Un des événements décisifs de l'histoire occidentale, et même mondiale, s'est produit le 29 octobre 312 dans l'immense empire romain : l'empereur Constantin se convertit au christianisme. Sans lui, le christianisme serait probablement resté une secte d'avant-garde, et cette date pose la borne-frontière entre l'Antiquité païenne et l'époque chrétienne. Désormais le christianisme était religion licite et l'égal du paganisme. Après avoir analysé le rapport des païens et des chrétiens à leur dieu (un païen était content de ses dieux s'il avait obtenu leur secours par ses prières et ses sacrifices, tandis qu'un chrétien faisait plutôt en sorte que son Dieu fût content de lui), Paul Veyne montre que Constantin ne cessera de répéter qu'il n'est que le serviteur du Christ qui l'a pris à son service et qui lui procure toujours la victoire. Il est le souverain personnellement chrétien d'un empire qui a intégré l'Église. Suit une étude passionnante du césaro-papisme. Le christianisme était la religion la plus éloignée qui fût d'une distinction entre Dieu et César, contrairement à ce qu'on entend répéter : tout le monde devait être chrétien, César en tête, lequel avait des devoirs envers cette religion qui formait un tout.
Cette puissante et originale étude des débuts du christianisme se clôt sur une réflexion sur les " origines chrétiennes " de l'Europe. Pour Paul Veyne, il faut en finir avec le lieu commun selon lequel l'Europe devrait au christianisme d'avoir séparé politique et religion ; ce n'est pas le christianisme qui sous-tend l'Europe actuelle, c'est l'Europe actuelle qui inspire le christianisme ou certaines de ses versions. Par analogie ou, si l'on veut, par confusion entre l'égalité spirituelle et l'égalité temporelle, le vieux sol christianisé a été pour les Lumières un terrain mental qui n'était nullement destiné à leurs semences, mais qui, mieux que d'autres sols, pouvait les recevoir. Le christianisme a cessé depuis longtemps d'être les " racines " de l'Europe, mais, pour certaines valeurs, il reste un " terrain ", comme disent les médecins, un sol fertile.
Les textes recueillis dans ces deux volumes sont des apocryphes, ce qui signifie qu'en dépit d'un contenu comparable à celui des Écritures ils n'appartiennent pas au canon. En effet, soit ils s'écartent de la doctrine officielle de l'Église en véhiculant des idées hétérodoxes, soit ils font trop appel au merveilleux, aspect dont l'Église s'est toujours méfiée. Mais rappelons que le canon des Écritures n'a pas été fixé tout de suite, son histoire court jusqu'à la quatrième session du Concile de Trente (1546). Ajoutons aussi qu'il y a toujours désaccord en la matière entre l'Église catholique et les Églises protestantes pour certains livres.Les textes réunis dans le premier tome relèvent de l'Antiquité chrétienne et recoupent différents genres bibliques : évangiles (auquel il convient d'adjoindre des écrits relatant la vie et la dormition de Marie, mère de Jésus), épîtres, Actes des apôtres, apocalypses (sur les derniers temps et l'au-delà). Ces pièces sont précieuses. Elles permettent une connaissance plus approfondie des premiers temps de l'Église et la compréhension de traditions - dans le domaine de la piété, de la liturgie ou de l'art - dont nous n'avons pas trace dans les textes canoniques. Les textes réunis dans le second tome sont, dans leur majorité, plus tardifs. Ce volume accorde, d'autre part, une place plus grande que le premier à des livres qui circulèrent dans des aires religieuses et linguistiques autres que le monde byzantin et l'Occident latin ; les traditions copte, arabe, éthiopienne, arménienne y sont bien représentées. Pour la plupart, ces écrits n'avaient encore jamais été publiés en langue française. Les écrits chrétiens que l'on dit « apocryphes » n'ont cessé d'être diffusés, récrits, adaptés. Ils furent le terreau de l'imaginaire chrétien, et une source d'inspiration pour les sculpteurs, les peintres, les écrivains, les musiciens et les cinéastes : le Bunuel de La Voie lactée se souvient des Actes de Jean. C'est que, face au discours régnant, institutionnel, ces textes ouvrent un espace à l'imagination. Ils se développent en quelque sorte dans les interstices des livres canoniques. Ils comblent des vides, inscrivent une parole dans les silences, donnent une voix aux personnages muets, un nom et un visage à ceux qui n'étaient que des ombres. Comme toute littérature, ils rusent avec le discours clos.
C'est une affirmation courante que le monde moderne, entre autres caractéristiques, se distingue par la disparition de l'initiation.
D'une importance capitale dans les sociétés traditionnelles, l'initiation est pratiquement absente de la société occidentale de nos jours. certes, les différentes confessions chrétiennes montrent encore, dans une mesure variable, des traces d'un mystère initiatique. mais le christianisme n'a justement triomphé et n'est devenu religion universelle que parce qu'il s'est libéré du climat des mystères gréco-orientaux et s'est proclamé une religion du salut, accessible à tous.
En vue de dégager les divers types d'initiation, mircea eliade étudie successivement les rites de puberté dans les sociétés traditionnelles, les cérémonies d'entrée dans les sociétés secrètes, les initiations militaires et chamaniques, les mystères gréco-orientaux, les survivances des motifs initiatiques dans l'europe chrétienne et, enfin, les rapports entre certains motifs initiatiques et certains thèmes littéraires.
L'auteur conclut sur les mouvements occultistes dans le monde moderne.
Vieille de quelque trente-cinq siècles et de loin antérieure à l'Iliade et au Mahâbhârata, l'Épopée de Gilgameš est la première oeuvre littéraire connue à qui son ampleur, sa force, son souffle, sa hauteur de vision et de ton, l'éminent et l'universel de son propos aient valu, dans tout le Proche-Orient ancien, une célébrité millénaire et, dans notre jugement à nous, le titre d'«épopée».Elle conte l'histoire d'une grande amitié, source de surhumaines réussites, mais qui, tragiquement amputée par la mort, jette le survivant, le grand roi Gilgameš, dans une recherche désespérée, mais vaine, du moyen d'échapper au trépas.Sur ses tablettes d'argile, depuis qu'au propre berceau de l'assyriologie, voici moins de cent cinquante ans, on en avait retrouvé les premiers lambeaux, le texte de cette composition fascinante n'a cessé, d'année en année, de se compléter de trouvailles nouvelles, et de se mieux entendre, replanté dans son dense et profond humus culturel natif.Il fallait qu'un assyriologue, vieilli dans son métier, en mît au nel la teneur la plus complète possible ; en revit la traduction, à la hauteur de son lyrisme auguste ; en expliquât, d'un mot, mais clairement, les exotismes, les silences et les subtilités, livrant ainsi au public de langue française démuni une édition à jour pour lui révéler au mieux ce chef-d'oeuvre admirable et presque secret.Son travail n'ouvre pas seulement une grand-porte dans les puissants remparts qui défendent l'altière civilisation mésopotamienne, notre plus vieille aïeule : il perrnettra aussi d'y retrouver. dans un discours et un imaginaire pourtant bien loin des nôtres, deux ou trois grandes valeurs universelles de notre condition humaine, qui comptent toujours à nos yeux : le prix de l'Amitié, même si nous la savons périssable, comme tout, ici-bas ; et le sens de la Vie, même si elle ne nous est accordée que pour se trouver, elle aussi, trop vite effacée par la Mort,
Bouddhiste et laïcisée, la méditation a fait, depuis quelques années, son entrée dans les hôpitaux, les prisons comme les écoles. Nous avons parfois l'impression qu'elle recouvre une seule réalité. La méditation vient en fait de sources diverses, en particulier des moines du nord de la Thaïlande, des dojos Zen du Japon ou encore des universités monastiques du Tibet. Ces approches ont toutes leur singularité et unité.
Elles ont aussi une base commune : la méditation y est l'union de l'attention et de la vigilance discriminante. En quoi cela consiste-t-il et pourquoi la pratique méditative connaît-elle aujourd'hui un succès grandissant en Occident et dans le monde entier ? Faut-il y voir un simple outil de gestion du stress généré par nos sociétés contemporaines ? Pour définir cette pratique, Fabrice Midal en explore les racines, les textes fondateurs, les formes essentielles, les liens avec les différentes spiritualités.
Il interroge aussi l'intérêt que lui portent la psychologie, la philosophie, les arts ou encore les neurosciences. Il montre ainsi en quoi, parce qu'elle incarne une autre entente de l'être humain, son usage est une réponse à la crise des temps modernes.
« M'étant séparé de mon moi illusoire, j'ai cherché désespérément un sentier et un sens pour la vie. » Cette phrase définit parfaitement le projet biographique d'Alexandro Jodorowsky : restituer l'incroyable aventure et quête que fut sa vie. Né au Chili en 1929, c'est en effet un homme et un artiste aux mille facettes. Chantre de l'expansion de conscience, poète, romancier, comédien, fondateur du « théâtre panique » avec Arrabal, réalisateur notamment de films cultes tels que El Topo et La Montagne sacrée, scénariste de célèbres bandes dessinées comme L'Incal, Jodorowsky a aussi élaboré deux techniques thérapeutiques : la psychomagie, qui renvoie les faits quotidiens à des modèles mythiques, et la psychogénéalogie, qui agit sur les héritages psychologiques familiaux.
Il brosse ici la fresque d'une existence qui exalte, au-delà de toute mesure, les potentialités de l'être dans le but de repousser les limites de l'imaginaire et de la raison, et d'éveiller le capital de transformation et de vie qui se trouve en chacun de nous.
L'oeuvre de Maurice Blanchot est entrée dans l'ère du soupçon. Sa trajectoire - de l'engagement nationaliste et des articles antisémites d'avantguerre à la fascination pour le judaïsme et à la solidarité jamais démentie pour Israël - continue de provoquer l'incompréhension. Blanchot aurait, selon certains critiques, effectué un retournement analogue à celui qui l'a mené de l'extrême droite à l'extrême gauche et au « communisme de pensée » des années d'après-guerre. L'antisémitisme des années trente se serait inversé en philosémitisme - terme aux connotations tendancieuses. Des essais récents ont réactivé le soupçon, allant jusqu'à faire de Blanchot un Heidegger français.
"Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures" (Genèse, Livre 3, 7). Si, dans les récits bibliques, Adam et Ève cachent leurs parties intimes sous une feuille de figuier, pourquoi la vigne s'est-elle imposée dans l'iconographie occidentale? Ce mépris des textes liturgiques fondateurs, qui remplace la figue par le raisin, ne laisse pas d'étonner. Qu'en pensent les hagiographes? Et surtout, de quelle feuille de vigne s'agit-il? Faut-il privilégier l'imposante feuille du Carignan ou celle, plus congrue, du Gamay? Les feuilles en forme de rein du Cabernet Sauvignon ou celles en coeur du Petit Verdot? Aucune bulle papale n'ayant tranché cette épineuse question, le Docteur Lichic apporte ici sa modeste contribution à une ampélographie paradisiaque et plus largement, à la Science moderne.
".
je passai neuf nuits à écouter, deux étages au-dessous de nous, huit condamnés à mort attendant d'être transférés dans une autre prison pour leur exécution. je recommande l'expérience aux partisans de la peine capitale ! ". la prison. expérience cruciale dans la vie de howard fast. son seul crime : avoir été membre du parti communiste américain. son seul chef d'accusation : avoir refusé la délation face à la commission des activités antiaméricaines.
ecrivain de renom qui avait combattu le nazisme, fast se vit traité en criminel alors qu'il n'avait enfreint aucune loi. mémoires d'un rouge est l'un des témoignages les plus lucides que l'on puisse lire sur la folie qui s'empara des dirigeants d'un pays traditionnellement associé à la démocratie et à la liberté. c'est aussi l'histoire émouvante d'un homme qui fut parfois saisi par le doute, mais resta toujours fidèle à ses idéaux.
c'est, enfin, un passionnant récit, plein de péripéties, digne du grand romancier qu'était fast.
Décoiffante, la théologie queer a fait son apparition il y a trois décennies au sein de la théologie anglophone, avec comme ambition de perturber et de complexifier des visions théologiques stables, binaires et hétéronormatives de la sexualité et du genre. Le corps humain, à même la chair, est le lieu où se jouent toutes nos relations.
Même si les questions liées au genre et à la sexualité y occupent une place de choix, l'optique retenue dans ce livre vient interroger la théologie tout entière, non seulement pour favoriser l'inclusion de personnes au-delà de la binarité du sexe et du genre, mais aussi pour proposer une autre vision, plus juste, des relations entre êtres humains en société.
Le système blanc patriarcal hétéronormé occidental s'en trouve radicalement remis en question, en dialogue avec une riche palette de sources théologiques, philosophiques et littéraires, de Judith Butler et Marcella Althaus-Reid à Toni Morrison, Karl Marx et Augustin d'Hippone. La théologie gagne à se mettre à l'écoute des diverses voix qui s'expriment en théologie contemporaine, y compris celles issues de la perspective queer, pour interroger et dépasser certains présupposés et certaines pratiques discriminantes dans nos sociétés.
Après le récit des exploits miraculeux des Maîtres d'Extrême-Orient dans La vie des Maîtres, Baird T. Spalding nous livre ici un enseignement spirituel fondamental. Qui est Dieu ? Comment éveiller la conscience ? Quel est le cheminement de l'âme après la mort ? Comment se libérer des pensées négatives ? Éclairant d'un jour nouveau la Bible et les miracles de Jésus, l'auteur montre que la sagesse de ses Maîtres rejoint celle des grands textes sacrés. À côté des révélations parfois étonnantes sur le Christ, les temples de guérison ou les pouvoirs de la pensée, Treize leçons sur la vie des Maîtres offre une base de travail pratique pour réorganiser sa vie en fonction de principes spirituels éternels et de lois universelles.
Deux écrivaines, toutes deux athées, dialoguent sur le féminin et le sacré. Dans cet essai épistolaire, les deux intellectuelles s'interrogent : existe-il un sacré spécifiquement féminin ?
Le livre repose sur l'intuition profonde de l'éveil des femmes en ce 3e millénaire, et sur le lien étroit qu'elles entretiennent avec le sacré.
D'un pèlerinage à la Vierge noire aux environs de Dakar jusqu'aux cultes de l'Inde, Catherine Clément, disciple de Claude Lévi-Strauss, témoigne de l'intelligence du sacré à l'oeuvre dans ces pays. Julia Kristeva évoque Thérèse d'Avila et les grandes mystiques chrétiennes.
« Qu'est-ce que le sacré ? », demandait Goethe dans un poème. Julia Kristeva rappelle ici sa réponse : « Ce qui unit les âmes ». À l'opposé d'un sacré totalisateur, ces deux femmes esquissent les contours d'un sacré qui, au carrefour du corps et de la pensée, donne sens à la singularité, et révèle sa vitalité dans le partage.
L'ouvrage est une étude du Rêve, pris comme support d'une réflexion plus générale sur le statut de l'invention en art, n'est pas tant une représentation de l'état de rêve, perpétuant la tradition romantique de « l'imagination créatrice », qu'une anticipation onirique de l'abstraction, telle que peut l'entendre, au passage du siècle, un artiste baigné de spéculations anarcho-théosophiques.Le tableau anticipe ainsi une double transformation mise en mouvement autour d'un subtil jeu de (dé)matérialisation: l'évolution de l'espèce accompagne celle de la peinture ou, plus encore, la nouvelle peinture, dégagée du plan matériel de l'objet, prépare l'évolution spirituelle de l'espèce. L'espèce humaine sera bientôt faite de créatures éthérées jouissant intégralement de l'ivresse cognitive des vibrations chromo-lumineuses. C'est là un premier niveau d'interprétation « ésotérique» du Rêve où la puissance visionnaire de l'artiste propulse le corps physique du rêveur dans un devenir télépathique de l'espèce.
«Il y a un homme au pays d'Outs. Il s'appelle Job. C'est un homme bien, un homme droit. Il craint Dieu. Il évite le mal. Il a eu sept fils, trois filles. Il a sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de boeufs, cinq cents ânesses. Il a beaucoup de domestiques. C'est l'homme qui compte le plus parmi les Orientaux. Chacun son jour, l'un de ses fils invite les autres à un banquet. Ils font venir leurs trois soeurs pour qu'elles mangent et qu'elles boivent avec eux. Quand les jours des banquets sont révolus, Job fait venir ses fils pour les sanctifier. Il se lève tôt. Il fait monter des offrandes pour tous. Il se dit : Mes fils ont pu commettre une faute. Ils ont peut-être mal béni Dieu intérieurement. Job est comme ça.»(Job, I, 1-5).
« Salut, je m'appelle Anon, je pense que l'Holocauste n'a jamais eu lieu ». Tels sont les mots qu'a prononcés Stephan Balliet juste avant de commettre l'attentat de Halle contre une synagogue, le 9 oct. 2019. C'était un jour de kippour. Cette « pensée », tout droit issue du négationnisme, terme qui désigne la négation de la réalité du génocide des Juifs durant la Seconde guerre mondiale, octroie ainsi un permis de tuer : les Juifs sont le mal par essence. Affabulateurs, ils n'ont pas été tués en masse par les Nazis et perdent leur statut de victimes. Sous couvert d'une pseudo-démarche rationnelle, les négationnistes prétendent le démontrer et réhabilitent le nazisme en le disculpant de ses crimes. Partant de ce constat, cet ouvrage remonte le cours de l'histoire et observe le négationnisme dans sa dimension internationale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à nos jours. Exhumant des archives de France, d'Angleterre, d'Allemagne, des États-Unis et du Canada, l'historienne Stéphanie Share a enquêté sur l'émergence d'un mouvement, sa pénétration dans la sphère publique des démocraties occidentales, et analysé les scandales négationnistes qui ont défrayé la chronique de ces différents pays. Ce livre alerte sur l'urgence du combat à mener : les idées fausses ne meurent jamais et peuvent tuer.
Livre essentiel, avec lequel Fethi Benslama fait le point sur une vingtaine d'années de travail. Travail exemplaire qu'il n'y a que lui à mener, lequel consiste à ne pas tenir pour rien les aspects fondamentalement subjectifs qui président à tout conflit ; dans le cas présent aux conflits qui dévastent les terres d'Islam. Des Musulmans, comme il est trop communément convenu de dire en Occident, suffit-il de parler en termes historiques, sociaux, économiques, géo-politiques ? Autrement dit : de masses ? Que peut-on en apprendre de déterminant en se servant des outils de la psychanalyse, par exemple ? Outils dont Fethi Benslama use ici d'une façon qui fera date, comme a fait date son livre La Psychanalyse au risque de l'islam.
Ce livre nous présente plusieurs défis : si nous réussissons à être totalement présent et à faire un pas à la fois dans le moment présent, si nous réussissons aussi à vraiment appréhender les réalités que sont notre corps énergétique, le lâcher-prise, le pardon et le non-manifeste, c'est que nous saurons nous ouvrir au pouvoir transformateur de l'instant présent.
Carnet de guerre d'un officier en première ligne lors du siège le plus long qu'ait connu une capitale à l'époque contemporaine, Vent glacial sur Sarajevo est un témoignage sans concession sur l'ambiguïté de la politique française durant le conflit en ex-Yougoslavie.
Cette « capitale assiégée que nous n'avons pas su protéger », Guillaume Ancel la rejoint en janvier 1995 avec un bataillon de la Légion étrangère. Sarajevo est encerclée depuis déjà trois ans et sa population soumise aux tirs quotidiens des batteries d'artillerie serbes. L'équipe du capitaine Ancel a pour mission de guider les frappes des avions de l'OTAN contre elles. Des assauts sans cesse reportés, les soldats français recevant à la dernière minute les contre-ordres nécessaires pour que les Serbes ne soient jamais inquiétés. Sur le terrain, les casques bleus français comprennent qu'on ne leur a pas tout dit de leur mission et se retrouvent pris au piège.
« Six mois d'humiliation » résume Guillaume Ancel qui dresse un constat sévère des choix faits par le gouvernement d'alors. En témoignant de l'opération à laquelle il a participé, il raconte ces hommes, ces situations, cette confusion et le désarroi qui, jour après jour, ronge ces soldats impuissants.
On ne cesse en ce moment de parler du «retour au religieux», d'expliquer comment des individus que rien n'y prédisposait deviennent subitement intégristes. Valérie Mréjen a choisi le parti pris résolument inverse. Elle est allée en Israël pour rencontrer ceux qui, élevés dans l'orthodoxie la plus sévère, ont décidé un jour de rompre avec le fanatisme religieux, ceux dont on dit en hébreu qu'ils ont choisi «d'aller vers la question». Pork and milk (deux ingrédients que la religion juive interdit de mélanger) croise ainsi habilement les témoignages d'une dizaine d'apostats qui racontent leur parcours, confient leurs doutes, leurs difficultés, leurs ruses aussi pour tenter de cacher leur nouvelle vie à leur famille. Pas de commentaires, mais une série de portraits émouvants, souvent drôles, toujours d'une grande dignité. Plus qu'un état des lieux de la société israélienne, Pork and milk est un hommage rendu sans grandiloquence au courage individuel et à la liberté de conscience.
Le dvd est accompagné de la publication d'un livre inédit de Valérie Mréjen, le journal du tournage de Pork and milk. Elle commence par évoquer l'origine du projet, puis le début des repérages, les premières rencontres, les réactions des gens, la façon dont elle s'y est prise pour les contacter, le tournage proprement dit et, enfin, le montage du film. C'est un journal «après-coup» dans lequel elle évoque les gens et les lieux de rendez-vous, des anecdotes, des situations, la préparation de chaque entretien et aussi les rencontres qui n'ont pas abouti et n'ont pas été retenues pour le film. C'est bien sûr le côté humain (les récits, les histoires de chacun) qui est privilégié par rapport à l'aspect technique. Des indications concernant les repérages, le choix de certains extérieurs et les moyens trouvés pour filmer des personnages sans qu'on voie leurs visages sont, cependant, également présents. Si elle reste discrète sur les raisons personnelles qui l'ont conduite à traiter ce sujet, elle ne cache pas son identification à ces gens qui ont choisi de refuser le conformisme de la religion.
52 minutes pour le film / 80 pages pour le livre.
Quelque chose d'immensément loin de notre présent est apparu il y a plus de trois mille ans dans l'Inde du Nord : le Veda, un «savoir» qui englobait tout en lui, depuis les grains de sable jusqu'aux confins de l'univers. Cette distance transparaît dans la manière de vivre chaque geste, chaque parole, chaque entreprise. Les hommes védiques accordaient une attention adamantine à l'esprit qui les soutenait et qui ne pouvait être disjoint de l'«ardeur» à partir de laquelle, pensaient-ils, le monde s'était développé. L'instant prenait sens dans sa relation avec un invisible qui débordait de présences divines. Ce fut une expérimentation de la pensée si extrême qu'elle aurait pu disparaître sans laisser aucune trace de son passage sur la «terre où erre en liberté l'antilope noire» (c'est ainsi que l'on définissait le lieu de la loi). Et pourtant cette pensée - un enchevêtrement d'hymnes énigmatiques, d'actes rituels, d'histoires de dieux et de fulgurations métaphysiques - a l'indubitable capacité d'éclairer d'une lumière rasante, distincte de toute autre, les événements élémentaires qui appartiennent à l'expérience de tout un chacun, aujourd'hui et partout, à commencer par le simple fait d'être conscient. Elle entre ainsi en collision avec nombre de ce que l'on considère désormais comme des certitudes acquises. Ce livre raconte comment, à travers les «cent chemins» auxquels fait allusion le titre d'une oeuvre démesurée et capitale du Veda, le Satapatha Brahma?a, on peut retrouver ce qui sous nos yeux en passant par ce qui est le plus loin de nous.
En 1890, Henry Salt, le biographe de Thoreau écrit à l'un de ses amis, : « Je me demande si vous connaissez L'Histoire de mon coeur, de Richard Jefferies ; c'est une oeuvre rare, géniale.» Richard Jefferies avait quatorze ans quand Thoreau était mort, en 1862, et ne connaissait pas son oeuvre. Et pourtant, relève Hart, leurs ressemblances étaient grandes: un même tempérament mystique, un même mépris des conventions, le même amour passionné des bois, des champs et des cours d'eau, le même génie pour consigner leurs observations.
Un autre grand Américain, le romancier Henry Miller, exprime le même enthousiasme pour L'Histoire de mon coeur : « Voilà un homme qui exprime mes pensées les plus intimes. Il est l'iconoclaste que je me sens être sans pourtant jamais le révéler pleinement. Il a des exigences extrêmes. Il rejette, il met à la casse, il annihile. Quel chercheur ! Quel chercheur audacieux ! » Jefferies notait lui-même à la fin de sa vie : « Une partie du meilleur de mon oeuvre a été réalisée dans un état d'intense agonie. » Sa faiblesse extrême entraîna une forme d'« hyperesthésie», une acuité démultipliée : chaque tache de couleur, écrit-il, lui paraissait une sorte de nourriture. D'où une vision du monde inouïe, dépassant nos concepts habituels des religions et même des mystiques d'une manière évidente et simple, et comme charnelle.
Grand connaisseur de tous les aspects de la nature et réputé pour ses nombreux ouvrages sur ces sujets, Jefferies nous livre dans cette Histoire de mon coeur un livre extraordinaire, inclassable, entre observation, spiritualité, philosophie et poésie. Si le choix a été fait ici de le publier dans Les Carnets spirituels - alors qu'il ne se réfère à aucune religion ni aucune transcendance -, c'est qu'il est merveilleusement fait pour une lecture méditative : il nous ouvre à l'infini, il nous communique une sagesse essentielle.
Alexandro Jodorowsky, artiste chilien aux talents multiples dont les oeuvres cinématographiques et littéraires ont marqué plusieurs générations, fut initié au zen au Mexique dans les années 1970. Il nous offre ici le récit picaresque, et en même temps hautement spirituel, de cette période propice à toutes les expériences. Tandis qu'il apprend à explorer les profondeurs de son être sous la conduite du maître Ejo Takata, des femmes remarquables, dont la célèbre peintre surréaliste Leonora Carrington, l'entraînent dans des aventures truculentes. Ces «magiciennes» l'aident à se dépouiller de ses cuirasses émotionnelles, à élargir son coeur et sa vision de la vie. Il alterne ainsi les rigoureuses méditations silencieuses menant à la paix de l'esprit, et la plongée aux tréfonds du sexe, du rêve et de la création, jusqu'aux limites de la folie.
On ne sort pas indemne de ce livre halluciné. À travers son parcours épique d'aventurier du corps et de l'esprit, ce grand artiste nous tend ici un miroir fascinant où chacun peut lire le sens de sa propre histoire.
Al-sîra est le titre sous lequel se présente le monumental corpus des chroniques qui recensent les témoignages des compagnons du prophète muhammad sur ses faits et gestes.
Pour qui veut se faire sa propre idée sur l'islam et sur ses origines, à partir de textes de première main, al-sîra est un instrument irremplaçable. mais composé d'une multitude de textes fragmentaires, rédigés il y a plus d'un millénaire dans une langue arabe savante par différents chroniqueurs, ce corpus est difficilement accessible au lecteur contemporain. il est resté jusqu'ici l'apanage de spécialistes ou de clercs, qui l'utilisent de manière sélective, voire partisane.
Le présent ouvrage en donne une lumineuse synthèse, sous la forme d'un découpage-montage qui intègre les événements significatifs de la vie du prophète, choisis sans aucun parti pris doctrinal, ordonnés chronologiquement et ne comportant aucun ajout de la part des auteurs. il se lit comme une fresque vivante, chaleureuse, colorée, à la portée de tous. le tome 1 traite de l'arabie pré-islamique, de l'enfance les muhammad et de sa prédication à la mecque, où sont posés fondements spirituels et métaphysiques de l'islam.
Le tome 2, consacré aux dix dernières années de muhammad à médine, éclaire le sens concret des bouleversements suscités par son action prophétique, en même temps que facettes de son exceptionnelle personnalité
Michel Foucault, le philosophe, et Michel de Certeau, le jésuite, furent contemporains - morts respectivement en 1984 et 1986 - et ont marqué la pensée moderne.
L'un et l'autre accordèrent une grande importance aux phénomènes culturels et partagent le diganostic selon lequel l'Occident a en partie perdu le contact avec ses racines. L'enjeu d'une confrontation des deux auteurs est triple : révéler les impensés de l'un et de l'autre, dans un souci de prolonger la compréhension de l'histoire de la philosophie française au XXe siècle ;
Contribuer à élaborer une pensée de la culture, dont la philosophie de l'interculturel a besoin ;
Prolonger de façon spécifique l'attention aux politiques du care élaborée par ailleurs.
Foucault et De Certeau ont poussé à un authentique « diagnostic du présent » concernant la vie, les solidarités, les façons d'être Leurs pensées ont aidé à rouvrir des possibilités d'action, dans des champs divers où beaucoup de leurs contemporains étaient engagés dans des impasses.
Elles sont peut-être les derniers représentants d'une tentative d'unité. Mais la dispersion qui caractérise aussi leurs usages permet de mieux cerner leur intérêt et leur postérité.
Ainsi, on trouve des influences mais surtout des discontinuités, des différences, des dissonances : de Certeau insiste sur le rôle des sciences religieuses pour comprendre la culture. Celles-ci sont largement sous-estimées et même absentes chez Foucault, qui n'y arrive que plus tardivement par l'étude de la question du vrai.
De fait, comment comprendre aujourd'hui un certain nombre de phénomènes si on fait l'économie de la question des déterminations fondamentales de l'existence et des « manières de vivre », y compris religieuses Contrairement à ce que certains pensent, l'oeuvre de Michel Foucault donne peut-être paradoxalement plus de pistes sur ces questions qu'on ne l'estime généralement. De son côté, la pensée culturelle et religieuse de Michel de Certeau est devenue centrale aujourd'hui.