Sciences humaines & sociales
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Vivre écartelé entre une multiplicité de temps, de vies, de milieux. Naître et mourir plusieurs fois : telle est l'existence de l'homme déraciné. Dans ce texte inédit, paru en 1962 dans la revue allemande Merkur, Günther Anders livre sa vision déchirante de la condition de l'émigrant. Comme dans une lettre imaginaire, il s'adresse à un destinataire indéfini et saisit le lecteur. Menace de l'annihilation par l'assimilation, honte, infantilisation, impossibilité de partager la douleur du monde : Anders, lui-même juif émigré, donne toute sa dimension universelle et atemporelle à ce drame intime et le rend ainsi accessible au lecteur. Entre philosophie, histoire et témoignage, L'Émigrant fait entendre les échos d'un mal qui ne cesse de hanter notre époque.
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Et si je suis desespéré que voulez-vous que j'y fasse ?
Günther Anders
- Allia
- Petite Collection
- 4 February 2016
- 9791030400922
Avec la spontanéité propre à l'oralité, Günther Anders livre dans cet entretien quelques anecdotes significatives, notamment l'étonnement du philosophe quand il s'aperçut que lui, juif, pouvait faire le poirier plus longtemps que ses autres disciples, tous grands et blonds. Mais ce livre est surtout le récit d'un parcours philosophique et politique, où l'on croise également Brecht et Husserl et qui révèle en France une personnalité comparable à celle de George Orwell par son courage intellectuel et sa lucidité.
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Simmel démontre ici le mécanisme psychologique qui a permis de transformer l'argent de moyen en fin. Or, en servant quantité de fins, l'argent devient «incolore», privé de valeur en soi. Simmel analyse des cas pathologiques, allant de l'avare au dépensier compulsif, aspects psychologiques complétés par de passionnantes observations d'ordre historique et sociologique. Il se penche également sur les liens générés par l'argent, source paradoxale de l'individualisme moderne. Si la possession d'argent procure une liberté personnelle, elle engendre une insatisfaction croissante, tant la dimension qualitative, inexprimable en termes économiques, s'efface au profit du quantitatif. L'argent n'en reste pas moins pour l'homme moderne un aiguillon de son activité, une promesse illusoire de bonheur.
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Kulturindustrie
Theodor W. Adorno, Max Horkheimer
- Allia
- Petite Collection
- 7 March 2019
- 9791030410662
«Il est une chose à propos de laquelle, il est vrai, l'idéologie creuse ne badine pas : la sécurité sociale. 'Nul ne doit avoir faim ou froid ; tout contrevenant ira au camp de concentration' : cette plaisanterie qui vient de l'Allemagne d'Hitler pourrait servir d'enseigne à toutes les entrées d'établissements de l'industrie culturelle.» Dans ce texte, Adorno et Horkheimer démontrent que toute manifestation culturelle et tout moyen de diffusion - film, radio, magazine - forment un système. Nulle voix ne peut s'en extraire, ni se faire entendre hors de lui. Obéissant aujourd'hui à une logique extensive, l'industrie culturelle devient, dans le capitalisme avancé, une industrie du divertissement. L'amusement n'est en outre que «le prolongement du travail». Aussi, celui qui en jouit, s'il échappe alors au travail automatisé, ne crée que les conditions pour être en mesure de s'y confronter à nouveau.
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Le caractère fétiche de la marchandise et son secret
Karl Marx
- Allia
- Petite Collection
- 5 April 2018
- 9791030408713
Dans le monde de l'économie, le caractère fantasmagorique de la marchandise est nommé fétichisme par Karl Marx. Afin d'analyser les formes que prennent les rapports sociaux engendrés par l'échange marchand, l'auteur cherche à décrypter le secret de la valeur. De ces pages géniales, qui appartiennent au premier chapitre du livre I du Capital, sont directement issues la théorie de la réification de Luckacs et celle du spectacle de Debord.
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Le monde doit être romantisé.
C'est ainsi que l'on retrouvera le sens originel. cette opération est encore totalement inconnue. lorsque je donne à l'ordinaire un sens élevé, au commun un aspect mystérieux, au connu la dignité de l'inconnu, au fini l'apparence de l'infini, alors je les romantise.
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Avec L'Angoisse de l'ingénieur, à valeur de manifeste, Ernst Bloch démontre le piège que l'homme se tend à lui-même. Sentiment archaïque, l'angoisse naît de la quête de l'homme d'un accès à l'inconnu, autrefois reliée à l'obscure magie. Ernst Bloch évoque également l'ancienne croyance dans l'existence des fantômes et autres démons. Monde chassé par les Lumières et plus encore par la lumière artifi cielle, dont nulle magie n'émane plus. Bloch défend les archétypes énoncés dans les contes, où toute hiérarchie sociale est niée et où le moment utopique est encore tapi.
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Préface à la phénoménologie de l'esprit
G.W.F. Hegel
- Allia
- Moyenne Collection
- 1 September 2016
- 9791030404531
«Travailler à cela, à ce que la philosophie se rapproche de la forme de la science - de ce but qui consiste pour elle à pouvoir déposer son nom d'amour du savoir pour devenir savoir effectif -, voilà le projet que j'ai formé. La nécessité interne que le savoir se fasse science réside dans sa nature, et la seule explication satisfaisante à ce propos est l'exposition de la philosophie elle-même.» Ce texte liminaire, initialement envisagé comme une "Préface au Système de la science", dont la "Phénoménologie de l'esprit" représentait une première partie, expose la mission et le but que Hegel s'est donné dans son projet philosophique global. En l'occurrence : "que le savoir se fasse science". Pour lui, la philosophie doit se rapprocher de la science pour démontrer sa propre nécessité et sa qualité d'oeuvre à part entière. Se tient aussi là tout le projet de l'idéalisme hégélien, consistant à "appréhender et exprimer le vrai non pas comme substance, mais tout aussi bien comme sujet". Une philosophie de la conscience de soi s'exprime dans ces lignes autonomes, par laquelle peut se concevoir une "phénoménologie de l'esprit". Hegel y énonce le mouvement dialectique au fondement de son système, par lequel l'opposition devient identité. Sans être supprimées, les dualités sont surmontées : la vie porte en elle son négatif, la mort, et s'y maintient. De ce fait, il devient possible de penser une vie de l'esprit au-delà de la mort. C'est aussi dans cette préface que Hegel met en valeur le "moment" du résultat, le mouvement par lequel la pensée accède au but qu'elle s'est donné. Cela fait aussi de Hegel un philosophe de l'histoire, l'esprit se développant selon lui selon trois degrés : conscience objective, autoconscience individuelle, enfin raison, qui est conscience de la communauté.
Cette nouvelle traduction restitue avec clarté les fondements de toute l'architecture philosophique de Hegel.
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"Il n'était pas le talent qui se construit calmement mais le génie qui se trouve en nageant à contre-courant avec l'énergie du désespoir." Théodor W. Adorno
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L'auteur du Bref Été de l'anarchie et de La Grande Migration retrace dans cet essai l'histoire des terroristes russes qui, de 1862 à 1917, inlassablement, ont sacrifié leur vie pour renverser le régime tsariste. C'est peu dire que ces personnages sont romanesques ou hors du commun : ils se sont volontairement situés, par l'absolu de leur révolte, hors de l'humanité, poussant à son extrême le mépris de soi, des autres et de la vie en général. Mépris qui culmine dans les figures de Netchaiev ou Asev, qui organisèrent des dizaines d'attentats terroristes et travaillaient en même temps pour la police secrète du tsar.
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C'est en mai 1888, quelques mois avant de sombrer dans la folie, que Nietzsche écrit Le Cas Wagner. Ses relations avec le compositeur ont toujours été passionnées, faites d'admiration et de répulsion. S'il a d'abord vu dans l'oeuvre de Wagner l'illustration géniale de ses propres conceptions de l'artiste tragique et dionysiaque, Nietzsche va s'éloigner rapidement de lui. Fondamentalement, il reproche au compositeur d'être un «menteur». Wagner joue à l'artiste de la puissance, alors qu'il est un musicien de la dégénérescence. Il joue à l'affirmateur de la vie alors qu'il est négateur. On le voit, la critique nietzschéenne de Wagner, loin d'être une attaque ad hominem mêlée de rancoeur, rejoint les thèmes les plus fondamentaux de sa pensée. C'est en 1876 que Nietzsche a rompu avec Wagner, et cette date n'est pas indifférente. C'est en effet l'année du premier festival de Bayreuth, qui consacre le musicien comme le pontife du nouvel art allemand. Seul véritable pamphlet écrit par Nietzsche, Le Cas Wagner est en effet moins dirigé contre l'auteur de Parsifal lui-même que contre tout ce que le wagnérisme incarne et que Nietzsche vomit : l'idéologie allemande et son exaltation des vertus morales, du nationalisme, de l'antisémitisme, son mépris de l'intelligence. Nietzsche résume tout cela d'une formule : « le crétinisme de Bayreuth». Contre cet esprit de lourdeur, il exalte la gaieté de Carmen. «Il faut méditérraniser la musique !», écrit-il.
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En 1960, Francis Gary Powers, pilote américain, est arrêté en mission en URSS en pleine Guerre froide. Günther Anders, inquiet des conséquences de cette arrestation et du risque de guerre nucléaire, écrit au pilote incarcéré. Sa «Lettre sur l'ignorance» reste sans réponse. Il en écrit alors une seconde : «Le rêve des machines», inédite en français comme en allemand.
Le Rêve des machines rassemble ces lettres qui éclairent l'évolution de la pensée d'Anders. En exposant à Powers comment il est devenu le rouage d'un système inhumain, il dénonce la toute-puissance de la technique et le monde des machines, produit d'un capitalisme qui annihile notre humanité. Anders déroule ainsi une pensée habitée par un souffle qui, à défaut d'être atomique, est d'une puissance philosophique sans équivalent.