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Ce livre parle d'aujourd'hui, de nos asphyxies et de nos grands besoins d'air. Parce qu'une atmosphère assez irrespirable est en train de devenir notre milieu ordinaire.
Et l'on rêve plus que jamais de respirer : détoxiquer les sols, les ciels, les relations, le quotidien, souffler, respirer tout court.
Peut-être d'ailleurs qu'on ne parle que pour respirer, pour que ce soit respirable ou que ça le devienne. Il suffit de prononcer ce mot, « respirer », et déjà le dehors accourt, attiré, aspiré, espéré à l'appel de la langue. -
« Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant » : ainsi commence La Petite Lumière. C'est le récit d'un isolement, d'un dégagement mais aussi d'une immersion. Le lecteur, pris dans l'imminence d'une tempête annoncée mais qui tarde à venir, reste suspendu comme par enchantement parmi les éléments déchaînés du paysage qui s'offrent comme le symptôme des maux les plus déchirants de notre monde au moment de sa disparition possible.
L'espace fait signe par cette petite lumière que le narrateur perçoit tous les soirs et dont il décide d'aller chercher la source. Il part en quête de cette lueur et trouve, au terme d'un voyage dans une forêt animée, une petite maison où vit un enfant. Il parvient à établir un dialogue avec lui et une relation s'ébauche dans la correspondance parfaite des deux personnages. Cette correspondance offre au narrateur l'occasion d'un finale inattendu.
La petite lumière sera comme une luciole pour les lecteurs qui croient encore que la littérature est une entreprise dont la portée se mesure dans ses effets sur l'existence.
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"Car un laque décoré à la poudre d'or n'est pas fait pour être embrassé d'un seul coup d'oeil dans un endroit illuminé, mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur diffuse qui, par instants, en révèle l'un ou l'autre détail, de telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux constamment caché dans l'ombre, il suscite des résonances inexprimables.
De plus, la brillance de sa surface étincelante reflète, quand il est placé dans un lieu obscur, l'agitation de la flamme du luminaire, décelant ainsi le moindre courant d'air qui traverse de temps à autre la pièce la plus calme, et discrètement incite l'homme à la rêverie. N'étaient les objets de laque dans l'espace ombreux, ce monde de rêve à l'incertaine clarté que sécrètent chandelles ou lampes à huile, ce battement du pouls de la nuit que sont les clignotements de la flamme, perdraient à coup sûr une bonne part de leur fascination.
Ainsi que de minces filets d'eau courant sur les nattes pour se rassembler en nappes stagnantes, les rayons de lumière sont captés, l'un ici, l'autre là, puis se propagent ténus, incertains et scintillants, tissant sur la trame de la nuit comme un damas fait de ces dessins à la poudre d'or." Publié pour la première fois en 1978 dans l'admirable traduction de René Sieffert, ce livre culte est une réflexion sur la conception japonaise du beau.
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Dans ce récit écrit sans artifices, tönle, berger du plateau d'asiago, à la frontière du royaume d'italie et de l'empire austro-hongrois, doit, pour survivre et nourrir sa famille, se faire contrebandier, soldat, mineur en styrie, colporteur d'estampes jusqu'aux carpates, jardinier à prague, gardien de chevaux en hongrie.
Mais pour ce solitaire anarchisant, le monde finit avec la première guerre mondiale, quand le plateau se transforme en un champ de bataille oú il erre obstinément en compagnie de ses moutons. c'est avec eux qu'il repassera la frontière, prisonnier civil sur ces terres oú il fut libre. il mourra au pied du plateau. les romans de mario rigoni stern (1921-2008) sont devenus en italie comme en france des classiques.
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«?L'accouplement est un cérémonial - s'il ne l'est pas c'est un travail de chien.?».
Au début des années soixante, un jeune homme est nommé instituteur dans un village du Périgord, le pays des grottes préhistoriques, entre Les Eyzies et Montignac.
Dense, tendu, plein de fulgurances et d'emportements le roman fait de cette terre l'espace à vif d'une quête amoureuse. Yvonne, la belle buraliste, porte en elle la brûlure du désir, tout le mystère de la différence des sexes - l'origine du monde. -
Ce récit historique qui se déroule au XVIe siècle est consacré aux rencontres, en diverses occasions, entre le peintre Léonard de Vinci et Nicolas Machiavel, dans un contexte marqué par les guerres d'Italie.
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J'ai longtemps hésité avant de la décrire. Cette image, en effet, n'avait - à première vue - rien d'exceptionnel : elle représentait une île de petite taille, posée sur l'eau, un peu au large d'un rivage, une photo comme il en existe des milliers dans les boutiques des stations balnéaires. Les îles font rêver. Les rêves se vendent bien. Celle-ci était presque entièrement couverte de végétation : des arbres au feuillage épais, d'une hauteur respectable, sous lesquels se devinaient deux ou trois maisons. Nous étions aussi loin des Maldives que des Cyclades ou du Dodécanèse. S'en dégageait plutôt la douceur d'un jardin, sa quiétude. L' île parfaite.
Sensible aux destins brisés, Béatrice Commengé désirait depuis longtemps découvrir l'Insula Ovidiu, l'île d'Ovide, au large de Tomis (aujourd'hui Constanta), ce port lointain de la mer Noire où l'auteur de L'Art d'Aimer fut relégué par Auguste à l'aube du premier millénaire. Au moment où elle s'apprête à entreprendre le voyage, au seuil de l'année 2020, en mars plus précisément, le monde s'arrête soudain pour un temps indéterminé... -
Les Récits de Varlam Chalamov, réunis pour la première fois en français, retracent l'expérience de Varlam Chalamov dans les camps du Goulag où se sont écoulées dix-sept années de sa vie.
Fragments qui doivent se lire comme les chapitres d'une oeuvre unique, un tableau de la Kolyma, ces récits dessinent une construction complexe, qui s'élabore à travers six recueils. Chaque texte s'ouvre sur une scène du camp. Il n'y a jamais de préambule, jamais d'explication. Le lecteur pénètre de plain-pied dans cet univers. Les premiers recueils, écrits peu après la libération, portent en eux toute la charge du vécu. À mesure que le narrateur s'éloigne de l'expérience, le travail de la mémoire se porte aussi sur la possibilité ou l'impossibilité de raconter le camp. Certains thèmes sont alors repris et transformés. La circulation des mêmes motifs entre différents récits, différentes périodes, constitue à elle seule un élément capital pour le décryptage de la réalité du camp ; on y retrouve la grande préoccupation de Chalamov : comment traduire dans la langue des hommes libres une expérience vécue dans une langue de détenu, de « crevard », composée de vingt vocables à peine ?
Les récits s'agencent selon une esthétique moderne, celle du fragment, tout en remontant aux sources archaïques du texte, au mythe primitif de la mort provisoire, du séjour au tombeau et de la renaissance. On y apprend que le texte est avant tout matière : il est corps, pain, sépulture. C'est un texte agissant. À l'inverse, la matière du camp, les objets, la nature, le corps des détenus, sont en eux-mêmes un texte, car le réel s'inscrit en eux. Le camp aura servi à l'écrivain de laboratoire pour capter la langue des choses.
Le camp, dit Chalamov, est une école négative de la vie. Aucun homme ne devrait voir ce qui s'y passe, ni même le savoir. Il s'agit en fait d'une connaissance essentielle, une connaissance de l'être, de l'état ultime de l'homme, mais acquise à un prix trop élevé.
C'est aussi un savoir que l'art, désormais, ne saurait éluder.
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47 % des vertébrés disparus en dix ans : faut qu'on se refasse une cabane, mais avec des idées au lieu de branches de saule, des images à la place de lièvres géants, des histoires à la place des choses.
Olivier Cadiot Il faut faire des cabanes en effet, pas pour tourner le dos aux conditions du monde présent, retrouver des fables d'enfance ou vivre de peu ;
Mais pour braver ce monde, pour l'habiter autrement, pour l'élargir.
Marielle Macé les explore, les traverse, en invente à son tour. Cabanes élevées sur les ZAD, sur les places. Cabanes bâties dans l'écoute renouvelée de la nature, dans l'élargissement résolu du « parlement » des vivants, dans l'imagination d'autres façons de dire « nous ». Cabanes de pensées et de phrases, qui ne sauraient réparer la violence faite aux vies, mais qui y répliquent en réclamant très matériellement un autre monde, qu'elles appellent à elles et que déjà elles prouvent.
Marielle Macé est née en 1973. Ses livres prennent la littérature pour alliée dans la compréhen- sion de la vie commune. Ils font des manières d'être et des façons de faire l'arène même de nos disputes et de nos engagements.
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Un cochon sème la panique dans le centre de Bruxelles. Autour de la place de la Bourse, un Turc de passage est renversé par l'animal. Un vieux monsieur lui tend la main pour l'aider à se relever : « Gouda Mustafa prit la main et se releva. Son père l'avait mis en garde contre l'Europe. » C'est sur cette scène symbolique que débute le roman de Robert Menasse, 480 pages haletantes et débordant d'imagination qui nous emmènent dans le monde ubuesque de « l'Europe ».
L'agression du cochon fou n'est pas la seule péripétie du début de ce livre : dans le même quartier, un homme est tué d'une balle de revolver. Qui est-il, pourquoi a-t-il été tué ?
La question sous-tendra le récit jusqu'à sa fin, sans qu'on y apporte de véritables réponses.
Le coup de feu a été entendu par un voisin, le Dr Martin Susman, qui travaille à la Commis- sion européenne et sera l'un des personnages principaux d'une autre branche du récit. Ainsi commence à tourner un incroyable manège sur lequel Menasse dispose ses personnages avec une inventivité sans borne et une joie créative aussi sardonique que communicative.
Dans cette atmosphère tantôt spectrale, tantôt burlesque, mais toujours d'une drôlerie aussi fine qu'irrésistible, Menasse s'amuse alors à entremêler la trame de ses récits et à provoquer des croisements entre tous ses personnages.
Bruxelles est la scène de son théâtre, il y déroule son récit comme un metteur en scène de talent :
Le rythme est précis, l'humour sec et omnipré- sent, le fond pensé et solidement charpenté.
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« De lui, il me reste seulement le stylo. Je l'ai pris un jour dans le sac de ma mère où elle le gardait avec d'autres souvenirs de mon père. Un stylo comme l'on n'en fait plus, et qu'il fallait remplir avec de l'encre. Je m'en suis servie pendant toute ma scolarité. Il m'a «lâchée» avant que je puisse me décider à l'abandonner. Je le possède toujours, rafistolé avec du scotch, il est devant mes yeux sur ma table de travail et il me contraint à écrire, écrire. »
La philosophe Sarah Kofman est une enfant de sept ans lorsque a lieu la rafle du Vél' d'Hiv'. Le 16 juillet 1942, la police se présente au domicile familial et arrête son père, rabbin d'une petite synagogue du 18e arrondissement de Paris - il ne reviendra jamais.
Commence alors cette période où la famille doit se cacher, se séparer. Pour la fillette, qui vivait tout dans la découverte permanente, c'est comme une épopée, dont l'envers est un déchirement : entre le domicile familial et le lieu de refuge, entre sa mère et la « dame de la rue Labat » - entre deux langues, deux mondes que sépare à peine une rue, un abîme pourtant.
Paru en 1994, ce souvenir d'enfance témoigne de ce que fut la vie des Juifs sous la collaboration, l'Occupation, la guerre. Sarah Kofman en retrace aussi leur traversée comme un récit d'éducation et de rencontres, avec une simplicité et une concision remarquables. Cette nouvelle édition, annotée, est enrichie d'un inédit et des courts textes qu'elle avait le projet, inabouti, de réunir sous le titre : Autobiogravures.
Ce volume est le premier d'une réédition de l'oeuvre de Sarah Kofman par les éditions Verdier, sous la direction d'Isabelle Ullern. -
Voyager vers Trieste, Esna, Kastellorizo, Sismaringen, voyager vers des noms magnifiques, vers des écrivains dont les mots se confondent avec les lieux, comme le bleu des yeux de Joyce se confond avec la la lumière bleue de Trieste.
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De l'analyse approfondie de cas spécifiques, très variés, émerge ici une nouvelle perspective pour la microhistoire, dont Carlo Ginzburg est l'un des fondateurs.
Au centre de ces études se trouvent des personnages célèbres, comme Montaigne ou Italo Calvino, ou méconnus, comme Jean-Pierre Purry ou M. de La Créquinière, des textes ou des images... mais un élément récurrent : la réflexion sur la méthode historique, sur les liens entre études de cas et éléments du hasard, souvent délibérément produit.
Le lecteur de ce nouvel ouvrage de Carlo Ginzburg découvrira les résultats probants, la plupart du temps imprévisibles, d'une recherche fidèle au principe d'Aby Warburg : « Le livre dont vous avez besoin se trouve juste à côté de celui que vous cherchez. » -
Deux alpinistes autrichiens tentent l'ascension du mont Blanc. Rattrapée par la tempête, gagnée d'incertitudes, la cordée se sépare. L'un d'eux entreprend alors une longue et pitoyable descente par les glaciers de la face nord. Durant ce temps dans la vallée, aisément installés à l'hôtel, des touristes ont braqué la grande lunette télescopique sur le spectacle de cet homme éperdu?; ils vont suivre son lamentable cheminement le long des pentes piégeuses, certains allant jusqu'à parier sur son sort... vu d'un cercle.
Pour cruel qu'il soit, ce récit joue de tendresse et d'humour, comme les douze autres qui composent ce recueil, pudiques, d'une délicate âpreté. L'affection singulière de Michel Jullien pour chaque personnage, chaque vie, sa généreuse observation des gestes qui disent au plus près les caractères, son comique de velours, nous révèlent des destins aussi modestes qu'émouvants. -
Issu d'une série de conférences que Dewey donna en 1931 à Harvard, L'art comme expérience propose une vision de l'art adaptée aux sociétés démocratiques et débarrassée des mythes qui en obscurcissent la signification et les potentialités. Ce livre, qui s'attaque aux présupposés majeurs auxquels nos conceptions restent encore largement subordonnées, est à la source de préoccupations et d'orientations dont l'art américain s'est amplement nourri depuis plus d'un demi-siècle. L'intérêt tardif qu'il a commencé à susciter dans le contexte français exigeait qu'une traduction en fût enfin proposée. Il répond à une double attente, celle des philosophes qui s'intéressent à l'art vivant et celles des artistes ou des critiques qui s'attachent à ressaisir leur pratique à la lumière des actions et des formes d'expérience qui en sont réellement constitutives.
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Le jour vient après la nuit, c'est notre point de départ.
Ce jour est celui de la « veille », qui alors ne désigne plus l'hier, mais l'attention, la responsabilité, le soin.
Jour qui procède de la nuit, la veille est demain. Ce qu'elle désigne et réclame dépend de ce qui se joue dans cette nuit. Rêve ou cauchemar, il nous faut le définir.
Ce texte propose pour cela quatre approches de la nuit, qui sont soeurs et qui se nouent : la nuit comme phosphorescence, la nuit comme accueil, la nuit comme intelligence, la nuit comme déluge. -
Alors que des négociations sont en cours sur l'élargissement de l'Union européenne à l'Albanie, Karl Auer, haut fonctionnaire autrichien en poste à Bruxelles, se rend à Tirana où il tombe amoureux de Baia Muniq, brillante juriste albanaise chargée des pourparlers avec la Commission européenne. Au même moment, autour du Premier ministre albanais, on travaille à améliorer l'image du pays dans l'opinion ; il faut rappeler aux Européens que le héros national albanais, Skanderbeg, n'était pas musulman mais chrétien, et fut au quinzième siècle le défenseur de la chrétienté. Son casque légendaire est conservé au Musée d'histoire de l'art de Vienne. Les Albanais n'auront qu'à réclamer solennellement la restitution de ce symbole pour que leur pays apparaisse enfin sous un jour différent. Mais voici qu'à Vienne, soudain, le casque de Skanderbeg disparaît...
Tel est le point de départ de ce roman riche en péripéties où fiction et actualité politique s'entrelacent de façon jubilatoire jusqu'à une fin ironique et imprévisible quand survient l'épidémie de Covid-19.
Après La Capitale, paru en France en 2019, L'Élargissement est le deuxième roman que l'auteur, né à Vienne en 1954, consacre à l'Europe. En cours de traduction dans une vingtaine de langues, il confirme que Robert Menasse, héritier des Lumières, est l'un des plus grands romanciers d'aujourd'hui. -
Dans une série de scènes érotiques où la joie le dispute à l'énormité des situations et des propos tenus, Anne Serre se livre à un jeu de débordements qui, loin de déconcerter le lecteur, lui offrent un véritable enchantement. Dans une scène originelle, « la table au disque luisant » fonctionne comme objet érotique mais aussi comme objet de divination, objet fascinant chargé de messages que la narratrice sera plus tard amenée à décrypter lorsqu'elle aura quitté l'enfance. Elle rencontre aussi sur son chemin nombre de personnages qui seront pour elle autant de signes qui participeront secrètement à la construction de soi. Au terme d'une errance à la fois dramatique et confiante, elle pourra enfin énoncer la formule magique du conte de Grimm : Petite table, sois mise !
Deux contes brefs - Le-Mat et Le Narrateur - prolongent le charme et la résonance énigmatique de ce premier texte.
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Bashõ est l'une des figures majeures de la poésie classique japonaise.
Par la force de son oeuvre, il a imposé dans sa forme l'art du haiku, mais il en a surtout défini la manière, l'esprit : légèreté, recherche de la simplicité et du détachement vont de pair avec une extrême attention à la nature. le haiku naît donc au bord du vide, de cette intuition soudaine, qui illumine le poème, c'est l'instant révélé dans sa pureté.
La vie de ce fils de samouraï, né près de kyoto en 1644, fut exclusivement vouée à la poésie.
Agé de treize ans, il apprend auprès d'un maître du haikai les premiers rudiments de ce genre. plus tard, après avoir lui-même fondé une école et connu le succès à edo (l'actuelle tokyo), il renonce à la vie mondaine, prend l'habit de moine, et s'installe dans son premier ermitage. devant sa retraite, il plante un bananier, un bashõ, offert par l'un de ses disciples - ce qui lui vaudra son pseudonyme.
Sa vie est dès lors faite de pauvreté, d'amitiés littéraires et de voyages. osaka sera le dernier. après avoir dicté un ultime haiku à ses disciples éplorés, il cesse de s'alimenter, brûle de l'encens, dicte son testament, demande à ses élèves d'écrire des vers pour lui et de le laisser seul. il meurt le 28 novembre 1694. sur sa tombe, on plante un bashõ.
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« Le roi, on le sait, a deux corps : un corps éternel, dynastique, que le texte intronise et sacre, et qu'on appelle arbitrairement Shakespeare, Joyce, Beckett, ou Bruno, Dante, Vico, Joyce, Beckett, mais qui est le même corps immortel vêtu de défroques provisoires ; et il a un autre corps mortel, fonctionnel, relatif, la défroque, qui va à la charogne, qui s'appelle et s'appelle seulement Dante et porte un petit bonnet sur un nez camus, seulement Joyce et alors il a des bagues et l'oeil myope, ahuri, seulement Shakespeare et c'est un bon gros rentier à fraise élisabéthaine. »
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Quelques décennies après la catastrophe de Fukushima, Yoshirô, un écrivain plus que centenaire, élève seul Mumei, son arrière-petit-fils, encore à l'école primaire. Comme tous les enfants de sa génération, dont les parents et grands-parents ont été irradiés, Mumei subit de curieuses mutations génétiques qui le condamnent à mourir vers l'âge de quinze ans.
Dans un Japon liberticide des années 2050, où une loi interdit l'usage des mots venus de l'étranger - les gairaigo -, le vieil homme et l'enfant doivent faire preuve de virtuosité et de fantaisie pour inventer de nouveaux mots, ou rajeunir les anciens. Se dessine alors en creux une réflexion sur l'étrangeté de leur langue maternelle, et sur la porosité entre les langues.
Non sans rappeler Le Meilleur des mondes, ou 1984, ce roman décrit, à sa façon singulière, les conséquences des dysfonctionnements du monde dans lequel nous vivons. -
La vie n'est pas un roman, plutôt une somme discontinue d'éveils. Laurent Jenny cherche à ressaisir ces « épiphanies », brèves et incertaines, rebelles à la cohérence des jours : scènes dans le Paris de l'enfance, visages croisés, visions hallucinées, dépaysements, génies des lieux qui se révèlent soudain, bonheurs sensibles, deuils, vertiges amoureux...
Ces instants laissent des traces de ce qui pourtant semble n'avoir jamais existé comme tel, des éblouissements dont les phrases de Laurent Jenny dessinent le chemin, entre clarté des mots et incertitude du vécu. -
Une certaine tendance du cinéma documentaire
Jean-louis Comolli
- Verdier
- La Petite Jaune
- 4 February 2021
- 9782378560911
Le cinéma documentaire se voulait le fruit d'un artisanat furieux, à l'écart du marché. De cette liberté des formes, les télévisions, principaux financeurs, ne veulent plus. Elles imposent des normes (commentaires redondants et montages accélérés) qui stérilisent les films diffusés et ceux qui aspirent à l'être. Une certaine tendance au conformisme s'impose. Il faudrait à la fois se conformer et donner le change en passant pour « neuf ».
Dans les années quatre-vingt, j'ai renoncé au cinéma « de fiction » et lui ai préféré le documentaire pour sa liberté. C'est en documentaire que la parole filmée prend force et beauté, que les corps filmés, quels qu'ils soient, acquièrent une dignité - celle dont les serviteurs du marché se moquent.
J.-L. C.
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Les années 2017-2022 se résument à deux événements : les Gilets jaunes et la pandémie. Aucun rapport entre eux, mais à chaque fois, deux mêmes questions furent soulevées : celle des pouvoirs et celle des droits.
La démocratie et la république héritées reposent sur une exacte coïncidence : pas de pouvoir sans droit, pas de droit qui ne s'accomplisse en pouvoir. À l'opposé, les Gilets jaunes et les anti-passe revendiquent des pouvoirs sans droit, c'est-à-dire une souveraineté.
Jusque-là, on n'en reconnaissait qu'une : la souveraineté du peuple. Les Gilets jaunes et les anti-passe souhaitent la remplacer par la souveraineté des réseaux sociaux. Ce faisant, ils se sont mis au service de ceux qui détestent le peuple. De ce dernier, les ronds-points, défilés et pancartes ne disent plus rien, sinon la destitution.