XIXe siècle
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Les chiffonniers de Paris
Antoine Compagnon
- Gallimard
- Bibliotheque Des Histoires
- 11 October 2017
- 9782072735141
Les chiffonniers de Paris au XIXe siècle : un sujet original et inattendu. Un sujet d'une grande richesse, entre histoire, économie, urbanisme, littérature et art.
Morceau de vieux linge, le chiffon sert à la fabrication du papier. Or la demande explose après la révolution industrielle, avec l'essor de l'instruction et l'abondance de la presse. Le chiffonnier est à la fois l'inquiétant rôdeur des nuits de la capitale et l'agent indispensable des progrès de la société. Sa figure hante l'oeuvre des écrivains et des peintres, d'Hugo à Baudelaire et Théophile Gautier, de Daumier à Gavarni.
Dans son Tableau de Paris, Louis-Sébastien Mercier repérait en 1781 sa montée en puissance : «Le voyez-vous, cet homme qui, à l'aide de son croc, ramasse ce qu'il trouve dans la fange et le jette dans sa hotte?... Ce vil chiffon est la matière première qui deviendra l'ornement de nos bibliothèques, le trésor précieux de l'esprit humain. Le chiffonnier précède Montesquieu, Buffon et Rousseau».
On voit les dimensions que prend le sujet. Antoine Compagnon les explore avec une érudition inépuisable. De l'hygiène des rues de Paris à l'administration des déchets ; de la prostitution, dont le monde recoupe celui des chiffonniers, à leur recrutement et aux mythes qui les entourent.
C'est à une plongée toujours surprenante dans le Paris nocturne que nous convie l'auteur, le Paris des bas-fonds et celui de l'imaginaire collectif. Qui croirait que le premier dessin cité dans le Grand dictionnaire universel de Pierre Larousse à l'article «Caricature» montre un chiffonnier?
Le crépuscule du chiffonnage parisien date de la fin du Second Empire : on fabrique maintenant le papier avec la fibre de bois et, en 1883, le préfet Eugène Poubelle décrète que les ordures seront déposées dans des récipients, lesquels prendront son nom.
Mais le malfaisant marchand d'habits des Enfants du paradis, le film de Carné, suffit à illustrer la survivance du chiffonnier dans les représentations de Paris.
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Dans le livre XXXII des Me´moires d'outre- tombe ici re´e´dite´, Chateaubriand raconte les journe´es re´volutionnaires de juillet 1830 a` l'issue desquelles Charles X est chasse´ du tro^ne au profit de Louis Philippe d'Orle´ans et la monarchie de Juillet instaure´e. La matie`re vive de ces lignes, c'est ce que Chateaubriand vit et e´prouve a` Paris entre le 28 et le 31 juillet 1830, puis ce qu'il en apprend au fil des jours, des mois et des anne´es. Ces pages racontent un rendez-vous manque´ avec l'e´ve´nement. Lorsqu'il a appris la publication des ordonnances du 25 juillet et lorsqu'il en a pris connaissance sur la route de Paris, il a compris que quelque chose de de´cisif se jouait, mais lui qui a parfois eu un ro^le politique de tout premier plan sous la Restauration ne peut que relater le naufrage militaire et politique de la monarchie de Charles X. En arrivant a` Paris au soir du 28, il e´tait de´ja` a` la trai^ne de l'actualite´. Il ne se trouve nulle part; il me´dite, il attend, il va et vient tandis que Thiers, Laffitte, le duc d'Orle´ans et les autres sont a` la manoeuvre et jettent les bases d'une autre monarchie. Le livre XXXII te´moigne aussi d'un rapport original au re´cit. La plume de l'e´crivain navigue entre le crucial et l'anecdotique, entre la grande et la petite histoire, entre le tableau d'ensemble et la sce`ne de ruelle ou de salon : la se´rie de de´cisions politiques prises a` Saint-Cloud par le vieux souverain et son entourage mais tout aussi bien la mort par balle d'un jeune Anglais anonyme a` la fene^tre d'un ho^tel de la rue du Duc-de-Bordeaux. D'un co^te´ les plans et les ne´gociations des orle´anistes; de l'autre ces casques et lances du muse´e d'artillerie emporte´s par le courant de la Seine... Le texte de Chateaubriand est accompagne´ d'un appareil critique pre´pare´ par Thomas Bouchet (introduction, commentaires, notes, index et cartes). Le tout offre un remarquable point de vue sur ces journe´es hors du commun, sur l'e´poque dans laquelle elles s'inscrivent, sur l'homme et e´crivain Chateaubriand.
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Les Noirs de Philadelphie ; une étude sociale
William edward burghardt Du bois, Nicolas Martin-Breteau
- La découverte
- Sciences Humaines
- 26 September 2019
- 9782348043482
Publié pour la première fois en 1899, The Philadelphia Negro : A Social Study est le résultat d'une recherche commandée par l'université de Pennsylvanie à W. E. B. Du Bois, alors âgé de vingt-huit ans. Associé à la jeune chercheuse blanche Isabel Eaton, Du Bois livre une analyse magistrale de la question raciale au moment où l'oppression des Noirs américains n'a jamais été aussi violente depuis l'abolition de l'esclavage en 1865.
Dans cette enquête de sociologie urbaine détaillant la formation de ce qui deviendra le ghetto noir de Philadelphie, Du Bois déploie tout son talent de sociologue, mais aussi d'historien et d'ethnologue. Cherchant à décrire et à expliquer les structures économiques, politiques et culturelles dans lesquelles vit la population noire de la ville, il entreprend un travail méthodique de collecte d'un vaste ensemble de données quantitatives et qualitatives. Son but : proposer un contre-feu sociologique aux explications dominantes de l'inégalité raciale alors fondées sur l'infériorité supposément « naturelle » des Africains-Américains.
Si Les Noirs de Philadelphie est aujourd'hui considéré comme un texte fondateur des sciences sociales, c'est aussi un livre de combat politique en faveur de l'émancipation de la minorité noire aux États-Unis. En mettant au jour ses conditions de vie réelles, Du Bois oppose la dignité noire aux préjugés raciaux afin de fonder la démocratie américaine sur la justice.
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La bande noire ; propagande par le fait dans le bassin minier (1878-1885)
Yves Meunier
- L'Échappée
- 10 April 2017
- 9782373090239
Dans la nuit du 15 au 16 août 1882, des jeunes mineurs en rébellion contre la toute-puissance de l'Église alliée au patronat des mines font exploser la rosace et l'entrée d'une chapelle dans le bassin houiller de Saône-et-Loire.
C'est le début d'une longue série d'actions qui vont secouer pendant trois ans la région de Montceau-les-Mines au rythme des dynamitages de croix, d'édifices religieux et de domiciles de petits chefs à la solde du patronat.
Animés par un esprit de révolte, ces anarchistes sont connus sous le nom de la Bande noire. Ils se réunissent dans les bois ou dans les auberges pour préparer des coups qu'ils réalisent le plus souvent à la faveur de l'obscurité. Moins résignés que leurs aînés, ils ne cesseront de dénoncer la dureté de leurs conditions de travail au fond des puits, mais aussi la misère sociale qui règne au dehors, où l'impitoyable patron de la Compagnie des mines impose un redoutable ordre moral et défend les pires injustices.
À partir de nombreux documents d'archives et témoignages d'époque, ce livre qui se lit comme un récit palpitant au plus près des protagonistes, revient sur l'histoire mouvementée de la Bande noire. Il montre comment, quelques années avant les célèbres attentats anarchistes perpétrés à Paris dans les années 1890, de jeunes révoltés firent de la propagande par le fait leur meilleure arme pour renverser la table et échapper à l'enfer de la mine.
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La barricade renversée ; histoire d'une photographie, Paris 1848
Olivier Ihl
- Croquant
- Champ Social
- 11 March 2016
- 9782365120852
Ce manuscrit, Intitulé La barricade. Histoire d'une photographie. Paris 1848, porte sur l'histoire du tout premier cliché de photo-journalisme en France. Il s'agit, en fait, de trois daguerréotypes d'une rue barricadée en juin 1848 avant et après la charge du général Lamoricière. Des photographies qui montrent aussi la fin d'une certaine idée de la république. D'où leur valeur emblématique.
Deux d'entre elles ont été achetées près de 200 000 livres par le Musée d'Orsay à Sotheby's au début des années 2000 mais elles sont restées anonymes. C'est pourtant un classique de l'histoire de la photographie. Toutes les anthologies y font référence.
En en retrouvant l'auteur, en faisant l'histoire de cette rue -la rue du faubourg-du-Temple-, en renouant avec les affrontements qui s'y sont déroulés, j'y pro- pose une façon toute visuelle d'interroger le rapport que Paris entretient avec la barricade. On peut parler d'un événement photographique. Car, face à la lé- gitimité du suffrage universel, la barricade dressée par les ouvriers fut terrassée. La force insurrectionnelle ? Elle perdit une bataille décisive. D'où la nostalgie qui entoure de telles empreintes héliographiques. Avec elles, on retrouve un Paris populaire, celui qu'ont enseveli les travaux du baron Haussmann. Un Paris qui porte au grand jour une définition combattante de la citoyenneté.
Cette expérience optique valait donc d'être interrogée. D'abord, parce que le journal L'Illustration a reproduit le 8 juillet 1848 deux des plaques de Thibault sous forme de gravures sur bois. Ce qui leur valut une large publicité. Ensuite, parce que l'arrivée de la photographie d' « actualité » ouvrait une page nouvelle dans l'histoire de la presse. Désormais, la « couverture » de l'évènement pouvait s'appuyer sur une objectivité revendiquée, celle du reportage visuel. L'infor- mation prenait le pas sur la « nouvelle ».
D'où la question posée dans ce livre. Qu'est ce que l'oeil peut voir sur ces plaques si émouvantes ? Sur la plaque soigneusement recouverte d'une couche d'argent, le réel apparait sous une lumière jusque là inconnue. Elle jette, il est vrai, comme une passerelle entre la perception individuelle et la chronique du monde, la petite et la grande histoire. Ce livre s'emploie à identifier ce mystérieux « Thibault », un homme que l'on imagine juché au milieu d'un équipement encombrant de boîtes, de fioles et d'égouttoirs, là, juste en face des barricades. De quel lieu exact a-t-il pu prendre cette série de vues et dans quel but ? Ces énigmes résolues, je me suis attaché alors à interroger le statut acquis par un tel traitement optique de l'évènement. De quelle représentation du réel parti- cipe-t-il ?