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LA DECOUVERTE
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Critique de la raison nègre
Achille Mbembe
- La Decouverte
- Cahiers Libres
- 3 October 2013
- 9782707177476
Dans l'ordre de la modernité, le Nègre est le seul de tous les humains dont la chair fut faite marchandise. Mais dans un retournement spectaculaire, ce nom honni est devenu le symbole du désir de vie, une force pleinement engagée dans l'acte de création. En analysant cette étonnante contradiction de l'« expérience nègre », Achille Mbembe répond ici à quelques questions dérangeantes : la relégation de l'Europe au rang d'une simple province du monde signera-t-elle l'extinction du racisme, avec la dissolution de l'un de ses signifiants majeurs, le Nègre ? Ou au contraire, une fois dissoute cette figure historique, deviendrons-nous tous les Nègres du nouveau racisme qui pointe, avec la poussée antimigratoire en Europe et l'assignation raciale de catégories entières de la population ?
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Depuis plusieurs décennies, à gauche comme à droite, la sociologie est régulièrement accusée d'excuser la délinquance, le crime et le terrorisme, ou même de justifier les incivilités et les échecs scolaires. Dans ce livre accessible et vigoureux, Bernard Lahire démonte cette vulgate, ses fantasmes et ses contre-vérités. Un plaidoyer lumineux pour la sociologie et, plus généralement, pour les sciences qui se donnent pour mission d'étudier avec rigueur le monde social.
Depuis plusieurs décennies, la sociologie est régulièrement accusée d'excuser la délinquance, le crime et le terrorisme, ou même de justifier les incivilités et les échecs scolaires. À gauche comme à droite, nombre d'éditorialistes et de responsables politiques s'en prennent à une culture de l'excuse sociologique, voire à un sociologisme qui serait devenu dominant.
Bernard Lahire démonte ici cette vulgate et son lot de fantasmes et de contre-vérités. Il livre un plaidoyer lumineux pour la sociologie et, plus généralement, pour les sciences qui se donnent pour mission d'étudier avec rigueur le monde social. Il rappelle que comprendre les déterminismes sociaux et les formes de domination permet de rompre avec cette vieille philosophie de la responsabilité qui a souvent pour effet de légitimer les vainqueurs de la compétition sociale et de reconduire certains mythes comme celui du self made man, celui de la méritocratie ou celui du génie individuel.
Plus que la morale ou l'éducation civique, les sciences sociales devraient se trouver au coeur de la formation du citoyen, dès le plus jeune âge. En développant la prise de distance à l'égard du monde social, elles pourraient contribuer à former des citoyens qui seraient un peu plus sujets de leurs actions. -
L'autre-mental ; figures de l'anthropologue en écrivain de science-fiction
Pierre Déléage
- La Decouverte
- Cahiers Libres
- 4 June 2020
- 9782348058912
Les anthropologues et les écrivains de science-?ction ne poursuivent-ils pas au fond une même quête, celle de l'altérité radicale ? Certes, tandis que les seconds recourent à la ?ction pour ?gurer le monde vertigineux des aliens peuplant leur esprit, les premiers se recommandent de la science pour décrire des sociétés autres qui, aussi étranges et stupé?antes que nous soient donné à voir leurs moeurs et leurs mentalités, n'en sont pas moins réelles. Cette frontière des genres, il arrive pourtant que certains anthropologues la franchissent : escamotant les modes de pensée des cultures qu'ils se proposent d'étudier, ils y projettent alors leur propre imaginaire métaphysique.
1900-1925 : Lucien Lévy-Bruhl invente une pensée prélogique qu'il attribue aux sociétés dites primitives. 1925-1950 : Benjamin Lee Whorf invente une pensée de l'événement qu'il considère comme immanente à la langue des Hopi. 1950-1975 : Carlos Castaneda invente une pensée psychédélique qu'il prête à un Yaqui imaginaire. 1975-2000 : Eduardo Viveiros de Castro invente une pensée multinaturaliste qu'il prétend dérivée des traditions amérindiennes.
En exposant le brouillage des niveaux de réalité dans lequel excelle un écrivain comme Philip K. Dick pour faire résonner son oeuvre avec les fabulations théoriques de cette école de pensée informelle, Pierre Déléage entreprend une archéologie de la subjectivité spéculative et s'essaie à nouer autrement les relations, toujours con?ictuelles mais toujours productives, entre science et ?ction. -
Après le succès de son Éloge du carburateur, le philosophe-mécanicien M. Crawford s'interroge sur la fragmentation de notre vie mentale, à la merci des exploiteurs de temps de cerveau disponible . Il explore cette crise de l'attention , non sans humour, via l'analyse philosophique et des récits d'expérience vécue. Il s'attaque aux racines culturelles d'une conception abstraite et réductrice de la liberté qui facilite la manipulation et cause la perte de notre rapport au monde.
Après le succès d' Éloge du carburateur, qui mettait en évidence le rôle fondamental du travail manuel, Matthew B. Crawford, philosophe-mécanicien, s'interroge sur la fragmentation de notre vie mentale. Ombres errantes dans la caverne du virtuel, hédonistes abstraits fuyant les aspérités du monde, nous dérivons à la recherche d'un confort désincarné et d'une autonomie infantile qui nous met à la merci des exploiteurs de temps de cerveau disponible .
Décrivant l'évolution des dessins animés ou les innovations terrifiantes de l'industrie du jeu à Las Vegas, Matthew B. Crawford illustre par des exemples frappants l'idée que notre civilisation connaît une véritable crise de l'attention , qu'il explore sous toutes les coutures et avec humour, recourant aussi bien à l'analyse philosophique qu'à des récits d'expérience vécue. Il met ainsi au jour les racines culturelles d'une conception abstraite et réductrice de la liberté qui facilite la manipulation marchande de nos choix et appauvrit notre rapport au monde.
Puisant chez Descartes, Locke, Kant, Heidegger, James ou Merleau?Ponty, il revisite avec subtilité les relations entre l'esprit et la chair, la perception et l'action, et montre que les processus mentaux et la virtuosité des cuisiniers, des joueurs de hockey sur glace, des pilotes de course ou des facteurs d'orgues sont des écoles de sagesse et d'épanouissement. Contre un individualisme sans individus authentiques et une prétendue liberté sans puissance d'agir, il plaide avec brio pour un nouvel engagement avec le réel qui prenne en compte le caractère incarné de notre existence, et nous réconcilie avec le monde. -
Face au monde, ses crises et son devenir, un théâtre s'invente. Il réagit, dénonce, explique, illustre, propose : ce théâtre est politique. À ce titre, il s'inscrit dans une longue histoire, bien souvent déconsidérée : celle d'un théâtre qui prend acte des batailles de son temps. Mais ce théâtre d'aujourd'hui n'est pas homogène, il défend des orientations politiques dissemblables, et fait en particulier de la place accordée au spectateur le lieu d'enjeux différents.
En effet, la politique au théâtre se découvre aussi et de façon décisive dans le rapport que le spectacle entend entretenir avec son spectateur. C'est à travers ce prisme qu'Olivier Neveux propose d'analyser le champ théâtral politique à l'heure du néolibéralisme, offrant là une cartographie originale pour se repérer dans la masse importante des spectacles qui le composent. Comment le théâtre "transgressif" conçoit-il ses spectateurs ? Quelles facultés le théâtre "postdramatique" entend-il solliciter ? Que proposent de produire sur leurs publics les théâtres documentaire ou didactique ? Que nous apprennent ces volontés de brusquer, sensibiliser, éclairer, mobiliser le spectateur ? Dans leur diversité, quelles conceptions de l'émancipation tous ces théâtres soutiennent-ils ? Car c'est bel et bien une interrogation sur la possibilité de l'émancipation et la part que peut y prendre le théâtre qui anime cet ouvrage : celle du spectateur, de l'artiste et de l'oeuvre émancipés.
Réfléchir aux politiques du spectateur signifie alors s'intéresser tout autant aux politiques que le théâtre défend, à celles qu'il applique et aux définitions implicites qu'il propose, par là, de la politique.
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Après le succès et le grand écho rencontrés par Pourquoi désobéir en démocratie ? (2010), les auteurs scrutent l'extension du domaine de la désobéissance en examinant les mouvements de protestation dans les pays développés, les révoltes contre les dictatures, les mobilisations globales et les luttes pour l'autonomie à travers la revendication de « démocratie réelle » qui s'y exprime souvent.
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En janvier 1966, naît à Cuba la Tricontinentale, organisation regroupant les forces « anti-impérialistes » des trois continents : Afrique, Asie et Amérique latine. Pendant un mois, l'hôtel Habana Libre, vraie tour de Babel, devient le quartier général de la révolution mondiale où se croiseront Che Guevara, Salvador Allende, Hô Chi Minh, Ahmed Ben Bella, Mehdi Ben Barka, Amílcar Cabral, Douglas Bravo, Turcios Lima, Régis Debray ou Joséphine Baker... L'Amérique est au coeur des accusations, du fait de la guerre qu'elle mène au Viêt-Nam et de la volonté de la CIA de décapiter les groupes présents au Habana Libre.
Avec comme fil rouge le récit inédit de cette rencontre historique, Roger Faligot retrace ici l'étonnante épopée de la Tricontinentale, qui marqua l'actualité mondiale des années 1960, quand « le fond de l'air était rouge ».
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Tel un trou noir dans l'univers, l'incendie qui ravage le Moyen-Orient, et la France depuis 2015, au nom du djihad menace-t-il d'aspirer les désillusions politiques et les révoltes désespérées de la génération qui vient ? La radicalisation de l'islam est-elle seule à l'origine de ce drame et des actions terroristes qui surviennent dans le monde entier ?
Pour répondre à ces questions, cet essai grave et incisif propose de déplacer et d'élargir les cadres d'explication habituels.
Il n'y a que les martyrs pour être sans pitié ni crainte et, croyez-moi, le jour du triomphe des martyrs, c'est l'incendie universel. Cette sombre prophétie de Jacques Lacan en 1959 décrirait-elle le monde des années 2010 ? Les guerres qui ravagent le Moyen-Orient menacent-elles d'aspirer toutes les désillusions politiques et les révoltes désespérées de la génération qui vient ? La radicalisation de l'islam est-elle à l'origine de ce drame et des actions terroristes dans le monde entier ?
Pour répondre à ces questions, Alain Bertho déplace les cadres d'explication habituels. Il montre que le chaos qui pointe est très loin d'avoir le djihad pour seul moteur : c'est d'abord l'ébranlement de la légitimité des États par la mondialisation, la crise généralisée de la représentation politique, la recherche d'une légitimité sécuritaire par les puissants qui ont fait le lit de la violence du monde. Et qui expliquent pourquoi, depuis les années 2000, se multiplient sur tous les continents des émeutes et des attentats aux motivations multiples, dont l'auteur brosse ici un tableau saisissant.
Quand la fin du monde semble à nombre de jeunes plus crédible que la fin du capitalisme, la révolte tend à prendre les chemins du désespoir et du martyre. La clôture de l'hypothèse révolutionnaire a ainsi ouvert la voie à la rage des enfants perdus du chaos politique et humain de la mondialisation néolibérale. Toutes les polices et les armées du globe ne pèseront guère devant cette fascination de la mort. Seul peut y répondre l'espoir collectif en un autre possible, fondé sur une nouvelle radicalité tournée vers l'avenir. Ses prémisses sont là, partout dans le monde. L'enjeu est de les faire grandir.