Langue française
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«Le discours sur la mode alterne le blâme moral et l'admiration béate. Mais, dans un cas comme dans l'autre, il se trompe. C'est un discours systématiquement hors sujet, où la mode n'est qu'un prétexte à divagations sur des réalités qui lui sont extérieures, les moeurs d'une société donnée ou l'état de santé de son économie. Bref, un discours où l'on parle de tout sauf de la mode elle-même. Ce n'est qu'en fixant le regard sur ce qui, dans un interminable feu d'artifice, apparaît pour disparaître aussitôt, qu'il devient possible de découvrir ce qu'est réellement la mode. De manière encore provisoire, celle-ci peut être définie par l'idée de catastrophe permanente.» Après les sphères de l'art, de la culture ou encore de la technique, Francesco Masci poursuit son étude des forces en acte dans la modernité occidentale, et s'attaque à un phénomène résolument moderne : la mode. Existant à la manière d'une totalité close, selon ses propres lois et ses propres codes, la mode ne se laisse subordonner ni au monde de l'art ni à celui de la morale. Elle n'existe finalement que pour elle-même, advient et meurt par elle-même, suivant sa temporalité propre, cyclique, rituelle, loin de toute représentation linéaire du temps. Extinction, apocalypse ou «fin de l'Histoire» ? La mode constitue une résistance aussi inattendue que radicale aux visions eschatologiques, par ailleurs toujours mises en échec, d'un présent obsédé par l'avènement de sa propre fin.
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Essai sur le don : forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques
Marcel Mauss
- Allia
- Moyenne Collection
- 21 January 2021
- 9791030413359
«Jusqu'à des droits très proches de nous, jusqu'à des économies pas très éloignées de la nôtre, ce sont toujours des étrangers avec lesquels on 'traite', même quand on est allié. Les gens de Kiriwina dans les Trobriand dirent à M. Malinowski?: 'Les hommes de Dobu ne sont pas bons comme nous?; ils sont cruels, ils sont cannibales?; quand nous arrivons à Dobu, nous les craignons. Ils pourraient nous tuer. Mais voilà, je crache de la racine de gingembre, et leur esprit change. Ils déposent leurs lances et nous reçoivent bien.' Rien ne traduit mieux cette instabilité entre la fête et la guerre.» «Nous n'avons pas qu'une morale de marchand», énonce Marcel Mauss dans ce texte majeur de l'anthropologie du xxe siècle. Il y expose le résultat de plusieurs décennies de recherches sur différentes sociétés archaïques. Non seulement il est possible d'envisager l'échange en dehors du marché, mais des économies complexes reposent sur le don et le contre-don. Le nom du système au coeur de son analyse est resté dans les annales?: le potlatch.
Notamment pratiqué dans certaines tribus amérindiennes, ce rite somptuaire fondé sur la destruction de ce que l'on possède amène au sommet de l'échelle sociale seuls les individus capables de se séparer de tous leurs biens. En s'intéressant à ce système allant à l'encontre du rationalisme économique tel que nous le subissons, ce texte exerça une profonde influence sur l'ensemble des sciences humaines, jusqu'à Guy Debord et ses comparses de l'Internationale lettriste qui baptisèrent leur propre revue Potlatch.
Le potlatch et la kula revêtent avant tout une dimension spirituelle?: la chose donnée n'est pas inerte, elle engage l'honneur de celui qui la donne, autant que de celui qui la reçoit. Cette dimension sacrée de l'échange nous fait aujourd'hui cruellement défaut. C'est peut-être dans notre rapport au don que se trouve la clé de la crise morale que l'humanité affronte aujourd'hui.
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Histoire de ma fuite des prisons de la République de Venise
Casanova
- Allia
- Moyenne Collection
- 8 September 2022
- 9791030414974
Voici sans conteste la plus extraordinaire des aventures de Casanova, celui qui le rendit célèbre : le récit de son évasion spectaculaire de la prison vénitienne des Plombs, d'où jamais personne ne s'était échappé. Arrêté pour conduite amorale et possession de livres occultes, Casanova ne sait pas quelle sera la durée de sa peine. Ce qui le conduit à une certitude : pour sortir, il faudra s'enfuir. On découvre ses compagnons de cellule et avec eux, toute une micro-société carcérale de l'époque. L'incarcération de Casanova est aussi un exercice philosophique, critique cinglante de la religion et du système carcéral. Athéisme, liberté morale, aventure : plus qu'à aucun autre texte, le libertin doit à Histoire de ma fuite des prisons de la République de Venise son éternel panache romanesque.
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Essai sur l'art chinois de l'écriture et ses fondements
Jean-François Billeter
- Allia
- 7 October 2010
- 9782844853318
Depuis près de deux mille ans, les Chinois considèrent la calligraphie comme l'un des beaux-arts, un art plus ancien que la peinture, et traditionnellement placé au-dessus d'elle. Cet art consiste à donner vie à l'écriture comme l'interprète donne vie à une composition musicale en la jouant. Par la forme qu'il donne à l'écriture, le calligraphe peut exprimer une conviction morale, une manière d'être, une sensibilité, des émotions, dont L'Art chinois de l'écriture retrace la genèse. Cet ouvrage est une magistrale synthèse sur la calligraphie chinoise, écrite pour le grand public autant que pour les historiens de l'art et les sinologues.
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C'est sur le ton de la confidence et avec simplicité que Marcel Duchamp se livre à Pierre Cabanne. Il retrace sa vie, celle d'un artiste qui n'a voulu ni plaire ni choquer.
L'honnêteté de ses réponses n'exclut pas les pirouettes et les traits d'ironie. Après l'abandon de la peinture, l'auteur du ready-made s'intéresse au mouvement et à l'optique. Il a aussi cherché à «capturer le hasard» et à se détacher du pouvoir rétinien de l'oeuvre. Surtout, il n'hésite pas à avouer sa «paresse énorme», bien qu'il soit un touche-à-tout et un bricoleur sans égal. Ce témoignage authentique, parfois déconcertant, sur cette «vie de garçon de café» permet de pénétrer l'oeuvre mais aussi ses dessous. Car les amitiés et relations amoureuses sont loin d'être innocentes pour comprendre ce Grand Perturbateur.
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J'ai voulu explorer les zones obscures de l'histoire de la country music, pas sa popularité actuelle ; écrire un livre pour ceux qui s'intéressent davantage à la question de savoir d'oú vient cette musique et ce qu'elle est profondément, plutôt qu'à son développement récent.
Alors que le livre regorge de stars à moitié oubliées, de chanteurs de honky-tonk fanés, de rockabillies obscurs et de musiciens noirs des générations passées, alors que des pages et des pages sont consacrées à des gens comme jimmie rodgers, elvis presley et jerry lee lewis, ce vieux willie nelson et ce vieux waylon jennings ne sont signalés qu'en passant. et tandis que le plus long chapitre du livre est dédié au thème du sexe dans la country music, la vallée de l'ombre du décolleté de dolly parton est complètement passée à l'as.
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À l'âge de onze ans, Nik Cohn entendit un disque dont les paroles ont changé sa vie. Little Richard hurlait : «Tutti frutti all rootie, tutti frutti all rootie, awopbopaloobop alopbamboom !« Ces mots lui firent l'effet d'une formule magique - le langage du futur.
Awopbopaloobop fut le premier livre à célébrer ce langage, la quintessence du rock'n'roll.
Mais il fut bien davantage encore. C'est l'histoire véridique et turbulente d'une époque qui va de Bill Haley à Jimi Hendrix. En racontant toutes sortes d'histoires scandaleuses, en décrivant la musique avec passion et en arrachant les masques, Nik Cohn a inventé sans le savoir un nouveau genre littéraire : la critique rock.
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Amitie - la derniere retouche d'ernst lubitsch
Samson Raphaelson
- Allia
- 26 January 2006
- 9782844852021
Samson Raphaelson et Ernst Lubitsch ont travaillé en étroite collaboration sur de nombreux films. Les deux hommes s'appréciaient et se respectaient, pourtant, une pudeur réciproque empêcha longtemps que leurs relations prennent un tour plus intime. Lorsque Lubitsch fut victime d'une attaque, on chargea Raphaelson de rédiger sa notice nécrologique. C'est dans ce texte que, pour la première fois, il dévoile tous les sentiments que jamais il n'avait osé exprimer directement au cinéaste. Mais Lubitsch survécut à son attaque et prit connaissance du texte, allant même jusqu'à le retoucher avec son auteur. À la fin de sa vie, Raphaelson a publié dans le New Yorker, l'histoire de cette émouvante amitié. Il livre un portait extrêmement fin et sensible du cinéaste autrichien installé à Hollywood, analyse sa façon de travailler et lève le voile sur le secret de la fameuse "Lubitsch touch".
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Sur le modèle des Documents relatifs à la fondation de l'Internationale situationniste, ce volume rassemble, présentés et annotés par Gérard Berréby, tous les écrits, tracts, documents, monographies publiés entre 1957 et 1960 par les membres de l'Internationale situationniste et qui ne figurent pas dans la revue du même nom. On y trouve plusieurs textes de Debord restés jusqu'à présent inaccessibles comme les Remarques sur le concept d'art expérimental ou Préliminaires pour une définition de l'unité de programme révolutionnaire, ainsi que les tracts dont la violence est une des marques de l'IS (Aux producteurs de l'art moderne, Défendez la liberté partout). Mais surtout, ce volume permettra de découvrir quelques aspects ignorés de la production situationniste comme la revue de la section allemande de l'IS Spur, dont le graphisme révolutionnaire annonce tous les fanzines underground et les réalisations artistiques situationnistes, particulièrement importantes au cours de ces trois années, en particulier l'étonnante tapisserie d'Asger Jorn intitulée Le Long Voyage.
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Dès son enfance dans le territoire minier du Hainaut en Belgique, Raoul Vaneigem développe une forte conscience prolétarienne et un esprit de révolte insatiable. Sa rencontre avec Guy Debord en 1961 servira d'exutoire à la rage qu'il contient. Il entre dans les rangs de l'Internationale situationniste, dont il relate avec entrain les fêtes, les déboires et les dérives. De cette épopée truffée d'anecdotes et illustrée de documents inédits, éclate la clairvoyance de ces jeunes fossoyeurs du vieux monde qui, entre autres, dénoncèrent, à rebours de l'opinion, les dérives des révolutions castristes et maoïstes. Vaneigem ne se départit jamais de son humour, encore moins quand il décrit l'échec de la drôle d'Internationale à laquelle il a participé avec une conviction chevillée au corps.
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J. Péladan (1859-1918) se disait mage et imperator de la Rose-Croix, ordre cabalistique dont il forma un groupe dissident imprégné de catholicisme. Dans ce texte paru en 1891, celui qui se faisait appeler Sâr Mérodak, développe une théorie de la beauté et aborde les représentations plastiques de l'androgyne, mythe primordial dans les civilisations égyptienne, grecque et chrétienne.
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Dans ce court essai, Joseph Gabel, se propose d'intégrer un concept clé de la pensée marxiste, la réification, à l'analyse psychopathologique d'une forme de schizophrénie. L'application du concept de réification, issu de la philosophie politique, au domaine de la psychiatrie, apparaît comme une tentative de l'auteur visant à jeter des ponts entre des disciplines distinctes. Par son élaboration d'analogies fécondes, Joseph Gabel espère parvenir à l'élargissement des champs de recherche respectifs de chacune des disciplines auxquelles il fait appel.
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Dans ces entretiens, Jean-Michel Mension évoque les années qui le menèrent à participer, de 1952 à 1954, à l'existence chaotique et alcoolisée de l'Internationale Situationniste. Dans un Saint-Germain-des-Prés aujourd'hui disparu, en compagnie de Guy Debord, mais aussi d'autres figures moins connues et souvent fascinantes, on découvre un Paris interdit : celui des marges, des bistrots et des truands. Dans le récit de cette avantgarde subversive, entre art, liberté sexuelle et dérèglements de tous les sens, on assiste à la naissance d'une révolte qui embrasera, plus d'une décennie plus tard, la jeunesse de Mai 68. Il paraît dans une nouvelle édition, illustrée d'une iconographie renouvelée et augmentée de documents inédits.
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Dead Elvis réalise le tour de force d'être le livre le plus drôle jamais écrit sur Presley et celui qui prend son sujet le plus au sérieux.
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Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel
Karl Marx
- Allia
- 19 June 1998
- 9782911188619
L'émancipation de l'allemand, c'est l'émancipation de l'homme.
La philosophie est la tête de cette émancipation, le prolétariat en est le coeur. la philosophie ne peut être réalisée sans la suppression du prolétariat ne peut être supprimé sans la réalisation de la philosophie.
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Le point de vue le plus important - parce que dada était plus que dada - est qu'à l'origine il y avait des motifs multiples et complexes, des critiques et des révoltes sociologiques et artistiques.
Ces impondérables restaient cachés à la plupart des gens pendant son activité, et c'est à présent seulement qu'on peut y voir à peu près clair ; en cela, dada ressemble à tous les autres événements. Mais, en son temps, tout était dada et dada était tout. Les bourgeois le croyaient babillage ou plaisanterie saugrenue, mais ils devaient bientôt découvrir qu'ils s'étaient trompés. Nous avons su remplir les journaux de fausses nouvelles sur dada et ses méfaits.
Ce qu'était Dada réellement, on l'apprendra dans les pages qui suivent.
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Le Consul, livre d'entretiens avec Gérard Berréby, retrace la vie du peintre Ralph Rumney : son enfance en Angleterre, sa découverte du marxisme, de la peinture... et ses innombrables rencontres. Dandy nomade, sa route croisera celles de Debord et des lettristes, de Marcel Duchamp, Max Ernst, Georges Bataille, Peggy Gugghenheim, William Burroughs, Cobra et l'Oulipo... Dans cette nouvelle édition abondamment illustrée, les anecdotes se mêlent aux réflexions théoriques et aux souvenirs sur Guy Debord, Asger Jorn ou Yves Klein. On retrouve intacte l'élégance d'un artiste dont le talent fut aussi de se trouver toujours là où bouillonnaient idées et agitateurs : une existence à l'image de son art, comme une expérimentation perpétuelle.
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La morale des lignes
Mecislas Golberg, André Rouveyre
- Allia
- Moyenne Collection
- 5 October 2017
- 9791030407532
En s'inspirant des dessins d'André Rouveyre, Golberg écrit un véritable traité d'esthétique de portée générale. Sa Morale retrace une sorte de généalogie intellectuelle de la ligne qui annonce les recherches formelles du cubisme. Golberg réclame un langage visuel nouveau et défend la simplification des formes. De ce processus d'abstraction avant l'heure, il souhaite un renouvellement de l'art. Résolument moderne, sa pensée dialogue volontiers avec la tradition, poursuivant un raisonnement dialectique qui fait tout l'intérêt de son ouvrage. Et les artistes ne s'y sont pas trompés, tant ils sont nombreux, Picasso en tête, à se réclamer de cette pensée. Précurseur et inspirateur, Golberg aborde là la déformation par simplification, le rire, la géométrie, la spiritualité même de la ligne.
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" Sur l'exhortation de Michel-Ange, la Nuit leva alors la tête et se mit à bouger.
" Ernst Kris et Otto Kurz
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Un virus antimoderne se niche au coeur même de la modernité. Il s'attaque à la production d'images, ce que Masci nomme «la culture absolue», autre force propulsive, aux côtés de la technique, de la modernité. À l'essor effréné de la technique fait écho la promesse réitérée par les images d'un «homme nouveau». Or, le virus antimoderne réintroduit dans les images un contenu et donc de la croyance, aussi bien sentimentale que morale. Il ébranle leur statut d'artefact, de faux-semblant. Or, que devient une société où les images ont cessé de faire «comme si» ? Où elles invitent à croire en leur réalité ?
D'autant lorsque nous assistons, aujourd'hui, aux premiers balbutiements d'une fusion entre la technique et cette réalité imaginaire, source d'une superstition nouvelle.
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Avec un humour constant, une ironie un rien désabusée, Piet de Groof revisite l'histoire de l'avant-garde en Belgique, dont il fut l'un des actifs protagonistes. Editeur d'une petite revue de poésie, Tapt?, ce qui signifie aussi bien couvre-feu que fanfare militaire, il participe à l'activité de la galerie du même nom, qui exposera Asger Jorn, Maurice Wyckaert ou Walasse Ting. Discret mais constamment au front, Piet de Groof accompagne avec passion le travail des artistes. On découvre les péripéties rocambolesques qui accompagnèrent l'exposition de Jorn à Bruxelles, dont il transporta les toiles en contrebande, ou des portraits tantôt chaleureux, tantôt mordants de figures célèbres comme Christian Dotremont, Hugo Claus ou Pierre Alechinsky. Mais aussi quantité d'autres, moins connus, comme Reinhoud, Roel d'Haese, Hugues C. Pernath, Paul Snoek, Serge Vandercam, qui tous contribuèrent à l'effervescence régnant en Belgique dans ces années-là. On plonge dans les coulisses du scandale organisé à Bruxelles par les situationnistes à l'occasion de l'assemblée de l'Association Internationale des Critiques d'art en 1958. C'est à Piet de Groof que fut confié le soin de lancer un tract injurieux sur cette respectable assemblée et il y fit preuve d'un savant savoir-faire en matière de propagande. Cependant, il fut peu après ce haut fait «relevé de ses fonctions» au sein de l'Internationale situationniste. M ais l'ambiguïté du personnage ne laissera pas néanmoins d'intriguer Debord. Volubile, le général ne se contente pas d'enchaîner anecdotes et portraits. On trouvera dans son livre des analyses passionnantes sur la peinture, le rôle fondamental de James Ensor dans la modernité, sans compter quelques réflexions pointues sur les mérites comparés de différents avions de chasse. Composé comme un entretien au long cours, cet ouvrage est aussi un montage visuel riche de documents et d'images méconnus. Une autre manière de retracer un destin personnel comme d'écrire l'histoire.