de ces textes dans l'historiographie des représentations ouvrières. Un glossaire de certains mots et expressions de métier accompagne cette réflexion.
Minas Vartabedian naît en 1927 dans une famille d'émigrés arméniens. Son père a un atelier de photographie.
L'envie de Varta pour l'art du portrait photographique semble être née de l'observation répétée d'un livre qu'il aimait particulièrement : " Faces of Destiny " du photographe canadien d'origine arménienne Youssuf Karsh, où figurent des célébrités anglo-saxonnes (la reine Élisabeth II, Roosevelt, Rockfeller...) :
Le premier portrait réalisé par Varta est celui de l'écrivain Nino Franck, rencontré au Brésil. Celui-ci lui remet une lettre de recommandation pour Pierre Mac Orlan.
Il rencontre Pierre Mac Orlan, vers 1958/60, réalise son portrait et par son intermédiaire, approche Juliette Gréco, Jean-Pierre Chabrol, Georges Brassens, De fil en aiguille, une personnalité l'introduisant auprès d'une autre, il rassemble entre la fin des années 1950 et 1964 une série de 53 portraits, réunissant des personnalités célèbres de la société française de cette époque. Cette série de portraits constitue une oeuvre homogène et théâtrale, où l'on reconnaît l'influence de Youssuf Karsh.
Pour ses prises de vue, Varta se rend toujours au domicile de ses sujets. Il dispose simplement de son appareil photographique et de deux spots, et n'utilise pas de fond. Une attention particulière est portée à la posture, à l'expression du visage. La présence d'un accessoire, comme une cigarette ou une pipe, finit de construire l'image et attire le regard sur les mains, contribuant à définir le sujet photographié.
Il réalise lui-même ses tirages, composant ses révélateurs. Il retravaille les négatifs, assombrit manuellement les fonds des portraits pour donner au sujet toute son importance.
Il refuse d'être rémunéré pour ces portraits, réalisés à son initiative et pour son oeuvre personnelle. Il décline ainsi une commande pour la pochette d'un disque de Gilbert Bécaud.
Néanmoins, il semble qu'une dizaine de portraits a été utilisée pour les pochettes d'une série de disques 33 tours, éditée dans les années 60 à l'initiative de l'Alliance Française : on retrouve ainsi Louis de Broglie, André Maurois, Jean-Louis Barrault, Max-Pol Fouchet, Hervé Bazin, André Chamson, tous photographiés par Varta.
Sa série de portraits est exposée successivement en novembre 1964 à l'École des Beaux-Arts, et à la Galerie Furstemberg en juin 1965, faisant l'objet d'une promotion par André Maurois et Joseph Kessel avec qui il entretient d'excellentes relations.
Varta décède en 1984 à l'âge de 57 ans, laissant derrière lui cette galerie de portraits, qui constitue aujourd'hui un témoignage unique à la fois sur une pratique photographique, et sur une époque.
Quelques réflexions de Varta sur son travail photographique :
" Je choisis un visage quand il a quelque chose à me dire. L'image reste fixée en moi, et elle m'obsède jusqu'à ce que je m'en débarrasse en la fixant sur le papier. A 40 ans, je me suis aperçu que ce que je cherchais, c'était la qualité de l'homme, et mon travail m'a servi à cela ; sans lui, je n'aurais pas pu approcher ces gens que je connais maintenant.
" Mon plaisir, ma joie, c'est la photographie, mon outil vers la connaissance de la vie. La lumière spectrale est pour moi le principal instrument me permettant d'atteindre à cette révélation.
" L'homme vit en portant un masque et mon travail est justement d'effacer cette apparence afin de révéler l'arrière-plan de cette âme qui se cachait. "