« Tant de fois je me suis tenue avec des mourants et avec leurs familles. Tant de fois j'ai pris la parole à des enterrements, puis entendu les hommages de fils et de filles endeuillés, de parents dévastés, de conjoints détruits, d'amis anéantis... »
Etre rabbin, c'est vivre avec la mort : celle des autres, celle des vôtres. Mais c'est surtout transmuer cette mort en leçon de vie pour ceux qui restent : « Savoir raconter ce qui fut mille fois dit, mais donner à celui qui entend l'histoire pour la première fois des clefs inédites pour appréhender la sienne. Telle est ma fonction. Je me tiens aux côtés d'hommes et de femmes qui, aux moments charnières de leurs vies, ont besoin de récits. »
A travers onze chapitres, Delphine Horvilleur superpose trois dimensions, comme trois fils étroitement tressés : le récit, la réflexion et la confession. Le récit d' une vie interrompue (célèbre ou anonyme), la manière de donner sens à cette mort à travers telle ou telle exégèse des textes sacrés, et l'évocation d'une blessure intime ou la remémoration d'un épisode autobiographique dont elle a réveillé le souvenir enseveli.
Nous vivons tous avec des fantômes : « Ceux de nos histoires personnelles, familiales ou collectives, ceux des nations qui nous ont vu naître, des cultures qui nous abritent, des histoires qu'on nous a racontées ou tues, et parfois des langues que nous parlons. » Les récits sacrés ouvrent un passage entre les vivants et les morts. « Le rôle d'un conteur est de se tenir à la porte pour s'assurer qu'elle reste ouverte » et de permettre à chacun de faire la paix avec ses fantômes...
On ne naît pas féministe, alors comment le devient-on ? Précurseure de l'histoire des femmes, Michelle Perrot, 94 ans, livre ici un magnifique texte à la fois intime et théorique, livre d'histoire et autobiographie. Celle à qui son père conseillait de ne pas se mettre trop tôt un homme sur le dos, qui se rappelle avoir toujours voulu être comme les autres, abolir les différences avec les hommes, aborde son cheminement, de l'engagement chrétien au féminisme en passant par le communisme. Son itinéraire intellectuel, depuis sa thèse où elle voit rétrospectivement un regard presque masculin sur les femmes, donne à voir un siècle de changements sociétaux et la profondeur historique des luttes qui agitent aujourd'hui nos sociétés.
Première historienne à enseigner l'histoire des femmes en France, en 1973, Michelle Perrot nous emmène dans une épopée au féminin en explorant toutes ses ramifications : l'histoire de l'accession à l'égalité, l'histoire du patriarcat, l'histoire du mouvement féministe et des grands débats qui l'ont parcouru et structuré, sur le corps, le genre, l'universalisme contre le différentialisme, la sororité, MeToo. Dans ces pages, la grande histoire se mêle au destin des femmes qui ont porté leur cause et l'on voisine avec Artemisia Gentileschi, Olympe de Gouges, Lucie Baud, Christine Bard, Hubertine Auclert ; l'on dialogue avec Monique Wittig, Arlette Farge, Yvette Roudy, Antoinette Fouque...
La pensée lumineuse de Michelle Perrot, sans rien omettre des sujets les plus épineux, permet de déconstruire et parfois même de dépasser les clivages du féminisme contemporain. Le livre essentiel d'une pionnière, témoin d'un siècle de féminisme, dont l'engagement n'a d'égal que sa hauteur de vue.
Surnommée « la reine des fleurs » depuis l'Antiquité, la rose règne sans partage : elle est la plus offerte au monde. En l'associant à l'amour dès son apparition, en Perse, nous lui avons prêté une passion que nous la chargeons de transmettre, ce qu'elle accomplit avec charme et fugacité, douceur et piquant. Cueillons-la avant qu'il ne soit trop tard, en compagnie d'Alain Baraton, le jardinier de Versailles, dans ce livre qui est la première histoire culturelle de la rose.
Qu'est-ce qui la caractérise ? Comment et quand s'est-elle répandue sur toute la terre ? Quelles sont ses propriétés, quelle est sa symbolique ? La rose rose est-elle la rose originelle ? Qui sont ceux qui lui ont donné son nom (et ceux qui en rêvent) ? De quels grands peintres a-t-elle été la fleur favorite, quels sont les plus beaux poèmes en son honneur, quels musiciens ont composé en s'inspirant d'elle ? Saviez-vous que la rose a causé des guerres, et engendré des usages gastronomiques ? La fleur la plus célèbre du monde est pleine de surprises.
Tout ceci, et bien d'autres découvertes encore, nous attendent dans Le Livre de la rose, où, alliant botanique, histoire et anecdotes, Alain Baraton révèle les secrets de la fleur aux cent pétales.
Gisèle Halimi : Soixante-dix ans de combats, d'engagement au service de la justice et de la cause des femmes. Et la volonté, aujourd'hui, de transmettre ce qui a construit cet activisme indéfectible, afin de dire aux nouvelles générations que l'injustice demeure, qu'elle est plus que jamais intolérable. Gisèle Halimi revient avec son amie, Annick Cojean, qui partage ses convictions féministes, sur certains épisodes marquants de son parcours rebelle pour retracer ce qui a fait un destin. Sans se poser en modèle, l'avocate qui a toujours défendu son autonomie, enjoint aux femmes de ne pas baisser la garde, de rester solidaires et vigilantes, et les invite à prendre le relai dans le combat essentiel pour l'égalité à l'heure où, malgré les mouvements de fond qui bouleversent la société, la cause des femmes reste infiniment fragile.
Depuis l'enfance, la vie de Gisèle Halimi est une fascinante illustration de sa révolte de « fille ». Farouchement déterminée à exister en tant que femme dans l'Afrique du Nord des années 30, elle vit son métier comme un sacerdoce et prend tous les risques pour défendre les militants des indépendances tunisienne et algérienne et dénoncer la torture. Avocate plaidant envers et contre tout pour soutenir les femmes les plus vulnérables ou blessées, elle s'engage en faveur de l'avortement et de la répression du viol, dans son métier aussi bien que dans son association « Choisir la cause des femmes ». Femme politique insubordonnée mais aussi fille, mère, grand-mère, amoureuse... Gisèle Halimi vibre d'une énergie passionnée, d'une volonté d'exercer pleinement la liberté qui résonne à chaque étape de son existence.
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque » : ces mots de René Char, son poète préféré, pourraient définir Gisèle Halimi, cette « avocate irrespectueuse », et sa vie de combats acharnés pour la justice et l'égalité.
« Je ne lui ai pas dit au revoir ». Ces simples mots restent comme une cicatrice indélébile pour Alice Mendelson, qui voit son père partir pour Drancy, le 17 septembre 1941. Elle a alors 16 ans.
À l'aube de ses 98 ans, accompagnée de son ami l'historien Laurent Joly, Alice nous confie le récit de sa vie durant la Seconde Guerre mondiale en France, ce pays qui l'a vu naître et qu'elle aime tant, sa « terre promise », où ses parents, d'origines polonaises, l'ont élevée.
Alice grandit dans le 18ème arrondissement de Paris. Dans le salon de coiffure de ses parents ou le soir à la maison, elle les écoute refaire le monde avec leurs amis. Ils sont communistes, cultivés, mélomanes.
Lorsque la guerre éclate, alors que la famille s'accroche à son quotidien, leur voisin coiffeur et concurrent les dénonce au commissariat général aux Questions juives.
Le père d'Alice est déporté. Le salon de coiffure leur est confisqué. Alice et sa mère échappent de peu à la rafle du Vel d'Hiv, aidées par des voisines. Commence alors un long chemin semé d'embûches et de périls, mais aussi d'espoirs : passée en zone sud, Alice s'engage dans la Résistance.
Après la Libération, sa mère, durement éprouvée par deux années de vie traquée, doit se battre pour obtenir justice et réparation.
Alice deviendra une merveilleuse enseignante, mais aussi une conteuse et une poétesse.
Aujourd'hui, portée par le désir impérieux de transmettre, avec son écriture gracieuse et libre, Alice Mendelson nous livre un témoignage essentiel sur la vie des Juifs sous l'Occupation.
Treize mille espèces de fourmis identifiées sur la terre ! Dans ce passionnant récit à partir de leurs voyages à travers le monde, Audrey Dussutour et Antoine Wystrach, deux des plus éminents chercheurs en myrmécologie, se concentrent sur une activité essentielle chez les fourmis : la recherche de nourriture. Elles sont capables de réaliser des trajets de plusieurs centaines de mètres dans les lieux les plus hostiles. La route est semée d'embûches et de prédateurs qu'il faut pouvoir combattre à chaque instant.
Incroyable mémoire, don de la stratégie, force physique herculéenne, sens de la structuration sociale, on découvrira dans ce livre le génie multiple des fourmis. Et voici devant nous des nageuses, des haltérophiles, des médecins, des éleveuses, des droguées, des kamikazes, des voleuses, des planeuses, des esclaves, dans un passionnant récit que le plus trépidant des romans d'aventures ne saurait égaler.
Audrey Dussutour et Antoine Wystrach sont myrmécologues, c'est-à-dire spécialistes des fourmis, et parmi les plus éminents du monde. Audrey Dussutour est de plus spécialiste des organismes unicellulaires. Antoine Wystrach est, quant à lui, un expert du cerveau et du comportement des insectes.
« C'est un carnet de voyage au pays que nous irons tous habiter un jour. C'est un récit composé de choses vues sur la place des villages, dans la rue ou dans les cafés. C'est une enquête tissée de rencontres avec des gens connus mais aussi des inconnus. C'est surtout une drôle d'expérience vécue pendant quatre ans de recherche et d'écriture, dans ce pays qu'on ne sait comment nommer : la vieillesse, l'âge ?
Les mots se dérobent, la manière de le qualifier aussi. Aurait-on honte dans notre société de prendre de l'âge ? Il semble que oui. On nous appelait autrefois les vieux, maintenant les seniors. Seniors pas seigneurs. Et on nous craint - nous aurions paraît-il beaucoup de pouvoir d'achat - en même temps qu'on nous invisibilise. Alors que faire ? Nous mettre aux abris ? Sûrement pas ! Mais tenter de faire comprendre aux autres que vivre dans cet étrange pays peut être source de bonheur...
Plus de cinquante après l'ouvrage magistral de Simone de Beauvoir sur la vieillesse, je tente de comprendre et de faire éprouver ce qu'est cette chose étrange, étrange pour soi-même et pour les autres, et qui est l'essence même de notre finitude.
« Tu as quel âge ? » Seuls les enfants osent vous poser aujourd'hui ce genre de questions, tant le sujet est devenu obscène. A contrario, j'essaie de montrer que la sensation de l'âge, l'expérience de l'âge peuvent nous conduire à une certaine intensité d'existence. Attention, ce livre n'est en aucun cas un guide pour bien vieillir, mais la description subjective de ce que veut dire vieillir, ainsi qu'un cri de colère contre ce que la société fait subir aux vieux. La vieillesse demeure un impensé. Simone de Beauvoir avait raison : c'est une question de civilisation. Continuons le combat ! »L.A.
Après avoir rassemblé ses plus grandes interviews dans Je ne serais pas arrivée là si, en 2018, Annick Cojean nous propose de poursuivre et d'aller à la rencontre de 34 autres femmes passionnantes et singulières. Leurs parcours tissent autant de chemins personnels qui se rejoignent en un véritable « nous » sororal, inspirant et engagé.
Je ne serais pas arrivée là si, quelques mots anodins et une question vertigineuse. Qu'est-ce qui nous a faites, défaites, bouleversées et sculptées ? Quel hasard, rencontre, accident, lecture, don, peut-être quelle révolte, ont aiguillé nos vies ? Quelle joie nous a donné des ailes ? Ou peut-être quel drame ? Avons-nous poursuivi un rêve ? Nos parents nous ont-ils insufflé la volonté d'avancer ? Oui, comment se construit une vie ?
À 34 femmes fascinantes, Annick Cojean a lancé ce petit bout de phrase, dans le cadre d'une interview pour Le Monde, et toutes ont accepté de la poursuivre. Elles se racontent avec une sincérité bouleversante, cherchent dans leur histoire quels ont pu être leurs principaux ressorts, et ce que la vie leur a appris. Toutes ont imposé leur voix dans un monde dont les règles sont forgées par les hommes, et toutes ont à coeur de partager cette expérience. Une inspiration pour toutes les femmes.
Avec Isabelle Autissier, Yasmina Reza, Isabella Rossellini, Mona Ozouf, Laure Adler, Gisèle Halimi, Christine & the Queens, Céline Sciamma, Nancy Huston, Françoise Hardy, Caroline Fourest, Glora Steinem, Isabelle Carré, Barbara Hendricks, Clémentine Autain, Agnès Jaoui, Anne Sylvestre, Maryse Condé, Marjane Satrapi, Cécile de France, Elisabeth de Fontenay, Rossy de Palma, Melody Gardot, Simone Schwarz-Bart, Line Renaud, Clara Luciani, Leymah Gbowee, Karine Lacombe, Roxana Maracineanu, Djaïli Amadou Amal, Marlène Schiappa, Nina Bouraoui, Emma Thompson, Mona Eltahawy.
« Aujourd'hui, devenir pute est encore plus rapide que de se créer un compte Instagram. Notre ère 2.0 a déplacé le tapin de la place publique à l'intimité de nos smartphones et les hommes peuvent désormais se commander une fille aussi facilement qu'on commande un Uber. Leur fantasme ultime ? La professionnelle qui exerce par passion. Moi, je suis entrée dans la puterie pour subvenir aux besoins de ma môme, un peu comme l'aurait fait Fantine si elle avait vécu au XXIème siècle. Je suis devenue Alma, masseuse naturiste et sensuelle qui monnaie ses charmes pour 120 euros l'heure. Je pensais déjà tout savoir et j'y ai tout appris : les hommes, avec tout ce que leurs désirs révèlent, les femmes, avec tout ce qu'elles ignorent, les ravages de la morale, le mythe de l'argent facile, l'hypocrisie d'une société biberonnée au porno. Huit cents clients plus tard, j'en tire une seule conclusion : pute n'est pas un projet d'avenir. Mais ne nous leurrons pas non plus, nous sommes tous la pute de quelqu'un au moins une fois dans notre vie. À vrai dire, j'aurais gagné un temps fou si tout ceci m'avait été appris lorsque j'avais 20 ans. »
Louise Brévins
Un témoignage poignant, décisif et sans concession.
"Moi-même je le raconte, je le vois, et je me dis c'est pas possible d'avoir survécu..."
Arrêtée par la Gestapo en mars 1944 à Avignon avec son père, son petit-frère de douze ans et son neveu, Ginette Kolinka est déportée à Auschwitz-Birkenau : elle sera seule à en revenir, après avoir été transférée à Bergen-Belsen, Raguhn et Theresienstadt. Dans ce convoi du printemps 1944 se trouvaient deux jeunes filles dont elle devint amie, plus tard : Simone Veil et Marceline Rosenberg, pas encore Loridan - Ivens.
Aujourd'hui, à son tour, Ginette Kolinka raconte ce qu'elle a vu et connu dans les camps d'extermination. Ce à quoi elle a survécu. Les coups, la faim, le froid. La haine. Les mots. Le corps et la nudité. Les toilettes de ciment et de terre battue. La cruauté. Parfois, la fraternité. La robe que lui offrit Simone et qui la sauva. Que tous, nous sachions, non pas tout de ce qui fut à Birkenau, mais assez pour ne jamais oublier ; pour ne pas cesser d'y croire, même si Ginette Kolinka, à presque 94 ans, raconte en fermant les yeux et se demande encore et encore comment elle a pu survivre à "ça"...
En septembre 1939, les Allemands envahissent la Pologne. Izabela Sztrauch, qui survivra et deviendra Isabelle Choko, a 11 ans. Son enfance s'arrête du jour au lendemain lorsqu'elle est envoyée dans le ghetto de Lódz avec ses parents. Elle y perd son père de malnutrition et de mauvais traitements. A 15 ans, elle est déportée à Auschwitz, puis à Waldeslust et Bergen-Belsen.
La peur et la nudité. Le travail forcé, le froid, les coups, la promiscuité, la faim. La maladie et la mort, partout. Mais aussi les quelques moments de grâce et de fraternité. Le courage d'un prisonnier de guerre qui prend tous les risques pour la garder en vie. Et l'amour qu'Izabela porte à sa mère, qu'elle tient dans ses bras jusqu'à son dernier souffle - sur le sol noir de Bergen-Belsen. Elle revient de l'enfer seule. Par une force hors du commun, elle guérit du typhus dans un hospice en Suède et voyage jusqu'en France, avec pour unique bagage, son appétit de vivre, son humour et son intelligence. Défiant le destin, quelques années plus tard, elle est sacrée championne de France d'échecs et fonde une famille.
Aujourd'hui, Isabelle Choko raconte ce qu'elle a connu sous le régime nazi, d'abord dans le ghetto de Lódz en Pologne et puis dans les camps d'extermination - Auschwitz-Birkenau et Bergen-Belsen. Son livre est l'histoire de sa vie, un récit douloureux et passionnant pour que tous nous n'oublions pas ce que fut la Shoah.
« Enfant, je m'imaginais en garçon. J'ai depuis réalisé un rêve bien plus grand : je suis lesbienne. Faute de modèles auxquels m'identifier, il m'a fallu beaucoup de temps pour le comprendre. Puis j'ai découvert une histoire, une culture que j'ai embrassées et dans lesquelles j'ai trouvé la force de bouleverser mon quotidien, et le monde. »
Journaliste dans un quotidien pendant plusieurs années, la parole d'Alice Coffin, féministe, lesbienne, militante n'a jamais pu se faire entendre, comme le veut la sacrosainte neutralité de la profession. Pourtant, nous dit-elle, celle-ci n'existe pas.
Dans cet essai très personnel, Alice Coffin raconte et tente de comprendre pourquoi, soixante-dix ans après la publication du Deuxième sexe, et malgré toutes les révolutions qui l'ont précédé et suivi, le constat énoncé par Simone de Beauvoir, « le neutre, c'est l'homme », est toujours d'actualité. Elle y évoque son activisme au sein du groupe féministe La Barbe, qui vise à « dénoncer le monopole du pouvoir, du prestige et de l'argent par quelques milliers d'hommes blancs. » Elle revient sur l'extension de la PMA pour toutes, sur la libération de la parole des femmes après #Metoo ; interroge aussi la difficulté de « sortir du placard ». Et sans jamais dissocier l'intime du politique, nous permet de mieux comprendre ce qu'être lesbienne aujourd'hui veut dire, en France et dans le monde.
Combattif et joyeux, Le génie lesbien est un livre sans concession, qui ne manquera pas de susciter le débat.
C'est l'histoire d'un soutien français à une monarchie absolue dont on n'ose prononcer le nom. Où l'omerta et les tabous sont rois. Où, depuis l'arrivée d'un jeune prince sans expérience, sanguinaire et colérique, règnent la terreur et la corruption : les opposants sont condamnés sans procès, les plus riches fortunes du pays séquestrées, une guerre sanglante est menée au Yémen, un journaliste est assassiné dans un consulat à Istanbul.
Quand d'autres pays ont condamné l'Arabie Saoudite, qu'a fait la France face à ces dérives ? Elle a oeuvré à renforcer son partenariat, maintenu l'envoi de munitions, invité des soldats saoudiens à se former dans la plus prestigieuse école militaire française, mis au service du royaume ses communicants les plus redoutables, développé encore davantage ses accords culturels avec le royaume... Entreprises d'armement, chefs étoilés, architectes, économistes, politiques, présidents d'institution culturelle : tous aimeraient vendre leur savoir-faire à l'Arabie saoudite. A quel prix ?
Malgré l'opacité, les mystères et les portes closes, Audrey Lebel nous offre une enquête inédite sur les relations franco-saoudiennes et lève le voile sur l'aveuglement complice du pays des droits de l'Homme dans les crimes perpétrés par Riyad.
C'est une piste de ciment et d'herbe, cachée dans la forêt, non loin du cercle arctique russe. Une bande grise de deux kilomètres, marquée par des pneus géants peints, des drapeaux ; au bout ; un hangar de bois et de tôle ; tout autour, les chemins de terre noir, mais aussi la neige, les ours et les loups. Une sauvagerie presque rêvée, entre Michel Strogoff et Tolstoï.
Sergueï Alexandrovitch Ilyne est arrivé sous l'ère soviétique, et il est resté. A la grande époque, la piste comptait, accueillant des milliers de passagers au coeur de l'archipel, en route vers les sites du grand nord, ou vers la ville à côté. Plus de cent employés travaillaient ici. Les vols ne cessaient jamais, et parfois très loin, on devinait des forteresses, en chemin vers d'autres missions. Puis l'empire s'est effondré, le pays a changé de nom, de modèle, d'histoire, Eltsine l'alcoolique a été remplacé par le jeune Poutine, le FSB a pris le pouvoir et l'argent : la piste a été oubliée.
Sergueï est donc seul à entretenir sa piste, sans paie véritable, sans hiérarchie. Avec Macha sa compagne, quelques amis, le policier Dima, le pope voisin, il bouche le ciment, dégage le bois, imagine des éclairages, attend un appel, un ordre, une urgence, venu de la terre ou du ciel, mais rien. C'est un homme meurtri, un idéaliste. En 2010, un avion lourd s'écrase dans la forêt, en bout de piste, mais comment rendre force et usage à l'empire, quand celui-ci s'est perdu tout entier ?
Dans ce magnifique récit poétique, fondé sur une histoire vraie, Marc Nexon nous offre un pan d'histoire, sans nostalgie et à hauteur d'homme, mais avec la tendresse pour ceux qui croient à leur cause.
« La naissance est un fabuleux voyage », nous dit René Frydman, mais il n'est pas sans turbulences ! Un vol long-courrier dont on ne connaîtrait pas la destination ni son voisin de cabine : voilà à peu près ce qui attend les mères et les pères.
Cette passionnante Histoire de la naissance part des mythes et légendes autour de la création physique de l'être humain, de l'Egypte ancienne à nos jours, pour retracer l'évolution prodigieuse de la médecine obstétrique et exposer l'état actuel de nos connaissances. Des premières fécondations in vitro, avec les souvenirs de René Frydman sur la désormais fameuse première bébé-éprouvette, Amandine, aux plus récentes découvertes, telle la possibilité de recueillir de l'ADN foetal dans le sang maternel, le livre inscrit la question de la naissance, avec ses progrès et les questions que peuvent poser certaines découvertes, dans une perspective de long terme, qui permet d'examiner posément les questions éthiques que peuvent poser certaines pratiques, comme celle de l'avortement.
Une fresque aussi savante qu'accessible, et qui n'oublie jamais l'humain, parsemée qu'elle est d'histoires vécues et de souvenirs de l'éminent chercheur. Ainsi, à propos de la première vidéo d'un foetus in utero : « Je n'oublierai jamais le face-à-face avec ce petit visage sorti des limbes, aux paupières fermées, à la peau translucide, une ébauche d'humain. Comment ne pas songer à son futur, à ses joies et ses peines ? »
Une histoire de la naissance est une coédition avec France Culture.
« Si vis pacem, para vinum » Ces quelques mots figurent dans le Traité d'Arras de 1482. Comment clore une guerre qui met l'Europe à feu et à sang ? En scellant l'amitié nouvelle non pas au fer du tonneau, mais dans un partage civilisé, poétique et puissant. Cadeau fait aux rois et aux reines, transporté en carriole jusqu'à la table des empires réconciliées. Et aujourd'hui en cargo ou par avion... Que l'histoire du vin et de la terre soit aussi puissante que l'histoire des hommes cruels ou malhabiles.
Tel est le projet de Laure Gasparotto, nous conter cette terre de passage, de commerce et de rivalité : la Bourgogne. La région qui a inventé le vin, scientifiquement, artistiquement, dans le secret des monastères cistercien, mêlant influences méditerranéennes et continentales. Car depuis le onzième siècle, c'est bien ici qu'ont été développés tous les savoirs, dont sont nés des grands crus aujourd'hui légendaires... et inaccessibles : Romanée-Conti, Corton Charlemagne, Bâtard Montrachet, Charmes Chambertin, Clos de Vougeot. La Bourgogne est un don de la vigne et ses fruits des trésors, élevés par des artisans de la terre et du végétal, des passionnés discrets, qui perpétuent le geste ancestral du vigneron contre les grandes transformations du monde.
Ce vignoble classé au patrimoine mondial de l'Unesco, tant décrit par la littérature, ouvert et pourtant bien caché, ne vaut que par sa façon de l'aborder : pieds dans la terre, mains à l'oeuvre, palais à l'affût. Laure Gasparotto, bourguignonne d'adoption et passionnée de vin, nous raconte admirablement son horizon, ses histoires, ses grandes figures comme Lalou Bize Leroy ou Aubert de Vilaine. Ces pages sont l'éloge joyeux et vivant d'un rapport avec le monde : ouverte mais consciente de son histoire, jamais rincée ou appauvrie par une mondialisation galopante comme d'autres régions de vin : la Bourgogne c'est la France.
Un soir d'été, bien avant le Covid, un accident de voiture m'a brusquement fait perdre l'odorat. Moi qui adorais les odeurs, je n'imaginais même pas qu'elles puissent s'évanouir ! Et pourtant, tout ce que je respirais semblait désormais « vide » : l'odeur des aliments, de la nature, celle des autres, la mienne... Disparues ! La vie n'avait plus de saveur. Même mes émotions et souvenirs en ont été affectés.
Pour conjurer le sort, j'ai tenu un journal de mon voyage dans cet étrange univers aseptisé, tout en essayant de comprendre ce qui m'arrivait, et comment fonctionnait notre nez. Je suis également allée à la rencontre de nombreux « orfèvres » des odeurs : parfumeurs, vignerons, médecins, chimistes ou grands chefs.
J'ai écrit ce livre pour célébrer l'odorat, ce sens méconnu dont sont privées des dizaines de millions de personnes dans le monde - notamment à cause du Covid. Mais avant la pandémie, qui savait ce que signifie l'anosmie ? Dénigrée par Kant ou Freud, en voie de réhabilitation par les aficionados d'une époque en quête de plaisirs, l'olfaction recèle pourtant bien des surprises. Et les questions sont infinies : savez-vous qu'il existe près de mille milliards d'odeurs différentes ? L'odorat et le goût, est-ce la même chose ? Pourquoi sent-on mieux la vanille que le basilic ? Y a-t-il des odeurs plus fortes que d'autres ? Peut-on réapprendre à sentir ? Et ça fait quoi de ne plus percevoir l'odeur de son partenaire ?
Françoise-Marie Santucci raconte son quotidien d'anosmique. Toujours passionnée par les parfums, les vins et les mets, elle décrit avec humour la perte de ses sensations olfactives et fournit une foule d'explications claires et captivantes sur le fonctionnement de notre nez.
« A Auschwitz, j'ai cherché ma mère partout dans le camp des femmes. Je demandais à toutes les Françaises. Je cherchais par date d'arrivée, j'allais voir dans les baraquements. Ma mère était très débrouillarde, très joyeuse. Elle avait une telle force de vie que j'étais certaine de la retrouver. Puis j'ai rencontré une femme qui se souvenait d'elle. C'est toi Julia ? m'a-t-elle demandé. Il paraît que ma mère parlait de moi sans arrêt.
J'espérais que mon père, comme il savait travailler le cuir, serait employé dans un bon commando. Mais quelques jours après notre arrivée, je l'ai croisé sur le chantier du Revier, l'infirmerie des femmes. Il s'était porté volontaire parce qu'il voulait savoir ce qu'il était arrivé à sa femme. Qu'est-ce qu'on peut contre un grand amour ? C'est la dernière fois que je l'ai vu. On m'a dit qu'il avait été envoyé nettoyer le ghetto de Varsovie puis, avec tout son commando, assassiné.
Au camp, pendant l'appel, on soufflait dans le dos de la femme devant nous et on frottait le tissu mince de sa robe. Celle qui était derrière nous faisait pareil. Quand on avait une journée sans travail, on s'asseyait par terre et on se racontait notre enfance. Et puis on chantait. »
Née à Paris en juin 1925, de parents polonais, Julia Wallach a quinze ans quand les Allemands entrent dans Paris, et dix-sept ans quand elle est arrêtée avec son père sur dénonciation d'une voisine, en 1943, puis déportés de Drancy vers Auschwitz-Birkenau... Julia connaît la faim, le froid, les coups, et la marche de la mort à travers la Pologne et l'Allemagne enneigées. Pendant quatre mois, sans plus rien à manger, ils avancent. En avril 1945, avec quelques femmes, Julia trouve encore la force de s'enfuir....
Elle qui a survécu au typhus et aux sélections, aux coups, au froid et à la faim, aux deuils et au chagrin, va pas à pas, reconstruire sa vie, tomber amoureuse et fonder une famille dont les photos magnifiques ornent les murs de cet appartement qu'elle n'a jamais plus quitté. Son livre est le récit d'une longue marche vers la vie, ponctué d'éclats de rire et de colère, drapé, avec une élégance sans faille, dans la force de caractère qui n'a jamais cessé de l'animer.
Georges Kiejman est un homme de combat et un survivant, dont l'ascension singulière épouse l'histoire d'un siècle tumultueux. Né à Paris le 12 août 1932 de parents juifs polonais illettrés qui ont fui la misère, il échappe miraculeusement aux rafles et à la déportation. Réfugié avec sa mère dans le Berry, il ne reverra jamais son père, assassiné à Auschwitz en 1943. S'ensuit un incroyable parcours, de la pièce unique dénuée de tout confort qu'il partage avec sa mère dans le quartier de Belleville de l'après-guerre aux ors de la République.
Rapide, intelligent, cultivé, séducteur, mais aussi implacable et déterminé, il devient un avocat réputé dans les années 1960. Il est à la fois le défenseur du monde de l'édition et de celui du cinéma, l'ami de Simone Signoret et François Truffaut, le conseil de Carlo Ponti et de Claude Gallimard. A cette époque, il fait également une rencontre fondamentale en la personne de Pierre Mendès France que lui présente Françoise Giroud dont il est proche. Il se met au service de PMF dans ses campagnes victorieuses comme dans ses échecs et restera son ami jusqu'à sa mort. Epoux de l'actrice Marie-France Pisier, puis de la journaliste Laure de Broglie, il accède à la notoriété en sauvant de la réclusion criminelle à perpétuité le révolutionnaire et braqueur Pierre Goldman. Il sera ensuite de tous les grands procès -avocat de Malik Oussekine, le jeune étudiant frappé à mort par des policiers en 1986, du gouvernement américain contre le terroriste Georges Ibrahim Abdallah, de Mohamed El Fayed dans le cadre de la mort de Lady Diana, puis de Jacques Chirac et de Liliane Bettencourt. A la fin des années 1980, il lie une relation de confiance avec François Mitterrand sous la présidence duquel il sera trois fois ministre et avec lequel il partagera vacances, week-end et conversations sur la littérature.
Pour la première fois, Georges Kiejman accepte de raconter. Portraits, choses vues, secrets, dialogues... Au carrefour des arts, de la justice et de la politique, grand amoureux des femmes à qui il rend un hommage pudique, il lève le voile sur ce que cachent sa robe noire et son intelligence ironique : un homme qui voulait être aimé.
Ce texte, étincelant, joyeux, traversé d'ombres et de mélancolie, a été écrit par Vanessa Schneider, romancière, grand reporter au Monde, en complicité intellectuelle et littéraire avec Georges Kiejman.
La rafle dite du "Vel d'Hiv" est l'un des événements les plus tragiques survenus en France sous l'Occupation. En moins de deux jours, les 16 et 17 juillet 1942, 12 884 femmes, hommes et enfants, répartis entre Drancy (près de 4 900) et le Vel d'Hiv (8 000), ont été arrêtés par la police parisienne à la suite d'un arrangement criminel entre les autorités allemandes et le gouvernement de Vichy. Seule une petite centaine de ces victimes survivra à l'enfer des camps nazis.
Cette opération emblématique et monstrueuse demeure pourtant relativement méconnue. L'arrière-plan administratif et la logistique policière de la grande rafle n'ont été que peu étudiés, et jamais dans le détail. Légendes (tel le nom de code « opération Vent Printanier ») et inexactitudes (sur le nombre de personnes arrêtées ou celui des effectifs policiers) sont répétées de livre en livre. Et l'on ignore que jamais Vichy ne livra plus de juifs français à l'occupant que le 16 juillet 1942 !
D'où l'ambition, dans cet ouvrage, d'une histoire à la fois incarnée et globale de la rafle du Vel d'Hiv. Une histoire incarnée, autrement dit au plus près des individus, persécutés comme persécuteurs, de leur état d'esprit, de leur vécu quotidien, de leurs marges de décision. Mais aussi une histoire globale, soucieuse de restituer la multiplicité des points de vue, des destinées, et attentive au contexte de la politique nazie et de la collaboration d'État.
Une recherche largement inédite, la plus riche et variée possible, de la consultation de centaines de témoignages à une exploitation inédite des « fichiers juifs » de la Préfecture de police de Paris. Mais la partie la plus importante de l'enquête a consisté à rechercher des « paroles » de policiers : 4 000 dossiers d'épuration des agents de la préfecture de police ont été dépouillés. Parmi eux, plus de 150 abordent la grande rafle et ses suites. Outre les justifications de policiers, ces dossiers contiennent des paroles de victimes, des témoignages (souvent accablants) de concierges, et surtout des copies de rapports d'arrestation, totalement inédits.
Fruit de plusieurs années de recherche menées par l'auteur, où les archives de la police et de l'administration auront été méticuleusement fouillées, La Rafle du Vel d'Hiv apporte une lumière nouvelle sur l'un des événements les plus terribles et les plus difficiles à appréhender de notre histoire contemporaine.
« Juillet 2019, il fait 42,6 c° au parc Montsouris à Paris, dans le Languedoc on enregistre 46°c à l'ombre. C'est une fournaise. Quelques mois plus tard, des tempêtes de feu ravagent l'Australie et on s'émeut de voir la faune et la flore dévorées par les flammes. Ce fameux mois de juillet 2019 aura été le plus chaud enregistré sur terre depuis que les relevés météorologiques existent. Le réchauffement climatique n'est plus une hypothèse, c'est un fait vérifiable par tous : la banquise arctique a perdu 96% de sa surface en 35 ans, le permafrost, cette bande de gel qui ceinture le grand Nord, recule, et chaque année le niveau des océans montent un peu plus.
Mais le climat et ses effets spectaculaires ne sont que la face la plus visible d'un bouleversement de bien plus grande ampleur qui concerne la vie elle-même. Au cours de sa longue existence, notre planète a connu plusieurs crises majeures, qui, à chaque fois, ont transformé en profondeur le vivant et entraîné l'extinction de la majorité des espèces. Mais l'image d'Épinal qui montre un dinosaure regardant, l'oeil inquiet, une météorite s'écraser sur la terre et provoquer son extinction brutale est un mythe. Les crises de la biodiversité avancent masquées, en silence. Ces trente dernières années, un quart des oiseaux d'Europe ont disparu et pourtant nous n'avons pas marché sur des cadavres d'oiseaux le long des routes et des chemins. Aujourd'hui, tout laisse à penser que nous sommes à l'aube d'une sixième extinction qui arrive à une vitesse foudroyante : on estime que 500 000 à un million d'espèces sont en train de décliner et que d'ici quelques décennies elles pourraient s'éteindre. L'homme et sa consommation sans cesse croissante d'espace et d'énergie en est la première cause. Si rien n'est fait, cette nouvelle crise majeure de la biodiversité aura bien lieu, et l'humanité, dont la survie et la prospérité dépendent de l'équilibre de des écosystèmes, pourrait elle aussi disparaître. » Bruno David
Plus qu'un cri d'alarme, A l'aube de la 6e extinction est un plaidoyer pour le vivant sous toutes ses formes et un guide pratique, à hauteur d'homme, pour éviter le naufrage, posant ainsi les jalons d'une éthique pour la planète, sans moralisme ni culpabilisation. Est-il trop tard ou pouvons-nous éviter le pire ? La réponse est entre nos mains.
Charlotte Pudlowski avait 26 ans quand sa mère lui a appris qu'elle-même, enfant, avait subi un inceste. Sous le choc, la jeune journaliste s'est alors interrogée : Pourquoi un si long silence ? Pourquoi sa mère, dont elle est si proche, n'a-t-elle pas pu lui parler plus tôt ? Et comment peut-on si mal connaître une violence qui concerne 7 à 10% de la population, soit 2 à 3 enfants par classe de CM2 en moyenne ?
Alors Charlotte Pudlowski a décidé de comprendre. Pendant deux ans, elle a rencontré des victimes, lu, cherché des explications auprès d'experts, sollicité ses proches. Ce travail à la fois intime et sociétal a donné lieu à un podcast diffusé à l'automne 2020 et au retentissement considérable : près d'un million d'écoutes, des milliers de victimes sorties de la honte, comprenant les mécanismes du silence autour de l'inceste. Puis la publication du livre événement de Camille Kouchner, La Familia Grande, a déclenché un débat qui secoue désormais toute la société. Le mouvement metooinceste va-t-il enfin donner lieu à des lois, ou la chape de silence va-t-elle retomber sur ce fléau si tabou ?
Dans cette enquête choc, l'autrice montre à quel point les mots peuvent être l'arme et le rempart face à la violence, et tisse le fil de son histoire intime pour explorer la nouvelle frontière du féminisme : celle de l'abus des enfants par les pères, frères, oncles, cousins, un abus systémique, noyau structurant du patriarcat. Si l'on accepte de voir la nature de l'inceste et son ampleur, c'est tout l'ordre social dans lequel nous vivons qui doit être renversé.
Finesse littéraire, rigueur, profondeur de l'analyse : un ouvrage nécessaire et magistral.
« Je me suis longtemps refusée à imiter les confrères qui publient leurs Mémoires, persuadés que leur moi mérite exhibition et que les épisodes de leur vie personnelle et professionnelle suscite l'intérêt. Le journalisme est un métier comme un autre et la télévision n'est souvent qu'une usine à baudruches. A tous ceux qui m'interrogeaient à ce sujet, je n'ai cessé de déclarer qu'à ce petit jeu narcissique, on ne me prendrait pas. Publier cet ouvrage m'oblige à manger mon chapeau. Me voici à mon tour piégée dans ce paradoxe : écrire comme tout le monde, en espérant intéresser tout le monde à une vie qui ne serait pas celle de tout le monde. Il faut assumer ses contradictions et ne pas avoir peur de se désavouer. C'est dit...
Les personnes que je croise me regardent comme une vieille connaissance à laquelle elles associent deux images contradictoires : la présentatrice d'une émission qui fut célèbre il y a plus de vingt ans et qui demeure dans la mémoire collective ; la femme qui fit, à son corps défendant, des milliers de « une » de journaux à l'occasion d'un scandale planétaire impliquant son mari. N'étant pas seulement l'une et ne me reconnaissant pas dans l'autre, je me demande ce qui, de tout cela, peut rester pertinent.
Je vais tenter d'être juste. Pas exhaustive mais sincère. Je parlerai de mes parents, de cette enfance très protégée qui aurait pu mettre hors de ma portée les armes nécessaires pour lutter dans la vie ; je convoquerai certains personnages hauts en couleur que j'ai eu la chance de croiser et tenterai de brosser le portrait le plus fidèle possible du monde des médias tel que je l'ai connu ; j'évoquerai les grands bonheurs de la vie et les épreuves qui l'ont écorchée... »A.S
« Mon enfance, je l'ai passée nue, entourée de corps nus. L'été, je rejoignais mon oncle et ma tante dans un petit village naturiste du sud de la France. Ce qui était un geste spontané, presque un réflexe, s'est transformée en revendication, plus tard, quand ma nudité est devenue aux yeux des Autres une transgression, une humiliation (presque chacun d'entre nous a déjà cauchemardé de se retrouver nu devant tout le monde, à l'école ou au travail), une source de fantasmes voire un délit, comme l'est la publication d'un pubis sur les réseaux sociaux. On comprenait comme de l'exhibition ce qui, le plus souvent, relève du camouflage.
Le coeur du naturisme, c'est toujours la Nature. C'est elle qu'on vient rencontrer, toucher, sentir. Les pieds nus qui s'abîment sur les rochers. L'herbe jaunie qui griffe les chevilles. Le soleil brûlant qui tombe sur le nombril à midi. L'eau qui file sur les seins et suit les lignes de l'aine que le moustique viendra piquer dans la nuit. La brise du soir qui sèche les cheveux encore humides et caresse le dos.
J'ai choisi, comme 2,5 millions de Français, d'adopter un mode de vie différent. Car le naturisme est aussi bien une philosophie qu'une pratique, dont la nudité n'est qu'un élément. En hiver, les naturistes s'habillent bien sûr, mais ils restent fidèles à des valeurs - l'acceptation du corps, le sens de la communauté, la frugalité, mais aussi la liberté, et avec elle, la revendication d'une contre-culture. »M.C.Dans ce récit aux accents d'invitation au voyage, Margaux Cassan nous conduit dans l'univers méconnu du naturisme. Des premières communautés libres formées par des anarchistes au début du XXème siècle aux utopies fanées des années hippies; du village familial du Vaucluse où elle a passé son enfance au libertinage de l'Île du Levant, l'autrice dresse une cartographie philosophique et historique de ce mouvement. Son témoignage, parfois documentaire, parfois journal intime, interroge ce que la nudité dit d'une société obsédée par la question du corps, mais incapable de montrer le sien. Dans un monde où le vêtement sert les intérêts de la pudibonderie comme de l'hyper-sexualisation, où il est devenu un marqueur social, qu'est-ce que la vie nue ? Une autre manière d'habiller le monde.