Les dispositifs où se jouent désormais nos existences - du téléphone portable à la télévision, de l'ordinateur à l'automobile - ne se trouvent pas face à l'homme comme de simples objets de consommation. Ils transforment nos personnalités. La question devient alors : quelle stratégie devons-nous adopter dans le corps à corps quotidien qui nous lie aux dispositifs oe
" Profaner c'est restituer à l'usage commun ce qui a été séparé dans la sphère du sacré ". Cette définition offre au lecteur le fil d'Ariane qui lui permettra de s'orienter à travers les neuf petites proses théoriques dans lesquelles Giorgio Agamben a recueilli les motifs les plus urgents et les plus actuels de sa pensée en une sorte de dernier compendium. Avec un bonheur retrouvé son écriture se meut entre littérature et philosophie.
Cet ouvrage de giorgio agamben a une première qualité rare et évidente : son élégance.
Ses quatre parties rassemblent chacune, en autant de " stanze " en prose, des essais discontinus, intitulés melencolia i ou narcisse et pygmalion, ou å'dipe et le sphinx, qui parlent aussi bien à l'intellect qu'à l'imagination, et que relie un réseau problématique parfaitement cohérent. le style de l'auteur a cette densité gnomique de la prose atticiste, chère aux " sénéquistes " du xviie siècle, qui entre en consonance harmonieuse avec l'oratio stricta des poètes et des philosophes évoqués ou étudiés dans ce livre : dante et les troubadours, baudelaire et nietzsche, mallarmé et lacan.
Mais cette densité n'est jamais obscure : ou du moins, son obscurité n'est que le prix de l'éclaircissement, de la percée à la fois érudite et philosophique. le bonheur d'expression littéraire est ici la récompense du bonheur de la pensée.
Journaliste, chansonnier, romancier, poète, Kurt Tucholsky (1890-1935) quitta Berlin en avril 1924 et s'installa dans la capitale française où il travailla jusqu'en 1928 en qualité de correspondant pour la Weltbiihne, une des plus importantes revues de la république de Weimar.
De cette collaboration et de cette union avec notre pays vont naître plus d'une centaine de chroniques sur Paris et la France. Pacifiste convaincu, Tucholsky prêche sans relâche le rapprochement franco-allemand et s'efforce de mettre fin aux préjugés de ses compatriotes sur l'" ennemi héréditaire ", la France, et surtout sa capitale, tenue pour l'antre des grisettes et des décadents. tin Allemand qui prend fait et cause pour les Français et par la même occasion critique sa patrie, voilà une perle rare, digne d'un Heine ! L'exercice est délicat, et culmine audacieusement dans " Merci, France ", à la fois cri de grâce et d'adieu.
"C'est bien un livre d'or, comme le disait Casaubon. Il suffit d'y pénétrer pour s'en convaincre. C'est le seul livre de rhétorique qui bouleverse d'émotion. Mais est-ce bien de la rhétorique ? Le projet est plus stimulant. La question générale est posée d'entrée. Il s'agit de savoir jusqu'à quel degré l'on peut pousser nos donnés naturels. Le problème de fond est celui du rapport de la technique à l'art. C'est l'essence du sublime, conçu comme un élan réalisé dans des oeuvres, qui intéresse l'auteur. Posant le problème de la création d'un point de vue lui-même sublime, il rencontre évidemment la question de la frontière, du passage entre l'inné et l'acquis, entre le don et la technique. Longin pense que tout n'est pas désespéré, que la frontière n'est pas étanche, et que l'on peut éduquer au sublime. Il faut essayer de se donner des critères de la grandeur." Jackie Pigeaud
"Quand le siècle porta la main sur soi, il fut cette main", a dit Brecht. Il n'est guère d'affirmation qui tienne à côté de cette constatation, celle qui tient le moins est cette amicale déclaration d'Adolf Loos "Kraus se tient au seuil d'une ère nouvelle." Absolument pas ! Il se tient au seuil du Jugement dernier. De même que les saints écrasés contre le cadre des somptueux tableaux baroques décorant les autels tendent leurs mains en un geste de défense contre le vertigineux raccourci que la perspective impose aux membres des anges, des bienheureux et des damnés planant devant eux, de même Kraus voit-il dans un élément d'une seule nouvelle locale, d'une seule phrase, d'une seule annonce, toute l'histoire universelle fondant sur lui." (Walter Benjamin)
La plupart des essais regroupés ici paraissent en français pour la première fois ; ils fournissent un aperçu non seulement sur les livres que possédait walter benjamin, mais sur le type même du collectionneur, ce " mystérieux genre de l'homme qui peut dire : je crois à mon âme, la chose ".
Les curiosités que walter benjamin déballe sous nos yeux - livres pour enfants, abécédaires, rébus, témoignages rédigés par des malades mentaux - attestent toutes un refus de dissocier le texte de l'iconographie, ou plus généralement de la matérialité du livre. les deux essais de 1931 - " je déballe ma bibliothèque " et " pour collectionneurs pauvres " - constituent un début de recherche théorique sur l'acte de collectionner.
Enfin, une liste de lectures - catalogue fragmentaire dressé par benjamin lui-même - introduit au parcours de ce penseur aussi inclassable qu'inépuisable.
La supériorité d'auden au regard de ses contemporains est visible dans sa maîtrise technique, dans sa culture et dans sa capacité à pénétrer le fond de la condition humaine.
Mais elle est surtout évidente dans l'énorme générosité de son esprit et dans l'intelligence avec laquelle il vient à la rencontre du lecteur. même dans ses moments les plus sombres, auden vous illumine et vous réchauffe le coeur. lisez auden dans l'original. c'est une suggestion raisonnable, peu de choses sont aussi raisonnables, parce que en vérité les poésies d'auden rendent cette vie plus acceptable.
Le don de créer un tel effet est rare dans notre monde, et il convient d'en tirer profit. (joseph brodsky) " maintenant, avec la triste sagesse qu'apporte le souvenir, je perçois auden comme un spécialiste des figures infinies de l'amour non partagé. " (hannah arendt).
Jusqu'au dernier moment, nous nous jouons la comédie, observe heine à la fin de son livre.
" nous masquons même notre misère et lorsque nous mourons d'une blessure à la poitrine, nous nous plaignons d'un mal de dents. " l'écriture de ce livre constitue du reste un témoignage de cet art de jouer la comédie avec soi-même et avec sa douleur, art dans lequel heine était maître. idées, le livre de le grand est un jeu, entre dérision et nostalgie, avec l'amour et avec la mélancolie, avec la respectabilité sociale précaire et avec la pose du libertin qui affecte de s'en moquer, avec les maux de son propre coeur et avec ceux de l'allemagne et de l'europe, de l'histoire et de la société modernes.