Soutiens-gorge rembourrés pour fillettes, obsession de la minceur, banalisation de la chirurgie esthétique, prescription insistante du port de la jupe comme symbole de libération : la " tyrannie du look " affirme aujourd'hui son emprise pour imposer la féminité la plus stéréotypée. Décortiquant presse féminine, discours publicitaires, blogs, séries télévisées, témoignages de mannequins et enquêtes sociologiques, Mona Chollet montre dans ce livre comment les industries du " complexe mode-beauté " travaillent à maintenir, sur un mode insidieux et séduisant, la logique sexiste au coeur de la sphère culturelle.
Sous le prétendu culte de la beauté prospère une haine de soi et de son corps, entretenue par le matraquage de normes inatteignables. Un processus d'autodévalorisation qui alimente une anxiété constante au sujet du physique en même temps qu'il condamne les femmes à ne pas savoir exister autrement que par la séduction, les enfermant dans un état de subordination permanente. En ce sens, la question du corps pourrait bien constituer la clé d'une avancée des droits des femmes sur tous les autres plans, de la lutte contre les violences à celle contre les inégalités au travail.
« La génération actuelle de révolutionnaires du management considère l'éthos artisanal comme un obstacle à éliminer. On lui préfère de loin l'exemple du consultant en gestion, vibrionnant d'une tâche à l'autre et fier de ne posséder aucune expertise spécifique. Tout comme le consommateur idéal, le consultant en gestion projette une image de liberté triomphante au regard de laquelle les métiers manuels passent volontiers pour misérables et étriqués. Imaginez à côté le plombier accroupi sous l'évier, la raie des fesses à l'air. » Matthew B. Crawford était un brillant universitaire, bien payé pour travailler dans un think tank à Washington. Au bout de quelques mois, déprimé, il démissionne pour ouvrir. un atelier de réparation de motos. À partir du récit de son étonnante reconversion, il livre dans cet ouvrage intelligent et drôle une réflexion particulièrement fine sur le sens et la valeur du travail dans les sociétés occidentales.
Mêlant anecdotes, récit, et réflexions philosophiques et sociologiques, il montre que ce « travail intellectuel », dont on nous rebat les oreilles, se révèle pauvre et déresponsabilisant. À l'inverse, il restitue l'expérience de ceux qui, comme lui, s'emploient à fabriquer ou réparer des objets - dans un monde où l'on ne sait plus qu'acheter, jeter et remplacer. Le travail manuel peut même se révéler beaucoup plus captivant d'un point de vue intellectuel que tous les nouveaux emplois de l'« économie du savoir ».
Publié en 1961, à une époque où la violence coloniale se déchaîne avec la guerre d'Algérie, saisi à de nombreuses reprises lors de sa parution aux Éditions François Maspero, le livre Les Damnés de la terre, préfacé par Jean-Paul Sartre, a connu un destin exceptionnel. Il a servi - et sert encore aujourd'hui - d'inspiration et de référence à des générations de militants anticolonialistes. Son analyse du traumatisme du colonisé dans le cadre du système colonial et son projet utopique d'un tiers monde révolutionnaire porteur d'un « homme neuf » restent un grand classique du tiers-mondisme, l'oeuvre capitale et le testament politique de Frantz Fanon.
Dans cette édition, la préface d'Alice Cherki, psychiatre et psychanalyste, auteur du Portrait de Frantz Fanon (Le Seuil, 2000), et la postface de Mohammed Harbi, combattant de la première heure pour la libération de son pays et historien de l'Algérie contemporaine, auteur de Une vie debout. Mémoires politiques 1945-1962 (La Découverte, 2001), restituent l'importance de la pensée de Frantz Fanon.
Les textes politiques de Frantz Fanon réunis dans ce volume couvrent la période la plus active de sa vie, de la publication de Peau noire, Masques blancs en 1952 - il avait alors vingt-huit ans - à celle des Damnés de la terre en 1961, qui devait coïncider, à quelques jours près, avec la date de sa mort. Retraçant le fil d'une réflexion en constante évolution sur le phénomène colonial, vécu de l'intérieur, ces textes dénoncent à la fois le colonialisme et les pièges de la décolonisation - la « grande erreur blanche » et le « grand mirage noir ».
Explorant tour à tour la situation du colonisé, dont il peut rendre compte scientifiquement par son expérience médicale quotidienne, l'attitude des intellectuels de gauche face à la guerre d'Algérie, les perspectives de conjonction de la lutte de tous les colonisés et les conditions d'une alliance de l'ensemble du continent africain, Frantz Fanon gardait la certitude de la prochaine libération totale de l'Afrique. Son analyse et la clarté de sa vision nous donnent aujourd'hui les clés nécessaires pour comprendre la réalité africaine actuelle.
Devenu un classique depuis sa première édition dans la « Petite collection Maspero » en 1970, ce livre propose un choix raisonné de textes politiques et théoriques des grands noms de l'anarchisme. En les replaçant en perspective, Daniel Guérin a retracé l'aventure d'un mouvement politique et intellectuel dont la force de contestation n'a jamais faibli depuis sa naissance au XIXe siècle. Il offre un panorama complet, sur deux siècles, de la pensée anarchiste, en restitue la richesse, fait revivre les controverses qui l'animent. Daniel Guérin entend ainsi combattre le discrédit dont fut victime l'anarchisme, souvent réduit par ses détracteurs à une idéologie individualiste « réfractaire à toute forme d'organisation ».
La première partie de cette anthologie présente le travail théorique des anarchistes du XIXe siècle à travers des textes de Stirner, Proudhon, Bakounine, Guillaume et Kropotkine. La seconde, plus historique, dresse le portrait des grandes figures du mouvement à la fin du XIXe siècle et au XXe siècle : Malatesta, Henry, Pelloutier, Voline, Makhno, Durruti. Elle met en lumière le rôle intellectuel et politique des anarchistes pendant la révolution russe et la guerre d'Espagne.
Malcolm X demeure l'un des plus célèbres militants noirs américains. Devenu l'un des chefs de file du mouvement des Black Muslims, il quitta celui-ci en 1964 pour créer une organisation non religieuse qu'il voulait plus politiquement engagée encore, l'Organisation de l'unité afro-américaine (OUA). Il avait découvert l'importance qu'il y avait à relier le mouvement noir américain à ceux qui ailleurs combattaient la même forme de racisme et d'oppression. À partir de cette période, les prises de position de Malcolm X, ses analyses et ses réflexions, peuvent évoluer très rapidement : ainsi en est-il de ses idées de former une nation noire séparée ou d'organiser le retour en Afrique.
En avril 1964, il débute ses grandes tournées en Afrique et au Moyen-Orient dans le but de préparer l'unité des Noirs et d'internationaliser leur lutte pour la liberté. Ce recueil retrace l'itinéraire politique de Malcolm X à partir de sa rupture d'avec les Black Muslims. Il éclaire l'évolution d'un homme profondément sensible, marqué par l'amère condition des siens, mais décidé à en finir - par tous les moyens - avec la ségrégation, la misère et le racisme.
Aux États-Unis, la recherche militaire s'intéresse de près à un oiseau migrateur, le bruant à gorge blanche. Sa particularité : pouvoir voler plusieurs jours d'affilée sans dormir. Les scientifiques qui l'étudient rêvent de façonner, demain, des soldats insomniaques, mais aussi, après-demain, des travailleurs et des consommateurs sans sommeil.
« Open 24/7 » - 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 -, tel est le mot d'ordre du capitalisme contemporain. C'est l'idéal d'une vie sans pause, active à toute heure du jour et de la nuit, dans une sorte d'état d'insomnie globale. Si personne ne peut réellement travailler, consommer, jouer, bloguer ou chater en continu 24 heures sur 24, aucun moment de la vie n'est plus désormais exempt de telles sollicitations. Cet état continuel de frénésie connectée érode la trame de la vie quotidienne et, avec elle, les conditions de l'action politique.
Dans cet essai brillant et accessible, Jonathan Crary combine références philosophiques, analyses de films ou d'oeuvres d'art, pour faire un éloge paradoxal du sommeil et du rêve, subversifs dans leurs capacités d'arrachement à un présent englué dans des routines accélérées.
En 1976, la première édition de ce livre fit grand bruit : le géographe Yves Lacoste y fustigeait la « géographie des professeurs », apparue au XIXe siècle en Allemagne et en France et progressivement devenue un discours idéologique masquant l'importance stratégique et politique de toute réflexion sur l'espace. Mais surtout, Yves Lacoste montrait qu'existait aussi une autre géographie, plus ancienne et toujours actuelle, la « géographie des états-majors », ensemble de représentations cartographiques et de connaissances rapportées à l'espace constituant un savoir stratégique utilisé par les minorités dirigeantes.
La décolonisation africaine n'aura-t-elle été qu'un accident bruyant, un craquement à la surface, le signe d'un futur appelé à se fourvoyer ? Dans cet essai critique, Achille Mbembe montre que, au-delà des crises et de la destruction qui ont souvent frappé le continent depuis les indépendances, de nouvelles sociétés sont en train de naître, réalisant leur synthèse sur le mode du réassemblage, de la redistribution des différences entre soi et les autres et de la circulation des hommes et des cultures. Cet univers créole, dont la trame complexe et mobile glisse sans cesse d'une forme à une autre, constitue le soubassement d'une modernité que l'auteur qualifie d'« afropolitaine ».
Certaines époques ont montré qu'elles croyaient fortement à la puissance de la pensée critique. Notre époque, au contraire, a tenu ses penseurs, non sans raison, pour des gens totalement inoffensifs. Parmi les rares personnes considérées comme tout à fait inacceptables, on trouve assurément Guy Debord. Pendant longtemps, c'est la police qui s'est intéressée à lui, plutôt que les milieux intellectuels. Lorsque, malgré toutes sortes d'obstacles, sa pensée a fini par s'imposer, on a bien vite assisté à une autre forme d'occultation : la banalisation. Il existe peu d'auteurs contemporains dont les idées ont été utilisées de façon aussi déformée, et généralement sans même que l'on cite son nom.
Ce livre résume l'activité publique de Guy Debord, du lettrisme à la fondation de l'Internationale situationniste, des rencontres avec Henri Lefebvre et Socialisme ou Barbarie à Mai-68, de La Société du spectacleà ses films. Surtout, il veut préciser la place de Debord dans la pensée moderne : sa reprise des concepts marxiens les plus essentiels et les plus oubliés, son utilisation de Lukács, son importance pour une théorie critique aujourd'hui. Cet ouvrage prend au sérieux Debord lorsqu'il affirme avoir « écrit sciemment pour nuire à la société spectaculaire ».
De 1954 à 1962, quelque deux millions de Français ont fait la guerre aux Algériens. Quarante ans après, cette « guerre sans nom » reste une page blanche de l'histoire nationale. Et le refoulement de sa mémoire continue à ronger comme une gangrène les fondements même de la société française. De l'autre côté de la Méditerranée, un refoulement symétrique mine la société algérienne : la négation par l'histoire officielle de pans entiers de la guerre de libération n'est pas pour rien dans la guerre civile qui déchire le pays depuis 1992. Pour comprendre les causes de cette double occultation, Benjamin Stora tente dans cet essai d'éclairer les mécanismes de fabrication de l'oubli, en France comme en Algérie. Il démontre comment ceux-ci se sont mis en place dès la guerre elle-même : du côté français, c'est la négation de l'existence même de la guerre, le refus obstiné de reconnaître la réalité de la torture et des exécutions sommaires ; du côté algérien, c'est la violence de la guerre civile secrète qui opposa le FLN et le MNA, où le massacre en masse des harkis à l'été 1962, perpétré par les ralliés de la vingt-cinquième heure. L'auteur montre également comment les mensonges de la période 1954-1962 seront à leur tour, dans les décennies suivantes, enfouis dans les mémoires par les amnisties ou les non-dits d'une histoire éclatée, telle qu'elle ressort des livres ou des films consacrés à la guerre.
De Star Wars à Lady Gaga, de Superman à Matrix, tubes, blockbusters et best-sellers forment aujourd'hui les facettes d'une culture de masse omniprésente. Un philosophe analyse le phénomène : qu'est-ce que la « pop culture » ? Et que change-t-elle pour nous, son public ? Avant d'être la sensibilité de la jeunesse des années 1960 ou un genre musical qui mêle tous les sons de la table de mixage, la pop est d'abord une stratégie, un calcul industriel alimenté par une seule obsession : savoir ce que veulent les masses.
La pop culture est un ogre qui ingère tout ce qu'il trouve. Mais cette logique de réappropriation l'ouvre paradoxalement aux déclassés, aux freaks et aux minorités en tout genre. Ce qui s'y joue est d'abord l'invention de nouvelles identités, de nouvelles communautés.
Richard Mèmeteau analyse chansons, films, comics, romans et séries pour répondre à des questions essentielles comme : pourquoi les bluesmen demandent-ils au diable de savoir mieux jouer de la guitare ? Que doivent les blockbusters hollywoodiens aux travaux d'un universitaire spécialiste de mythologie comparée ? Et si Yoda est si malin, pourquoi laisse-t-il Luke Skywalker faire tout le boulot ?
Marx est de retour. En ces temps de crise fracassante du capitalisme, on le redécouvre. Ce petit ouvrage, accessible et ludique, apporte les réponses : cosigné par un dessinateur et un spécialiste de la question, il associe bande dessinée et philosophie, humour et esprit de synthèse pour présenter la pensée du père fondateur de l'anticapitalisme, dans toute son actualité.
En dix chapitres, les auteurs proposent un panorama clair, concis et souvent drôle de la vie, de l'oeuvre et de la pensée de Marx.
La revue Hérodote avait choisi, en 2012, de présenter diverses situations européennes pour mieux les comprendre. Devant l'actualité et les enjeux de cette question, cette édition de poche reprend, sous la direction de Béatrice Giblin, de nombreux articles tirés de son numéro 144, qui avait eu un très large écho, articles actualisés, voire totalement refondus afin de tenir compte des évolutions de fond importantes, et nouveaux articles inédits. Une synthèse de référence, au coeur de l'actualité.