Avec Love, son dernier roman, Toni Morrison travaille sur la mémoire et l'obsession. Nous y découvrons un groupe de personnages féminins littéralement captivés par un homme, décédé depuis vingt-cinq ans au moment où s'ouvre le roman, vers le milieu des années 1990.
Cet home, Bill Cosey, possédait jadis un hôtel pour Noirs fortunés, sur la côte est des USA. L'hôtel connut son heure de gloire au milieu du 20ème siècle ; tout ce que la communauté noire comptait d'artistes, de médecins, d'hommes d'affaire ou de femmes du monde venait s'y retrouver pour prendre du bon temps au bord de l'océan.
Le mouvement pour les droits civiques et la déségrégation ont bouleversé cet univers présenté comme idyllique, si l'on oublie le caractère très exclusif de la politique commerciale mise en place par Bill Cosey, qui refusait l'accès à son établissement aux plus pauvres de sa communauté. L'hôtel a fini par fermer, et la demeure familiale est devenue le champ de bataille de deux femmes, Heed, la veuve de Cosey, et Christine, la petite -fille du maître des lieux. Ce sont d'anciennes « meilleures amies » d'enfance, mais leur amitié connut un tournant fatal lorsque Cosey, lui-même veuf, choisit de se remarier avec Heed, qui avait alors onze ans.
La différence d'âge entre cet homme, déjà grand-père, et cette petite -fille n'est pas le seul sujet de scandale. Heed vient par ailleurs d'une famille extrêmement pauvre et illettrée et elle a le plus grand mal du monde a tenir sa place dans un univers familial très critique. Heed et Christine deviennent peu à peu les meilleures ennemies du monde, surtout après la mort de Cosey, qui laisse derrière lui un testament fort ambigu. La lutte des deux femmes, pour savoir qui est l'« enfant chérie » à laquelle reviendra la fortune de Cosey, constitue un des moteurs du roman. Christine veut faire appel de la décision du juge, pendant que Heed, qui a recruté une jeune fille, une tête brûlée du nom de Junior, entend fabriquer avec elle un faux testament, qui serait plus indiscutable.
À la toute fin du roman, les deux femmes se retrouvent dans l'hôtel abandonné, dans des circonstances dramatiques, qui seules leur permettront de se parler enfin, de se retrouver et de comprendre que chacune n'a finalement plus que l'autre, avant le retournement final, dû à la voix narrative, venue d'outre -tombe, de L, une autre de ces femmes qui gravitaient autour de Bill Cosey.
Love, en apparence, ne semble pas s'attaquer à de grandes et tragiques questions, comme avait pu le faire Beloved. Il n'empêche que Toni Morrison nous plonge à la fois dans une réflexion sur l'histoire de la communauté afro-américaine qui est tout sauf conventionnelle, et dans un huis clos psychologique, qui lui permet une présentation extrêmement pénétrante des relations entre les femmes et l'homme, des relations des femmes entre elles, toujours en rivalité pour être l'élue de cet homme aux multiples facettes, qui sont autant de facettes imaginaires qu'elles ont elles-mêmes mises en place. De fait, Love est également bel et bien un roman qui parle d'amour, qui parle de l'amour.
Renaître est le premier tome d'une sélection en trois volumes de journaux de Susan Sontag, tous inédits à ce jour. Dès son adolescence, et ce jusqu'aux dernières années de sa vie, Susan Sontag se livra dans ces carnets avec une grande régularité, d'autant plus librement qu'elle n'envisageait pas de les faire publier.
Renaître couvre la période 1947-1963 et met en lumière la trajectoire intellectuelle, humaine et créatrice de l'un des plus grands écrivains américains de sa génération. Susan Sontag n'a que 14 ans quand elle commence la rédaction de ce journal, ancré dans la découverte adolescente de sa propre sexualité, de ses premières expériences en tant que jeune étudiante (gée de 16 ans) à l'université de Californie à Berkeley et dans les deux grandes relations qu'elle a entretenues comme jeune adulte. Renaître met en scène une adolescente précoce, qui ne cesse de dresser des listes : les livres lus ou à lire impérativement, les films à voir, les musiques à écouter.... Les principales caractéristiques qui définiront son moi intellectuel, sont déjà évidentes : féroce acuité, incroyable ambition, légère tendance à la prétention et approche de la vie profondément honnête.
Son désir de toujours progresser semble inépuisable. Comme l'écrit son fils David Rieff dans sa préface à Renaître : « Ceci est un journal dans lequel l'art est vu comme une affaire de vie et de mort, où l'ironie est considérée comme un vice et non une vertu et où le sérieux est le bien suprême. [...] Une des choses qui m'a le plus frappé à la lecture des journaux fut l'impression, que de la jeunesse à la vieillesse, ma mère a mené les mêmes batailles, contre le monde et contre elle-même. [...] Dès le début de son adolescence, elle eut le sentiment de posséder des dons spéciaux et d'avoir quelque chose à apporter. Le désir farouche et inébranlable d'approfondir et d'élargir constamment son éducation fut d'une certaine façon une matérialisation de cette vision qu'elle avait d'elle-même. » A travers ce journal émerge l'incroyable conscience que Susan Sontag à d'elle-même à un si jeune ge, ses rencontres avec les écrivains qui ont influencé son mode de pensée, et ses premiers corps à corps avec l'acte d'écrire en lui-même, le tout accompagné d'une foule de détails inimitables. A la fin de ce premier journal, Susan Sontag, trente ans, divorcée et mère d'un petit garçon, s'apprête à publier Notes on Camp, qui marquera le début de son incroyable carrière.
La boxe passionne Joyce Carol Oates depuis son adolescence. Elle a vu son premier combat dans les années 1950, en compagnie de son père. "Cela a touché, dit-elle, quelque chose de très profond en moi. Il y a là un mystère que j'essaie de percer." Méditation profonde, nourrie par la vision des combats et les propos saisissants des athlètes sur leur activité et le sens qu'ils lui donnent - De la boxe est aussi une évocation historique, depuis les gladiateurs romains jusqu'aux boxeurs actuels : le style de vie monastique de Rocky Marciano avant un match, la grâce d'un Mohammmed Ali en pleine gloire, la violence dévastatrice de Myke Tyson, dernier grand champion dans l'histoire de ce sport - et de cet art.
"La boxe, écrit Joyce Carol Oates, est notre théâtre tragique. L'individu réduit à lui-même."
Premier ouvrage posthume de Susan Sontag, ce recueil rassemble seize essais et discours auxquels elle travailla jusqu'aux derniers moments de sa vie. Ses considérations sur la beauté, la littérature russe et l'art de la traduction littéraire voisinent avec des textes manifestes sur la situation en Israël, le 11 septembre et Abou Ghraib. Mais plus que dans aucun autre livre, Susan Sontag exprime sa foi en la littérature et le pouvoir qu'elle lui confère. Elle y dévoile ses centres d'intérêts majeurs - la lecture, l'écriture, la traduction - ainsi que ces qualités qu'elle prisait avant tout, dans son travail comme dans sa vie : l'honnêteté intellectuelle et morale, et l'esprit de sérieux.