«Garcin : - Le bronze... (Il le caresse.) Eh bien, voici le moment. Le bronze est là, je le contemple et je com prends que je suis en enfer. Je vous dis que tout était prévu. Ils avaient prévu que je me tiendrais devant cette cheminée, pressant ma main sur ce bronze, avec tous ces regards sur moi. Tous ces regards qui me mangent... (Il se retourne brusquement.) Ha ! vous n'êtes que deux ? Je vous croyais beaucoup plus nombreuses. (Il rit.) Alors, c'est ça l'enfer. Je n'aurais jamais cru... Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril... Ah ! quelle plaisanterie. Pas besoin de gril : l'enfer, c'est les Autres.»
L'attente comprend deux phases, l'ennui et l'angoisse. La pièce comprend donc deux actes, l'un grotesque, l'autre grave.
Préoccupé de peu de choses hormis ses chaussures, la perspective de se pendre au seul arbre qui rompt la monotonie du paysage et Vladimir, son compagnon d'infortune, Estragon attend. Il attend Godot comme un sauveur. Mais pas plus que Vladimir, il ne connaît Godot. Aucun ne sait au juste de quoi ce mystérieux personnage doit les sauver, si ce n'est peut-être, justement, de l'horrible attente. Liés par un étrange rapport de force et de tendresse, ils se haranguent l'un et l'autre et s'affublent de surnoms ridicules. Outre que ces diminutifs suggèrent que Godot pourrait bien être une synthèse qui ne se réalisera qu'au prix d'un anéantissement, Didi et Gogo portent en leur sein la répétition, tout comme le discours de Lucky, disque rayé qui figure le piétinement incessant auquel se réduit toute tentative de production de sens.
Une toute jeune fille comprend difficilement les derniers mots de sa mère mourante, mais n'ose les lui faire répéter. Pourtant voilà Cendrillon liée à cette phrase : "Tant que tu penseras à moi tout le temps, sans jamais m'oublier plus de cinq minutes, je ne mourrai pas tout à fait." Joël Pommerat part du deuil et de ce malentendu pour éclairer le conte d'une nouvelle lumière.
Aimable jeune homme et auteur à demi-succès patronné par Sarah Bernhardt, Rostand devient du jour au lendemain avec Cyrano de Bergerac un héros national, sur-le-champ décoré de la Légion d'honneur. Somptueux divertissement poético-militaire, pièce historique qui rappelait à la fois Les Trois Mousquetaires et le monde des précieux, drame en vers d'une ahurissante virtuosité où parut revivre le meilleur de Ruy Blas, Cyrano conquit sans peine un public lassé du théâtre d'idées, qu'enflamma le patriotisme culturel de l'auteur. «Ainsi, il y a un chef-d'oeuvre de plus au monde», écrivait Jules Renard le soir de la générale. Il faut sans doute en rabattre un peu, mais un peu seulement:bien que né dans le sérail de la plus bourgeoise des bourgeoisies, Cyrano demeure la plus grande réussite de théâtre populaire à ce jour connue et le dernier acte, avec son couvent et ses feuilles mortes, est aussi émouvant qu'un finale de Verdi.
* Pièce en un acte pour quatre personnages, écrite en français entre 1954 et 1956. Première publication aux Éditions de Minuit : Fin de partie, suivi de Acte sans paroles I, 1957.
* Fin de partie a été créé, en français, le 1er avril 1957, à Londres, au Royal Court Theatre, dans une mise en scène de Roger Blin, avec la distribution suivante : Nagg (Georges Adet), Nell (Christine Tsingos), Hamm (Roger Blin), Clov (Jean Martin). La pièce a été reprise le même mois, à Paris, au Studio des Champs-Élysées, avec la même distribution, à cette exception près que le rôle de Nell était alors tenu par Germaine de France.
« Dans Fin de partie il y a déjà cette notion d'immobilité, cette notion d'enfouissement. Le personnage principal est dans un fauteuil, il est infirme et aveugle, et tous les mouvements qu'il peut faire c'est sur son fauteuil roulant, poussé par un domestique, peut-être un fils adoptif, qui est lui-même assez malade, mal en point, qui marche difficilement. Et ce vieillard a ses parents encore, qui sont dans des poubelles, son père et sa mère qu'on voit de temps en temps apparaître et qui ont un très charmant dialogue d'amour.
Nous voyons deux êtres qui se déchirent, qui jouent une partie comme une partie d'échecs et ils marquent des points, l'un après l'autre, mais celui qui peut bouger a peut-être une plus grande chance de s'en tirer, seulement ils sont liés, organiquement, par une espèce de tendresse qui s'exprime avec beaucoup de haine, de sarcasme, et par tout un jeu. Par conséquent, il y a dans cette pièce - qui est à un niveau théâtral absolument direct, où il n'y a pas d'immense symbole à chercher, où le style est d'une absolue simplicité -, il y a cette espèce de jeu qu'ils se font l'un à l'autre, et qui se termine aussi d'une façon ambiguë parce que le suspense dérisoire de la pièce, s'il y a suspense, c'est ce fils Clov, partira-t-il ou non ? Et on ne le sait pas jusqu'à la fin.
Je dois dire aussi que c'est une pièce comique. Les exégètes de Beckett parlent d'un « message », d'une espèce de chose comme ça. Ils oublient de dire le principal, c'est que c'est une chose qui est une découverte du langage, de faire exploser un langage très quotidien. Il n'y a pas de littérature plaquée, absolument pas. Faire exploser un langage quotidien où chaque chose est à la fois comique et tragique ».
Roger Blin
Alceste est un « mélancolique » qui s'aveugle sur lui-même pour mieux condamner les autres. Placé dans une situation sociale comique, amoureux d'une coquette, il voit défiler tous les types humains qu'il réprouve. Molière a enfermé toute une époque dans un salon mondain, le portrait d'un milieu où le Misanthrope fait figure d'attardé, où il a raison et se met dans son tort.
La profondeur du Misanthrope est dans la mise en question implicite d'une norme qui, dans sa prétention à dépasser les contradictions humaines, s'éloigne de la vérité. Molière a fait de ces contradictions mêmes la substance de la comédie, prenant le risque de priver le public de la gaieté qui naît des solutions fictives pour lui offrir ce plaisir plus subtil qu'apporte l'intelligence de la complexité et des ambiguïtés de la vie.
Le personnage d'Ubu, né d'une pièce créée par des lycéens, est devenu le symbole universel de l'absurdité du pouvoir, du despotisme, de la cruauté. Jarry en montre le ridicule, lui oppose l'arme que les faibles gardent face aux tyrans, la formidable liberté intérieure que donne le rire. Le sens du comique et de l'humour change le tyran en marionnette, en ballon gonflé d'air.
Pour n'avoir pas voulu respecter l'antique usage, qui veut qu'une cérémonie accompagne, et apaise, quiconque meurt, Créon, roi de Thèbes et successeur d'Oedipe, a lui-même semé la mort.
Pour avoir accablé d'invectives brutales ceux qui avaient osé résister à son caprice, il a entraîné le décès de son fils et de la fiancée de celui-ci. Renforcée par son pouvoir, son agressivité a eu raison de celles de ses adversaires. Or ces jeunes adversaires, Antigone, fille d'Oedipe, Hémon, fils de Créon, respectaient, eux, les lois qui sont aussi celles de la cité ; il n'est pas de cité qui ne prescrive d'ensevelir les morts et d'avoir des égards pour son père.
Antigone, Hémon, ont observé cette loi. Confrontés à l'arbitraire du tyran à la fois têtu et versatile, ils ont détourné sur eux-mêmes l'agressivité de ce dernier. Telle est la tragédie de Sophocle, l'une des plus célèbres de l'histoire du théâtre. Notre édition, la première de Sophocle dans Folio Théâtre, reprend la traduction de Jean Grosjean dans la Pléiade, remarquable de puissance poétique, ainsi que les notes de cette édition.
La préface, brillante, paradoxale, est due à Jean-Louis Backès, professeur émérite à la Sorbonne.
Moving Earths et Inside constituent les deux premiers volets de la trilogie terrestre, une série de trois conférences-performances coécrites par Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour. La triologie tente de remettre en question nos idées reçues concernant la planète, cette Terre que nous habitons comme nous marchons dessus, presque sans y penser.
Inside propose une expérience de pensée : le lecteur-spectateur est invité à se tenir non pas sur le Globe, mais dans cette « zone critique » dont parlent les scientifiques. Pour tenter de comprendre ce que signifie « vivre dedans », la conférence-performance tente une série de tests qui combinent les outils de la modélisation et de la simulation, soit deux manières de se rendre sensibles : par la science et par la scène.
Entre philosophie et théâtre, Moving Earths invite le lecteur à tester l'hypothèse d'un parallèle entre l'époque de la révolution astronomique et la nôtre. Sommes-nous en train de vivre une transformation du monde aussi profonde et radicale que celle de l'époque de Galilée ? Une chose est sûre : nous ne savons plus exactement sur quelle planète nous vivons, ni comment la décrire. En partant du travail du chimiste anglais James Lovelock et de la biologiste américaine Lynn Margulis, les auteurs interrogent un nouveau rapport au terrestre.
Ces deux pièces ont été créées au Théâtre Nanterre-Amandiers en novembre 2016 et décembre 2019, puis jouées sur de nombreuses scènes européennes et internationales (Théâtre de l'Odéon à Paris, Martin Gropius Bau à Berlin, Théâtre Benno-Besson en Suisse, Signature Theatre à New York, Biennale de Taipei).
Deux entretiens avec les auteurs complèteront les textes. L'ouvrage sera richement illustré, et la mise en page rejouera la mise en scène des textes dans l'espace du livre.
On avait toujours dit que les astres étaient fixés sur une voûte de cristal pour qu'ils ne puissent pas tomber.
Maintenant nous avons pris courage et nous les laissons en suspens dans l'espace, sans soutien, et ils gagnent le large comme nos bateaux, sans soutien, au grand large. et la terre roule joyeusement autour du soleil, et les poissonnières, les marchands, les princes, les cardinaux et même le pape roulent avec elle.
Adaptée pour un théâtre nègre, la tempête de shakespeare donne un relief accru aux rapports de prospero et de caliban ; le maître est blanc, l'esclave est noir.
Quant à ariel l'enchanteur, c'est aussi un esclave, mulâtre. césaire ramasse les cinq actes en trois, démystifie le merveilleux, dégrise l'amour. mais de ce prosaïsme volontaire surgit un nouveau poème : celui qu'une troupe africaine, livrée à ce rituel de révolte, ne peut omettre de créer : le chant de la liberté.
James Baldwin a écrit cette pièce en 1964 en réaction à l'assassinat de son ami Medgar Evers, militant des droits civiques, abattu devant son domicile du Mississippi le 12 juin 1963 par un suprémaciste blanc.
L'accumulation des meurtres racistes aux États-Unis (dont celui de quatre jeunes filles noires dans un attentat à la bombe contre une église baptiste de Birmingham, Alabama, le 15 septembre 1963) constitue l'arrière-plan de ce cri de révolte scénique. La quasi-impunité qui suit ces actes sera l'élément déclencheur de ce travail.
C'est aussi le meurtre atroce en 1955 de l'adolescent Emmett Till qu'il décide d'évoquer : « Dans ma pièce, écrit-il, il est question d'un jeune homme qui est mort ; tout, en fait, tourne autour de ce mort. Toute l'action de la pièce s'articule autour de la volonté de découvrir comment cette mort est survenue et qui, véritablement, à part l'homme qui a physiquement commis l'acte, est responsable de sa mort. L'action de la pièce implique l'effroyable découverte que personne n'est innocent [...]. Tous y ont participé, comme nous tous y participons. »
Pirandello invite le spectateur à assister à ce qui lui est généralement caché : ce qui se passe sur une scène lorsque la salle est vide ; ce qui se passe dans l'esprit du metteur en scène aux prises avec des personnages qui lui sont confiés ; et plus encore, tout ce qui se passe dans le coeur d'un auteur lorsque s'imposent à lui des personnages, et qu'il les sent plus forts qu'il n'est.
Traduit de l'italien par Michel Arnaud et André Bouissy.
Réputé à tort une «tragédie naturaliste», Mademoiselle Julie est le drame de Strindberg le plus souvent représenté en Suéde et à l'étranger ; quant au Pélican, il s'agit d'une «pièce de chambre» à la tonalité plus intimiste. Ces deux oeuvres témoignent de la même ambition : créer des personnages et non des archétypes, une mère et non la mère, une avare qui ne soit pas seulement l'avarice, un intrigant qui ne se réduise pas à l'ambition. Le théâtre, selon Strindberg, peut et doit montrer les contradictions et les équivoques qui habitent l'âme humaine.
En dramaturge véritablement moderne, Strindberg orchestre ainsi des huis clos frénétiques et crus, dont l'audace demeure toujours aussi corrosive aujourd'hui.
Le passeport est la partie la plus noble de l'homme.
D'ailleurs, un passeport ne se fabrique pas aussi simplement qu'un homme. on peut faire un homme n'importe oú, le plus étourdiment du monde et sans motif raisonnable ; un passeport, jamais. aussi reconnaît-on la valeur d'un bon passeport, tandis que la valeur d'un homme, si grande qu'elle soit, n'est pas forcément reconnue.
Les six pièces de ce recueil représentent l'ensemble de son théâtre paru à ce jour en Italie.
Calderón.
De la bourgeoisie à l'Armée rouge en passant par le quartier des prostituées et la clinique psychiatrique, Pasolini interroge notre histoire du théâtre.
Affabulazione.
Pasolini entre le mythe et l'histoire, hanté par le mythe - ici celui d'oedipe - et rattrapé par l'histoire. L'histoire a effacé les pères, ils ne sont plus incontournables, aucun désir de meurtre n'habite plus les fils, c'est donc le père qui devra tuer.
Pylade.
Après les Euménides, après le jugement des dieux qui l'absout, Oreste revient à Argos métamorphosé par son passage à Athènes où, pour la première fois de sa vie, il a assisté à un jugement édicté par les hommes et non par les dieux. Il va instaurer ce nouveau régime dans sa cité.
Porcherie.
Ce pourrait être l'histoire banale d'un fils de bourgeois attiré par des amours bizarres, si l'on n'y lisait aussi le drame d'une génération perdue dans l'Allemagne amnésique de l'après-guerre.
Orgie.
Les dernières scènes de la vie d'un couple, comme une Passion sans Judas, à deux. Ailleurs et dans un autre temps, c'eût été une grande histoire d'amour et de jouissance.
Bête de style.
Poésie et histoire s'affrontent : contre la violence de l'histoire et contre le poids des modèles hérités des pères et des maîtres, le poète clame des vérités impossibles.
Ttraduit de l'italien par Michèle Fabien, Titina Maselli et Alberte Spinette.
Se voir dans un miroir, voilà une confrontation immédiate avec soi-même relativement banale et, d'ordinaire, assez fugace. Le protagoniste de La Dernière Bande va se livrer à une confrontation avec lui-même autrement troublante. « Viens d'écouter ce pauvre petit crétin pour qui je me prenais il y a trente ans, difficile de croire que j'aie jamais été con à ce point-là. » Chaque année, le jour de son anniversaire, Krapp enregistre un compte rendu détaillé de son état et de ses agissements durant l'année écoulée. Chaque fois, il écoute l'une ou l'autre des bandes enregistrées des dizaines d'années auparavant, et il la commente. C'est dans cet éternel retour à son passé que réside maintenant sa seule lumière. Krapp, qui jadis déclarait ne plus rien vouloir de ce qu'il avait vécu, ne peut aujourd'hui exister que s'il parvient à être de nouveau ce qu'il fut : « Sois de nouveau, sois de nouveau. » Il lui faut surtout être encore celui qui, « quand il y avait encore une chance de bonheur », a vécu un instant d'amour.
- La Dernière Bande : pièce en un acte pour un personnage avec magnétophone, écrite en anglais en 1958.
- Cendres : pièce radiophonique en un acte pour cinq personnages, écrite en anglais en 1959.
La traduction française de l'auteur (avec le concours de Robert Pinget pour Cendres) est parue en 1959.
Jonathan Jeremiah Peachum est un homme d'affaires qui exploite la misère et la pitié humaines en équipant les mendiants vrais ou faux de Londres. Il est scandalisé par l'idée que sa fille Polly projette d'épouser le bandit Mackie. Pourtant ce mariage contre nature a lieu dans une écurie de Soho, où se retrouvent, entre autres, le pasteur Kimball et le chef de la police Brown.
Arise, arise est l'unique pièce de théâtre écrite par le poète Louis Zukofsky. Ine´dite en langue française, elle a été publie´e une première fois en 1962 dans la revue Kulture, puis reprise en volume (Grossman Publishers) en 1973. Elle a été jouée une seule fois, à New-York, en 1965.
Cette singulière proposition pour la scène de Zukofsky se distingue tant sur le plan formel de l'écriture que de la recherche d'une modernité théâtrale. Contemporaine de la rédaction de son magnum opus « A », Arise, arise s'apparente à une scène expérimentale intriquant les fils politiques et poétiques. Une continuation de la poésie par d'autres moyens, qui renouvelle la compréhension de l'une des oeuvres les plus influentes du XXe siècle.
Il faut que les reproductions s'effacent devant ce qui a été reproduit, la vie en commun des hommes, et le plaisir procuré par leur perfection doit être porté au plaisir plus élevé de voir traitées comme provisoires et imparfaites les règles mises en évidence dans cette vie en commun. C'est en cela que le théâtre laisse le spectateur productif, par-delà le regard porté sur le spectacle. Dans son théâtre, puisse le spectateur jouir comme d'un divertissement de ses terribles et interminables travaux, qui sont censés lui assurer sa subsistance, ainsi que de l'effroi de son incessante métamorphose. Qu'il s'y produise de la façon la plus légère ; car le mode d'existence le plus léger est dans l'art. » (Brecht)
Aux personnages de Genet on pourrait dire:« Arrête de faire le Nègre! », comme on dit à d'autres:« Arrête de faire le clown! ». En fait, ici, c'est la même chose:Nègre et clown c'est tout un, dans la dérision,le double jeu et la provocation. Ces Nègres-là n'ont pas un nez rouge qui les métamorphose mais un nez noir qui les dissimule d'autant plus qu'il ne se voit pas. Ils jouent à paraître ce qu'ils sont déjà et à être ce qu'ils ne sont pas, dans une confusion plaisante mais bien faite pour dérouter qui voudrait en finir une bonne fois avec les faux-semblants. Il est toutefois inutile d'attendre de Genet qu'il révèle tout à trac sa position personnelle quant au statut politique et social du Noir. Comme en se jouant, il laisse affleurer ses angoisses et ses désirs, sa violence et ses espoirs de revanche. Le rire des Nègres est désarmant sans doute mais, désarmés, les Blancs - présents sur le plateau à titre d'oppresseurs autant qu'à titre de public - ne sauront plus se défendre:c'est bien autour de la cérémonie funèbre de leur anéantissement que la pièce est construite.
Le Bouc. Jorgos, ce " Grec de Grèce " nouvellement arrivé dans une bourgade bavaroise, suscite autant le mépris racial que les fantasmes sexuels. Faite d'une série de séquences brèves, la pièce est le patient tissage d'un réseau associatif de mots et de phrases, rhétorique quotidienne dans et par laquelle s'annonce le meurtre rituel de " l'autre ".
Les Larmes amères de Petra von Kant. Modéliste réputée, Petra von Kant tisse autour d'une jeune femme qu'elle emploie comme mannequin un rêve d'amour sans homme ni barrière de classe.
Liberté à Brême. Madame Gottfried, née Timm, veuve Miltenberger (Geesche dans la pièce), fut décapitée publiquement le 21 avril 1831 à Brême pour avoir empoisonné à l'arsenic quinze personnes de son entourage. De ce fait divers qui en son temps défraya la chronique, Fassbinder tire une tragédie agressivement naïve de la vie bourgeoise.
Précédée par et les chiens se taisaient (1946, " arrangé " pour le théâtre en 1956) et suivie de une saison au congo (1967), la tragédie du roi christophe constitue la pièce maîtresse de ces " tragédies de la décolonisation " écrites par aimé césaire pour témoigner - remarquablement - d'un acte politique majeur de notre temps.
La tragédie du roi christophe, est une oeuvre barbare (au sens noble du terme) lyrique et nécessaire. affirmant que la politique est la force moderne du destin et l'histoire la politique vécue, aimé césaire donne à voir l'invention du futur, d'un futur enraciné. l'aventure haïtienne de christophe évoque le destin collectif du peuple africain d'aujourd'hui. a la phase de la révolte aiguë a succédé celle de la re-connaissance, de la constitution d'un patrimoine authentique et librement assumé.
Cette entreprise doit être celle d'un bâtisseur, d'un architecte : aimé césaire a su créer un personnage d'une grande et haute stature avec une vigueur et une invention poétique exceptionnelles. christophe (qu'habita, si puissamment, le comédien douta seck) est un homme d'afrique. il est le muntu, l'homme qui participe à la force vitale (le n'golo) et l'homme du verbe (le nommo). le texte initial de la pièce a fait l'objet de révisions multiples.
La dernière version, que présente aujourd'hui présence africaine (après avoir publié le texte initial) révèle la qualité de la collaboration qui a réuni, à tous les instants, l'auteur aimé césaire et le metteur en scène jean-marc serreau.