Juliette Rennes est directrice d'études à l'EHESS. Ses travaux articulent sociologie et histoire du genre, de l'âge, du travail et des cultures visuelles. Elle a notamment publié Femmes en métiers d'hommes (Cartes postales). Une histoire visuelle du travail et du genre (Bleu autour, 2013) et coordonné l'Encyclopédie critique du genre (La Découverte 2016, rééd. augmentée en poche 2021).
Les structures élémentaires de la parenté, thèse d'État soutenue à la Sor- bonne par Lévi-Strauss en 1948 et publiée l'année suivante, renouvelle la perception des systèmes de parenté et d'union, de la place de la famille, de la prohibition de l'inceste et des échanges entre groupes sociaux. Texte majeur, précurseur du structuralisme français et également controversé, cet ouvrage constitue le premier résultat des longues recherches de Lévi- Strauss qui l'ont aussi conduit vers l'analyse des systèmes de classification du langage et de la mythologie.
L'idée centrale des Structures élémentaires de la parenté tient en quelques phrases.
L'échange matrimonial, par le lien qu'il instaure et par le renoncement qu'il impose, se trouve au fondement de toute société humaine. Il signale le passage de la nature à la culture ; il est inhérent à l'ordre social. L'ouvrage s'inspire des travaux de l'anthro pologie anglosaxonne et de certains écrits de l'école de L'Année sociologique. Au fil des pages, le lecteur passe des affiliations totémiques des Aborigènes d'Australie à l'étiquette du deuil dans la Chine ancienne, de l'ethnographie des tribus des hautes terres de Birmanie à la féodalité en Europe médiévale ou encore à l'Inde des brahmanes, de la psychologie de l'enfant à la théorie mathématique des groupes.
Automne 1968 : Foucault, à l'invitation du critique Claude Bonnefoy, rencontre celui-ci à plusieurs reprises en vue d'un projet de livre. Ce n'est ni à un entretien, ni à un dialogue auquel les deux hommes se livrent, mais à un exercice de parole inédit ; Foucault pour la seule fois de sa vie donne à voir ce qu'il désigne comme "l'envers de la tapisserie", son propre rapport à l'écriture.
Les deux conférences inédites, dont les transcriptions sont réunies dans ce livre, se font écho à plus d'un demi-siècle de distance et témoignent de la parole publique du plus célèbre des anthropologues français. Lévi-Strauss prononce la première en janvier 1937 et la seconde en avril 1992, année où se célèbraient les quatre cents ans de la mort de Montaigne. Ces deux textes nous permettent de mesurer le cheminement de la pensée de Montaigne dans le parcours intellectuel de Lévi-Strauss.
Retranscription d'un entretien accordé en 1992 par l'helléniste J.-P. Vernant (1914-2007). Il revient sur les grandes étapes de sa vie, notamment sur son expérience dans la Résistance, en tant que chef de l'armée secrète pour Toulouse et la Haute-Garonne. Il évoque son style de vie, ses engagements, sa vision du travail, des relations sociales et de sa démarche intellectuelle.
Certains savants voient la science comme une histoire qui s'arrête aux portes des laboratoires. D'autres passent journées et soirées à promouvoir auprès des citoyens l'« esprit scientifique », considérant que la science n'est pas seulement une profession mais le pilier d'un espace public reposant sur la vérité. Cet ouvrage propose une socio-histoire des organisations rationalistes françaises depuis les années 1930. Il analyse l'engagement en politique de savants ou de citoyens ordinaires au nom de la raison.
À partir d'archives de l'Union rationaliste, de l'Association française pour l'Information scientifique et de l'analyse de la production des Cercles Zététiques, cet ouvrage entend rendre compte des conditions de possibilité d'un engagement public au nom de la science. Même si les organisations rationalistes décrites dans cet ouvrage semblent rarement dépasser le millier d'adhérents, elles constituent un objet sociologique qui permet de poser des questions inversement plus larges que celles que leur taille ou leur relative confidentialité pourraient laisser supposer. Elles donnent à voir sous quelles conditions et par quels processus la « vérité » ou la « défense de la science » peuvent être durablement érigées en argument politique et mobilisées dans l'espace public par les amateurs de science ou par les savants eux-mêmes.
Les sciences sociales, lorsqu'elles oublient leur vocation critique, ne produisent plus que de simples discours idologiques, ou d'expertise, prompts conforter la pense commune.
Que font les Ancêtres du Christ, ces vieux hommes fatigués et ces femmes qui allaitent à côté des corps pleins d'énergie des anges du Jugement dernier, des prophètes et des sibylles de la voûte ? De quelle manière participent-ils de l'histoire de l'humanité, qui s'ouvre dans la Genèse avec la Création d'Adam et se clôt dans le Jugement ? Maintes fois soumise à l'analyse, la fresque du Jugement dernier de la chapelle Sixtine laisse apparaître des éléments d'interprétation radicalement nouveaux si on la considère du point de vue de l'anthropologie de la ressemblance élaborée par saint Paul, la ressemblance de l'homme à Dieu.
Giovani Careri rend compte de la façon dont les familles des Ancêtres participent d'un projet idéologique général : celui qui "administre" la question du corps et de la chair en relation avec l'eschatologie chrétienne du salut. La pesanteur et la mélancolie qu'expriment les corps las des Ancêtres sont, en effet, des valeurs négatives nécessaires pour dessiner le bord extérieur d'un dispositif qui règle dans la théologie chrétienne le rapport à une altérité hébraïque à la fois exclue et fondatrice, irréductible et nécessaire.
La chapelle Sixtine est une véritable "fabrique de l'histoire". C'est à travers le déchiffrement des figures fatiguées des cintres et des lunettes que ce monument mille fois étudié vise notre présent en dévoilant son actualité ; pour le spectateur d'aujourd'hui, les familles des Ancêtres évoquent des populations d'exilés, réfugiées dans des abris de fortune.
En 1954, Michel Foucault participe à une fête des fous à l'asile psychiatrique suisse de Münsterlingen, dont il reste des photos, inédites. Étrange cérémonie, survivance d'un rituel hérité directement du Moyen Âge, qui marqua le jeune philosophe en train d'élaborer une nouvelle manière de parler de la folie et de son histoire.
Notice :
Cette visite de Michel Foucault en mars 1954 à l'asile psychiatrique suisse de Münsterlingen le jour d'un carnaval des fous nous apprend beaucoup à la fois sur le jeune philosophe - l'année 1954 est riche en événements pour lui -, mais aussi sur ce rituel qui a perduré jusqu'au milieu du xxe siècle.
Photos, archives, textes éclairent ce moment trop souvent négligé par les spécialistes de Michel Foucault. Ce début des années 1950 est pourtant marqué par l'entrée de Foucault dans les asiles et par sa passion pour les innovations qui touchent la psychologie clinique.
C'est la germaniste Jacqueline Verdeaux, munie d'un Leika, qui photographie. Ces images laissent entrevoir l'étrange sensation qu'a pu ressentir Foucault lors de ce jour improbable où les fous « jouent » aux fous. Une sensation d'autant plus étrange que l'asile cantonal est, avec la clinique universitaire du Burghölzli de Zürich, l'une des plaques tournantes de la psychiatrie suisse.
Ce livre, qui aborde une période inexplorée, et non abordée dans La Pléiade à paraître, nous pousse à renverser les perspectives familières concernant Michel Foucault.
Le sexe est-il politique ? Avec pour point de départ la comparaison entre les États-Unis et la France, ce recueil offre une synthèse riche des travaux d'Éric Fassin sur les questions sexuelles et leurs représentations.
Le sexe est-il politique ? Non, répondait-on naguère en France : il relève des moeurs. Le sexe n'est-il donc pas politique ? Si, dit-on au contraire dans les années 2000. La liberté et l'égalité sexuelles seraient les emblèmes de la démocratie.
Tel est le renversement qu'analyse ce recueil.
Rythmé par les va-et-vient entre deux sociétés - les États-Unis et la France-, entre disciplines, entre savoir scientifique et représentation sociale, il retrace le parcours d'Éric Fassin et en souligne toute la cohérence.
En partant des controverses qui touchent au genre et à la sexualité dans deux sociétés - États-Unis et France - Éric Fassin analyse l'histoire du concept de genre et sa construction dans l'espace public. Il revient sur la représentation des questions sexuelles, leur mise en discours par le travail politique et juridique, mais aussi scientifique, religieux et littéraire. Il y est question du viol et de harcèlement sexuel, d'amour hétérosexuel et de mariage homosexuel, de reproduction et de famille. On y rencontre Michel Houellebecq et Christine Angot.
Ce recueil démontre aussi le choix assumé et revendiqué scientifiquement d'un chercheur engagé, soucieux de l'articulation entre savant et politique, et attentif aux usages des sciences sociales.
SOMMAIRE Première partie. Circulations du genre 1. Le genre au miroir transatlantique 2. L'empire du genre Deuxième partie. Le genre au travail 3. La nature de la maternité 4. Cultures de l'homosexualité Troisième partie. Controverses sexuelles 5. La politique sexualisée 6. La sexualité politisée Quatrième partie. Politisation et non-politisation 7. Événements sexuels 8. Fluctuat nec mergitur Cinquième partie. Le sexe en représentations 9. Le roman noir de la sexualité française 10. Le double « je » de Christine Angot Sixième partie. Retour sur le savant et le politique 11. Des sciences sociales toujours déjà engagées
L'irruption du postmodernisme a favorisé la critique des avant-gardes artistiques du xxe siècle, des idéologies qui les avaient portées et même des oeuvres qu'elles avaient produites.
Ces mises en cause ont occulté autant que révélé un ensemble de questions théoriques et historiographiques. Que signifie la fin des avant-gardes ? De quelle histoire celles-ci relèvent-elles ? Comment évaluer la force durable des oeuvres, indépendamment des discours qui ont accompagné leur création ? Que nous disent-elles de notre modernité ?
L'idée que l'on se fait de la polarisation entre l'homme et la femme serait universelle. Tantôt on explique cette dualité par des présupposés tirés de la nature (quelle nature?) tantôt, comme le font les "études de genre", on la considère toujours et partout comme une pure construction de l'esprit dénuée de toute justification biologique. Emmanuel Désveaux récuse cette alternative avec force. Pour lui, il s'agit d'écouter ce que l'ethnographie - ou ses équivalents, dans le monde occidental, que sont la littérature la peinture classique et le cinéma - a à nous dire dès lors qu'elle se penche sur trois aires culturelles radicalement distinctes : l'Amérique, l'Australie et l'Europe.
L'angle d'attaque se trouve renversé il est question de comprendre comment les conceptions - qui sont toujours d'ordre phénoménologique - de ce qui fonde la différence des sexes créent de la différence d'un point de vue culturel.
L'Occident a conçu la distinction de sexe d'une manière très particulière: la femme est l'être qui porte par définition, dans son esprit et dans son corps, la « différence » sexuée et sexuelle; les sociétés sont composées d'individus de deux sexes. L'observation des sociétés traditionnelles, où les corps masculins et féminins sont fabriqués rituellement, a révélé la dimension relationnelle de l'individu. Admettre qu'il existe une dimension sexuée de la vie sociale permet d'échapper à l'alternative entre étudier « l'individu » (universel mais asexué) ou les « rapports hommes-femmes » (sexués mais séparés). Dans cette perspective novatrice, le genre est considéré comme une modalité des relations, et non un attribut des personnes. Et loin de n'organiser que des relations de sexe opposé, le genre organise simultanément des relations de même sexe, de sexe indifférencié, et même de sexe combiné. Les sciences sociales doivent appréhender les personnes sexuées non pas à partir d'un ensemble de propriétés et d'attributs substantiels, mais à partir des modes d'action et de relation. De là le titre de ce livre. Il veut indiquer que ces deux notions, du genre et de la personne, s'éclairent mutuellement: chacune sort redéfinie de la confrontation à l'autre. En renouant avec une anthropologie comparée et historique, les sociologues, anthropologues, historiens et philosophes réunis invitent à revenir sur ce que nous entendons par un individu, une société, une action, une passion ou encore une relation spécifiquement humaine.
Au carrefour de plusieurs champs théoriques, la circulation entre image et histoire fait ressortir certaines composantes majeures de la réalité des images elles-mêmes : contraintes de fabrication des films (fictions ou documents), contenus des images, agents de leur production, voies de leur transmission - cette réalité implique une négociation permanente entre différents les institutionnels.
Les auteurs du présent ouvrage combinent des perspectives et des objets complémentaires pour rendre compte de la complexité des images cinématographiques ou télévisuelles.
À l'automne 2005, une nouvelle discussion sur le système de l'intermittence va s'ouvrir : quelles règles va-t-on créer pour la convention 2006 de l'UNEDIC ? Pourquoi ce conflit, vieux de 20 ans, est-il récurrent ? Une réforme est-elle possible ? À partir de données originales et inédites, l'auteur analyse "cliniquement" l'exception culturelle française en termes d'emplois et décortique ce conflit qui ne revêt aucune des propriétés classiques des conflits sociaux. Au-delà d'une description précise et fouillée, l'auteur nous fait non seulement comprendre les négociations mais propose aussi un scénario possible de réforme.
Qu'on ne s'y trompe pas. Le terme " opacité ", qui brille d'un éclat noir au titre de l'ouvrage, ne renvoie ni à une ineffabilité supposée ou prétendue de la peinture, ni non plus à des énigmes que comporterait la mise en peinture ou en figure, mais à la pragmatique contemporaine, en un sens dont on trouvera l'élaboration dans La Logique de Port-Royal ou dans la sémiologie augustinienne. Tout signe est à la fois une chose et une représentation considéré comme chose, le signe focalise sur lui-même la " vue de l'esprit ", il ne représente rien mais se présente lui-même. Comme représentation, il se dérobe à la considération et déplace la vue de l'esprit de lui-même à l'objet qu'il signifie. Le signe est alors comme la vitre transparente qui laisse voir autre chose qu'elle-même : lorsqu'elle s'opacifie, elle cesse de se dérober dans sa diaphanéité pour s'offrir à la vue et l'arrêter. Ainsi la représentation de peinture qui, tout en représentant l'univers naturel, les hommes et les fracas de leur histoire, les créatures invisibles, le monde surnaturel, n'a de cesse de déployer les dispositifs complexes de présentation de ses représentations, de travailler et de faire travailler, dans ses " images " et ses " signes ", leurs divers modes de présentation et jusqu'au sujet-peintre qui les met en oeuvre dans les " sujets " qu'il représente : opacités de la peinture.
Les images portent en elles les traces du temps. Elles sont le reflet de leur époque, du moment de leur production et de la vie de leur créateur. Elles témoignent de leurs propres traditions qui tiennent aux modes de figuration, au choix des supports et des moyens techniques utilisés ainsi qu'aux motifs représentés. Ces traditions iconiques et culturelles sont à la fois présentes, de manière souvent implicite et involontaire, et sans cesse remises en question, brutalement ou progressivement selon les cas. Historiens, anthropologues et historiens de l'art associent leurs compétences et confrontent leurs expériences et leurs terrains d'observation pour mettre en résonance plus de vingt-cinq siècles de productions artistiques d'Europe, d'Afrique, d'Asie et d'Amérique. Ils nous montrent que l'enjeu des images est d'aider les hommes à penser les temps, passé, présent et avenir, de les ritualiser et d'en faire des objets de désir. Chaque image est ainsi " faiseuse " d'histoire, faiseuse de mémoire. Leurs textes s'accompagnent de cent vingt planches en couleurs qui entraînent le lecteur dans un merveilleux voyage dans le temps et dans l'espace pour (re)découvrir des peintures, sculptures et photographies célèbres ou méconnues.