Parmi les livres les plus appréciés et les plus lus de bell hooks, À propos d'amour est un texte singulier. Avec sa perspicacité habituelle et ses talents de vulgarisatrice, l'autrice afroféministe s'y attaque à une thématique rarement abordée de front en théorie politique.
Définissant l'amour comme un acte et non comme un sentiment, bell hooks démonte tous les obstacles que la culture patriarcale oppose à des relations d'amour saines, et envisage un art d'aimer qui ne se résume pas au frisson de l'attraction ou à la simple tendresse. Recourant à la philosophie morale comme à la psychologie, elle s'en prend au cynisme narquois qui entoure les discussions au sujet de l'amour, et s'attache à redonner toute sa noblesse à la possibilité de l'amour, dans une perspective féministe.
Le féminisme n'a jamais cessé d'insister sur l'importance du récit intime. Croisant histoires familiales, théories politiques et faits historiques, Irene tire ici de la vie d'Hilaria, son aïeule, des armes pour outiller les mouvements féministes contemporains. Hilaria est une femme du prolétariat basque, veuve, qui élève seule ses enfants. Le tragique et le chaos de leur existence dans les années 1930 n'auront jamais raison de leur joie de vivre et de leur soif de construire un monde désirable. Ils sont une inspiration pour notre temps, où les fascismes sont à nouveau aux portes du pouvoir en Europe. Puisque la démocratisation d'un féminisme réformiste et libéral ne nous sera d'aucun secours, c'est au féminisme d'Hilaria qu'il importe de revenir, un féminisme populaire qui se dit tout à la fois anarchiste, antifasciste, anticapitaliste et anticarcéral.
Le numérique a un double : l'infrastructure électrique. Le rapport immédiat aux objets connectés (smartphone, ordinateur) invisibilise le continuum infernal d'infrastructures qui se cachent derrière : data centers, câbles sous-marins, réseaux de transmission et de distribution d'électricité.
Alors que le numérique accompagne une électrification massive des usages, le système électrique dépend lui-même de plus en plus du numérique pour fonctionner. Pour comprendre ce grand système et imaginer comment le transformer, il nous faut aller au bout des flux, là où se révèle la matérialité des machines et des câbles.
À la fin des années 60, l'Irlande du Nord s'embrase dans un conflit armé qui durera trois décennies. Sorj Chalandon, envoyé spécial pour le quotidien Libération fut un exceptionnel témoin des « Troubles ». Relire ses articles, c'est pénétrer au coeur des événements, percevoir et comprendre l'un des conflits les plus marquants d'Europe.
« Certains mots vont pendant des siècles d'une bouche à l'autre sans qu'on ne puisse jamais en dégager un contenu clair et précisément défini. » Un de ces mots est celui d'amitié, un « sentiment » sur lequel l'homme n'a jamais cessé de s'interroger. Qu'est-ce que l'amitié ? Avec qui se manifeste-t-elle ? Avec les camarades de classes, les collègues, les voisins, les personnes proche ou bien lointaine ? L'amitié est-ce ce qui se cultive dans l'enfance, ou bien un sentiment qui accompagne toute la vie et qui se renforce seulement à l'âge adulte ? Siegfried Kracauer, philosophe et sociologue proche de l'école de Francfort, analyse ici avec méticulosité les différentes facettes de l'amitié.
L'artiste mexicaine Frida Kahlo fascinait ses contemporains par ses tenues et inspire encore aujourd'hui de nombreux couturiers et créateurs de mode. Qu'elle porte les exubérants costumes traditionnels indigènes, qu'elle se travestisse en homme ou qu'elle arbore fièrement son corset orthopédique en guise de bustier, peu de peintres ont, comme elle, mis en scène leur garde-robe.
Mais, pour cette artiste engagée, les vêtements sont plus qu'un simple atour : ils sont une seconde peau qui mue au fil de sa vie et nous révèlent ses choix identitaires et idéologiques. Dans cet essai graphique original, Rachel Viné-Krupa, auteure d'une thèse et de plusieurs ouvrages sur cette artiste, et Maud Guély, illustratrice et graphiste, vous invitent à parcourir la vie de Frida Kahlo à travers sa garde-robe si particulière.
Face aux désastres entraînés par l'anthropocène et le capitalocène, il y a urgence à penser et agir différemment. C'est ce qu'Haraway propose de faire dans Vivre avec le trouble, en racontant d'autres histoires, en renouvelant notre rapport au temps et aux autres espèces.
Prenant ses distances avec toute forme de futurisme (du salut technologique aux discours apocalyptiques) elle explore ces temps troublants et troublés que nous vivons afin d'y déceler les possibles qu'ils recèlent. Épaissir le présent, favoriser l'épanouissement multispécifique, générer des alliances improbables et des « parentèles dépareillées » pour ne pas céder à l'effroi ou l'indifférence, voilà ce à quoi nous invite ce livre.
Ellen Willis a marqué l'histoire américaine de la révolution sexuelle et de la critique contre-culturelle. Sa maitrise remarquable de la forme de l'essai, son point de vue à la fois radical et subtil nous paraissent incontournables, et précieux à partager dans le cadre des luttes actuelles sur la maternité, la prostitution, le travail, le sens du militantisme, les liens entre valeurs politiques et liberté d'expression, ou entre politique nationale et politique des corps. La prose d'Ellen Willis témoigne d'une nécessité d'expression et d'un style qui mêle intime et politique, innervée par son goût du rock et du punk, et ses expériences militantes collectives. Ce recueil est son premier livre en français après la traduction d'une poignée de textes dans les revues Audimat et Trou Noir.
Dans cet essai, Eve Tuck et K. Wayne Yang rappellent une chose simple : la décolonisation, c'est la restitution aux autochtones de leurs vies et de leurs terres. Elle n'est pas la métaphore d'autre chose, quand bien même cette autre chose tendrait à améliorer nos sociétés. Les luttes pour la justice sociale, l'élaboration de méthodologies critiques ou le décentrement des perspectives coloniales, si importants soient-ils, ont des objectifs qui ne convergent pas nécessairement avec le processus de décolonisation. La métaphorisation de la décolonisation donne accès à toute une gamme d'évasions, ou manoeuvres de disculpation, qui permet souvent de se réconcilier avec la situation coloniale.
Dans cette série de cours donnés avant sa disparition, Mark Fisher, théoricien critique britannique, auteur du Réalisme capitaliste et de Spectres de ma vie, commence par une question pour nous fondamentale : Voulons-nous vraiment ce que nous prétendons vouloir ?. Discutant avec ses élèves certaines des idées-phares de la pensée critique, il explore la relation entre le désir et le capitalisme, et se demande quelles puissances d'imagination et de relation restent à libérer à une époque où elles sont sans cesse re-programmées et canalisées par le développement personnel, la publicité et les industries technologiques. De l'émergence et de l'échec de la contre-culture dans les années 1970 à l'accélérationisme contemporain, en passant par les groupes d'auto-conscience féministe, ce livre met en perspective l'évolution d'un flux de positions, de programmes et d'actions pour mieux défendre la nécessité d'une transformation radicale de la société et de la culture.
La bonne épouse, la bonne mère, la bonne ménagère, une sorte de femme totale : voilà ce que donnent à voir les magazines et les journaux féminins depuis qu'ils existent. Il faut revenir au moment où émergent les codes de cette presse spécialisée pour comprendre comment ce corset de papier s'est formé, cloisonnant la féminité dans le dévouement aux hommes, seuls au pouvoir. Cependant, l'espace médiatique ouvert par l'essor de la presse féminine est aussi un lieu où s'expriment celles qui ne peuvent le faire par ailleurs, et où elles élaborent des tactiques d'émancipation.
C'est dans les coulisses de cet espace paradoxal que nous emmène cette palpitante enquête historique et sociale, espace dans lequel la représentation de la féminité émerge comme un champ de bataille politique.
Figure majeure de la Théorie critique, l'historien Moishe Postone a élaboré une réinterprétation de la pensée de Marx d'une grande importance pour une critique sociale à la hauteur de l'époque. Largement saluée, son oeuvre maîtresse, Temps, travail et domination sociale, s'est opposée à l'opinion répandue que Marx n'avait plus rien à dire dans une époque d'effondrement du communisme à l'Est et de consolidation du capitalisme néolibéral en Occident. Il a aussi posé les jalons d'une reconstruction de l'oeuvre marxienne adaptée à la saisie du monde contemporain qui diffère des critiques marxistes traditionnelles. Postone considérait néanmoins sa relecture comme une enquête préliminaire et a passé les vingt-cinq années suivantes à explorer, dans divers essais et entretiens enfin réunis en français, comment Marx fournit, selon ses propres termes, « une puissante théorie sociale critique du monde contemporain ».
Cet ouvrage se compose de « leçons » pour tenter d'anticiper les contre-feux institutionnels et se confronter aux effets qui accompagnent l'offre amoureuse d'une décolonisation de façade. Essayer de comprendre pourquoi ces stratégies trouvent des prises particulières dans le contexte français et montrer comment elles composent le chemin le plus sûr pour la poursuite - et même la nouvelle peau - de l'économie néolibérale.
Olivier Marboeuf est auteur, poète, performeur. Il a été directeur artistique du centre d'art l'Espace Khiasma. À travers ses multiples expériences et sa connaissance des milieux artistiques et culturels, il analyse les chantiers actuels de décolonisation de ces espaces.
Un roman peut-il devenir une arme contre le fascisme ? Quel rôle incombe à la littérature allemande dans le mouvement de résistance au nazisme ? C'est à ces questions que Lukacs tente de répondre dans les trois textes réunis ici pour la première fois. Écrits entre 1938 et 1942, au coeur d'une bataille politique et idéologique aux dimensions alors tragiques, ces textes dénoncent un antifascisme « libéral » qui, à l'instar d'un Stefan Zweig, refuse toute perspective révolutionnaire et ne propose qu'un antifascisme abstrait ignorant des véritables forces sociales en lutte. Face à cette impasse, Georg Lukacs défend des écrivains tels que Thomas et Heinrich Mann qui, en s'appuyant sur l'héritage classique opposent à la littérature de propagande « un réalisme critique vrai comme la vie » porteur d'un humanisme révolutionnaire dont le peuple est le premier acteur.
Ce conte d'un érotisme frénétique et surréaliste, où perroquets, montres et miroirs sont saisis de furie génésique, a lui-même une drôle d'histoire. Alors qu'il devait paraitre en 1928 chez l'éditeur clandestin René Bonnel, ses premières feuilles furent saisies par la police, empêchant la publication. Il faudra attendre 1954 pour une première édition chez Éric Losfeld, sous le pseudonyme de Satyremont et sous le titre des Rouilles encagées. La présente édition rend donc au conte son titre original et lui enlève quelques co(q)uilles. Le grand dessin d'Yves Tanguy prévu en 1928 ayant disparu, Killoffer en donne ici sa très libre interprétation.
Sur quels rapports de production repose la création ? Les représentations dominantes de l'artiste comme un individu isolé ne créant que par lui-même et pour lui-même invisibilisent depuis longtemps la précarité et les souffrances qui structurent le milieu de l'art.
Contre l'idée que la passion et la vocation viendraient, à elles seules, nourrir l'artiste, des mobilisations émergent aujourd'hui, à l'image du collectif La Buse qui situe réflexion et actions dans le champ des arts visuels. Tout en témoignant des rapports de pouvoir et d'exploitation qui procèdent de la faible régulation du milieu de l'art, ses membres militent pour une réforme du statut et de la rémunération des artistes-auteur·es et de leurs complices précarisé·es.
Qu'est ce que le consumérisme ? Comment s'habitue-t-on à surconsommer - au point d'en oublier comment faire sans, comment on faisait avant, comment on fera après ? Pour répondre à ces questions, Jeanne Guien se tourne vers des objets du quotidien : gobelets, vitrines, mouchoirs, déodorants, smartphones. Cinq objets auxquels nos gestes et nos sens ont été éduqués, cinq objets banals mais opaques, utilitaires mais surchargés de valeurs, sublimés mais bientôt jetés. En retraçant leur histoire, ce livre entend montrer comment naît le goût pour tout ce qui est neuf, rapide, personnalisé et payant. Car les industries qui fabriquent notre monde ne se contentent pas de créer des objets, elles créent aussi des comportements. Ainsi le consumérisme n'est-il pas tant le vice moral de sociétés gâtées qu'une affaire de production et de conception. Comprendre comment nos gestes sont déterminés par des produits apparemment anodins, c'est questionner la possibilité de les libérer.
Qu'est-ce qui rend uniques, intéressantes et politiques les amitiés féminines ? Pauline Le Gall, journaliste & autrice, donne un écho aux expériences d'amitié féminine en fiction. Car, dans la vie comme à l'écran, elles n'existent jamais en dehors du système patriarcal. Basé sur un corpus de films & séries allant de Thelma & Louise à la série PEN15, elle explore la pop culture et ce qui se joue sur nos écrans, en passant des lieux où se déroule l'action aux personnes qui créent ces histoires, des représentations du genre aux bases d'une nouvelle société. Nous pouvons tout à la fois nous réjouir et analyser les changements à l'oeuvre, car il reste non seulement beaucoup à dire, mais aussi beaucoup à montrer à l'écran.
B dirige une société du numérique appelée « ? ». ? est en passe d'acquérir le monopole de la vente à l'échelle planétaire. Elle est en quelque sorte une société totale, un hypermarché-monde. En parallèle, ? aspire à construire des colonies spatiales, réactivant les fantaisies de la NASA des années 1970. Planète B est une enquête intégralement réalisée derrière un écran d'ordinateur. Elle n'est ni un rapport de spécialiste du commerce international en ligne, ni une ethnologie rigoureuse des super-super-...-super-riches, mais un essai d'artiste qui opère des recoupements et cherche des métaphores afin d'appréhender un monstre en pleine expansion. À la manière d'un exutoire, ce livre sonde avec sérieux et humour une logique qui, par son échelle délirante, nous échappe.
Art et production de Boris Arvatov est aujourd'hui considéré comme un classique dans l'histoire des avant-gardes des débuts de la Révolution russe. Publié à Moscou en 1926, il constitue une intervention cruciale au sein des débats qui ont traversé l'école constructiviste : le statut de l'art après la révolution, ses liens avec les techniques industrielles de reproduction, avec celui de la critique de la vie quotidienne, ou encore avec la question de l'entrée de l'art dans l'usine. Ce texte inédit en français est un document exceptionnel pour qui souhaite approfondir un moment clé de la modernité esthétique du XXe siècle.
Ce guide décolonial nous emmène à l´est de Paris visiter un véritable « triangle colonial », composé de trois monuments qui offrent un condensé de l´histoire culturelle, économique, raciale et politique de la France. On y croisera une colossale fresque mettant en scène le travail forcé dans les colonies, un monument qui fait régulièrement l´objet d´actions anti-colonialistes, et une statue d´Athéna représentant « La France apportant la paix et la prospérité aux colonies ». Posant les bases d´une pédagogie critique explorée par le collectif Décoloniser Les Arts (DLA), cet ouvrage revient sur les débats et les luttes menées à travers le monde autour de statues, célébrant esclavagistes et colonialistes, « au pied desquelles le pouvoir dépose des gerbes de fleurs. ».
Si le bourdon fait partie du système reproducteur du trèfle, pourquoi ne ferions-nous pas partie du processus de croissance d'artefacts ? Un regard attentif aux mondes animaux révèle les mille et une manières dont la technique et le beau émergent du sensible. Mais qu'en est-il des relations sociales de production, de domination et d'exploitation ? Si celles-ci ne relèvent pas exclusivement de l'humain, que disent-elles de la manière dont on le devient ?
Boubaker Adjali ( 1937-2007) abandonna le Lycée pour réjoindre la lutte armée au sein de la Fédération de France du FLN, blessé, mis au vert d'abord en RDA puis étudiant en Cinéma à la mythique FAMU ( Emir Kusturica, Milo? Forman, Mohammed Lakhdar-Hamina). À l'indépendance, âgé d'à peine 23 ans , il occupera des fonctions de premier plan au sein de la Commission centrale d'orientation du FLN. Après le coup d'état conduit par Houari Boumediene, il s'éloigne des arcanes du pouvoir jusqu'à son départ définitif en 1967 pour New-York, où il sera le correspondant attitré d'Africasie. Pendant près de 40 ans, Boubaker Adjali fort des amitiés indéfectibles qu'il noua dans le sillage des conférences de Bandung et de la Tricontinentale fut un révolutionnaire et anticolonialiste sans affiliation ni chapelle qui mi-Capa, mi- Curiel mit ses compétences de photographe et documentariste, de polyglotte et fin analyste géopolitique au service de la SWAPO, , l'ANC, le Fretilin ( Timor) .
C'est quoi le code, une plongée dans le management des développeurs informatiques dans les grandes entreprises et son rapport à la technicité du code, par Paul Ford. Design tactique, une enquête sur les expérimentations anti-plateformes qui fonctionnent par logiciels additionnels et qui sont plébiscités par les artistes et les designers, par Nolwenn Maudet. Klara et la bombe, une réflexion critique sur la manière d'écrire une histoire féministe des technologies à partir de la vie de Klara Von Neumman, qui a contribué aux travaux sur la bombe atomique, par Crystal Bennes.