Cette réédition constitue le recueil des principaux articles (parus d'abord en quatre tomes, entre 1958 et 1962) de celui dont l'oeuvre a illuminé cette collection : André Bazin. Son apport reste plus que jamais décisif pour comprendre le cinéma.
1934. Réfugié en France, travaillant sous l'architecture de fer de la Bibliothèque nationale, l'écrivain et penseur allemand Walter Benjamin reprend son ancien projet de consacrer un ouvrage aux passages parisiens. Il l'avait conçu quelques années plus tôt comme une féérie dialectique proche, par l'inspiration, des déambulations surréalistes de Breton et surtout d'Aragon. Mais l'Europe tourne à l'abîme. Désormais, ce sera un livre constituant non seulement une histoire sociale de Paris au xixe siècle, comme l'annonçait l'institut de recherche sociale d'Adorno et Horkheimer, mais encore un essai d'interprétation globale du xxe siècle et de son équivoque modernité.
À partir des passages de la capitale française, Benjamin déchiffre les figures équivoques d'un rêve qui meurt sous ses yeux sur fond de verre et d'acier. Il décrypte des concepts tels que la ville, la construction, la communication, le transport. Des catégories telles que la distraction, la mode, l'oisiveté, l'intérieur, le miroir, l'ennui. Des événements tels que l'inauguration, l'exposition, la manifestation, l'incendie. Des figures telles que le passant, le joueur, le collectionneur.
Revenant au commencement des phénomènes et des techniques de masse, mesurant leur portée philosophique et politique, brossant un extraordinaire hommage critique à une cité capitale, à son architecture, à ses artistes et à ses écrivains, c'est une fragile aspiration utopique et une promesse oubliée de liberté qu'exhume Walter Benjamin. Car ce sont d'ores et déjà celles d'un monde révolu, prêt à plonger dans l'horreur.
Une contribution essentielle au patrimoine universel de la littérature.
Attaquée par les populismes, critiquée par ses membres, décrédibilisée aux yeux des citoyens, l'Europe, à la veille d'élections cruciales, traverse une crise grave. Dans un entretien passionnant, Jean-Claude Milner interroge les conditions de la survie de l'Union.
Mythe de la fin de l'histoire, ennui de la paix, critique du néolibéralisme, le philosophe aborde aussi la justice sociale, dont il dénonce l'abandon au profit de l'enrichissement. La culture européenne, puisqu'elle existe, n'est pas à créer mais à retrouver.
Dans ces entretiens éblouissants d'intelligence, de vivacité et de vérité, Jean-Claude Milner ne cède à aucun dogmatisme, pense le présent en mettant en perspective le passé et fait montre d'une pondération critique rare.
De la vertu des Pères fondateurs à l'incurie de Bruxelles, c'est l'idéal européen qu'il s'agit de sauver.
La mostra présidée par zhang yimou consacre (de nouveau) le cinéma chinois, en distinguant plaisir charnel interdit.
Au demeurant beijing 2008 joue le même rôle pour la reconnaissance internationale que les jeux olympiques de tokyo en 1964 en enrôlant gong li. le temps vient de donner toute leur importance aux cinémas de chine dans leur diversité. l'ouvrage propose de pénétrer l'empire de l'image et son esthétique. l'auteur expérimente trois prismes afin d'étudier la cinématographie chinoise, des "classiques" aux anticonformistes: analyse des principales oeuvres, différentes problématisations, dizaine d'entretiens approfondis et exclusifs menés en face à face avec des personnalités (spectre exceptionnellement large: de huerxide tuerdi à wang bing - "chroniqueur du monde oriental" et xiaolu guo).
« Dire et vouloir dire » est le premier livre publié par Stanley Cavell, et peut-être le plus important. On y trouve tous les thèmes de sa philosophie : un nouvel usage des actes de langage d'Austin, la ligne directrice de sa lecture radicale de Wittgenstein, l'émergence de la tragédie shakespearienne comme grand texte sceptique. Mais l'intérêt du livre est aussi dans la voix qu'il fait entendre : celle du langage ordinaire, de la valeur et de la validité de ce que « nous » disons, d'un sens moral et esthétique fondé sur l'expressivité d'un « vouloir dire ». Cette approche, que l'on retrouve dans chacun des essais qui composent ce volume, définit le champ de ses objets, ceux d'une esthétique de l'ordinaire : de Shakespeare à Freud et Beckett en passant par le romantisme américain, la cinéma de Hollywood, la critique d'art contemporaine.
« Dire et vouloir dire » est en effet un livre sur le « moderne » et sur la possibilité et la définition de la critique, assise sur notre capacité à revendiquer l'universel dans notre expérience ordinaire. Partant d'Austin et de Wittgenstein, de la parole ordinaire, Stanley Cavell expose la pertinence que nous avons à nous-mêmes et définit en précurseur un enjeu crucial de la philosophie contemporaine.
Inventant le "ciné-cimaise", l'ouvrage requiert de penser le cinématographe jusque dans son altérité : "le cinéma hors les salles". Le Louxor, "Palais du Cinéma", rouvre grâce à la Ville de Paris : il importe d'expliquer le contexte, tant esthétique que sociologique, d'une telle résurrection. Le mariage à trois entre "septième art", patrimoine, art contemporain, entretenant des relations réversibles d'échange, bénéficie d'analyses conceptuelles, confortées par de longues rencontres exceptionnelles avec l'auteur, représentatives pour le champ de recherche, de l'amont à l'aval : l'Ours de la Berlinale Tsai Ming Liang, la Lionne d'Or Su-Mei Tse, Catherine Derosier-Pouchous du Louvre "producteur", NT Binh (alias Yann Tobin, Positif), Michel Gomez, responsable de la Mission Cinéma parisienne, Marie Durand d'Etoile Cinémas, les architectes Philippe Pumain, Luc Liogier, les représentantes du Grand Palais Marjorie Lecointre, Isabelle Stibbe.
Sans oublier la Société Cartier : Takeshi Kitano incarne une figure emblématique de la picturalité cinématographique. Le livre, aussi vade mecum, répond aux délicates questions, tant ontologiques que techniques: pourquoi et comment exposer le cinéma ?
A travers une quarantaine de films choisis pour leur notoriété ou leur valeur symbolique, cet ouvrage interroge trois des paradigmes perdus de la culture cinématographique : le film comme symptôme de société, l'oeuvre comme connaissance de soi et de l'autre, le cinéma comme leçon de vie.
Le concept clé est celui de représentation : la représentation comme spectacle ; la représentation comme proposition analytique ; la représentation comme structuration de l'esprit. au terme de cette première étude, le livre se tourne vers le jeune cinéma français. de quels modes de penser, de quelles contradictions, porte-t-il témoignage ? tout film d'importance, consciemment ou non, révèle les non-dits d'une époque, parfois de ses impasses.
Sanction de l'histoire, le cinéma français semble profondément marqué par un principe de culpabilité qui, à terme, l'inhibe dans ses possibilités d'expression. en un mot, selon la belle formule de bruno bettelheim, il s'agit , pour le spectateur, d'avoir le " coeur conscient ".
Plutôt qu'un commentaire de la philosophie benjaminienne de l'histoire, cet essai est une réflexion à la manière de Benjamin sur l'histoire et les temps présents : quel sens y a-t-il à penser une histoire ou des événements messianiques ? L'histoire et la philosophie de l'histoire sont aujourd'hui à l'arrêt. Si l' histoire du monde ne peut plus être le tribunal du monde (Hegel), il ne s'ensuit pas qu'un tribunal mondial (éthique, politique ou juridique) doive juger l'histoire. L'histoire n'est pas finie ; elle n'est ni terminée ni dépassée (par le droit, la loi, l'humanité, etc.) ; elle est, en revanche ,comme arrêtée . La justice que chaque génération attend de l'histoire est soustraite et exclue de l'histoire : elle est exceptionnelle. Une exception ne confirme ni n'infirme une règle, elle la suspend, et l'arrête : elle la prend sur le fait, la met en défaut et, dans la faille entr'aperçue de la règle (ou du droit), elle fait luire non une autre règle, mais l'autre de la règle (ou l'autre du droit) : la justice. De telles exceptions sont messianiques : elles prennent l'histoire à rebrousse-poil, à contretemps , et, d'un seul souffle, elles interviennent juste à temps.
La mystique occidentale, qui comporte à la fois la théologie négative et les techniques de contemplation, est généralement considérée comme une expérience au-delà de toute expérience, une connaissance par-dessus toute connaissance. Frédéric Nef montre que la mystique obéit, au contraire, aux normes habituelles de toute expérience, même si son objet "l'union avec le divin", dépasse les horizons de l'expérience commune.
L'auteur ne refuse pas d'appliquer à la connaissance mystique les normes de la connaissance, en ce qui concerne notamment la justification des croyances et le rôle premier de la perception. Cette thèse va donc à contre-courant de la manière traditionnelle de concevoir la mystique "un territoire perdu de l'ineffabilité" , en rapatriant la connaissance mystique sous l'autorité rectrice de l'épistémologie, et en favorisant des comparaisons fructueuses avec la science et la philosophie.
Un maître-ouvrage.
L'être humain est un vivant particulier. Il va de soi pour lui que le monde existe et que ce monde, parce qu'il est réel, juge nos paroles, nos actes et nos convictions. Le vivant humain est « réaliste » : il croit à un monde plus vieux que lui et qui lui survivra.
Comment une telle croyance a-t-elle pu advenir ? Comment le réalisme s'est-il inventé dans l'histoire de la vie ? À cette question la philosophie a fourni, au long de son histoire, un ensemble de réponses très diverses. L'être humain croit que le monde existe parce qu'il est un être parlant, ou un vivant déficient, ou un animal politique, etc. Mais que valent ces réponses lorsqu'on les examine et qu'on les discute pour elles-mêmes ? Et comment se défendent-elles, lorsqu'on les soumet au crible d'une enquête empirique appuyée sur l'éthologie animale, la psychologie de l'enfant ou la psycholinguistique ?
C'est ainsi que le réalisme, dès lors qu'il s'entend comme une attitude tard venue dans l'histoire de la vie, somme la philosophie de repenser à nouveaux frais ses partages fondateurs : le réalisme et l'idéalisme, le transcendantal et l'empirique, l'universel et le nécessaire.
Maître de conférences à l'université Jean Moulin-Lyon III, Étienne Bimbenet enseigne la philosophie contemporaine et la phénoménologie. Il est notamment l'auteur de Nature et Humanité. Le problème anthropologique dans l'oeuvre de Merleau-Ponty (2004) ; de Après Merleau-Ponty. Études sur la fécondité d'une pensée (2011) ; et de L'Animal que je ne suis plus (2011).
Dans l'histoire de l'humanité, une étape importante a été franchie avec l'émergence des langues de culture.
Celles-ci se distinguent aussi bien des parlers locaux, qui évoquent un monde clos, que des langues de service, utilisées pour traiter d'une réalité posée d'emblée comme globale, par leur capacité illimitée d'enrichissement expressif, combinant l'élan de différenciation interne avec le souci d'intégration des influences externes. Elles acquièrent ainsi une dimension à la fois particulière et universelle.
En tant que totalités individuelles, elles ont été un puissant vecteur de développement des consciences nationales. C'est sur cette base que se sont constitués, notamment en Europe, les différents systèmes d'éducation modernes. Or la convergence des projets éducatifs européens repose, paradoxalement, sur la divergence des évolutions historiques dont ils sont issus. Enracinés dans des langues de culture formées les unes au contact des autres, grâce au rapport différencié qu'elles entretiennent avec l'héritage des langues anciennes (le grec, le latin, mais aussi l'hébreu), ils visent, chacun, une figure singulière de l'universel.
Inutile donc - et même dangereux - de vouloir les unifier au moyen d'un langage purement fonctionnel, fût-ce un code scientifique ou, plus banalement, une langue de service. Ce livre se présente comme une analyse programmatique des conditions requises pour mettre en oeuvre un véritable tronc commun d'éducation européenne Respectueux des langues de culture qui sous-tendent le dialogue des individus et des sociétés, il fait de la culture des langues le principe d'initiation à toute forme de connaissance partagée et d'intégration réussie.
Des gants connectés qui donnent l'impression de toucher à de très grandes distances des êtres qui n'existent peut-être même pas ; un traitement médicamenteux qui permet à ceux qui ont un numéro de sécurité sociale de conserver une fausse éternelle jeunesse ; une application sur un smartphone qui permet de continuer à dialoguer avec les défunts ; un appareil qui nous indique en permanence et sans ambiguïté l'humeur, l'état d'esprit de ceux qui nous entourent, et notre propre état d'esprit lorsque la machine nous vise ; des conseils personnalisés (sous forme de notifications sur l'écran de nos téléphones) qui nous donnent une parfaite maîtrise sur nos corps et nos esprits... dans la mesure où il y a du réseau !
C'est parce que la technologie contemporaine modifie nos vies que son sens doit être interrogé.
Les nouvelles rassemblées dans ce recueil mettent en scène des personnages hauts en couleur, dont un couple Marcel et Albertine, et leur vie dans plusieurs univers possibles.
L'ensemble des textes réunis dans ce volume permet de prendre la mesure de la pensée esthétique de Dilthey.
Qu'il s'agisse d'une approche d'ordre monographique, comme dans Goethe et l'imagination poétique (1910), d'une mise en perspective historique de tout un champ théorique, comme dans Les Trois Epoques de l'esthétique (1892) et La Naissance de l'herméneutique (1900), ou encore de la construction d'une psychologie transcendantale de l'imagination créatrice, comme dans Eléments pour une poétique (1887), l'auteur dégage, à l'aide d'analyse exemplaires, l'une des dimensions essentielles de ce qu'il nomme, avec un terme emprunté à la traduction allemande de J.S.
Mill, les "sciences de l'esprit ". Se tenant à égale distance du prositivisme et de l'historicisme, ces essais consacrés au mouvement par lequel l'humanité s'élève à la vie de l'esprit cernent la genèse de l'individualité dans les lieux mêmes où le particulier atteint à l'universel : dans les oeuvres. La voie empruntée, celle d'une philosophie.
L'essor de l'art moderne dans Berlin au tout début du siècle pouvait d'autant moins laisser Ernst Cassirer indifférent que sa famille y prit une part active : Paul Cassirer expose dans sa galerie, dès 1904, Van Gogh, Cézanne, Munch, Matisse, et fut l'un des piliers de la Berliner Secession ; Bruno Cassirer était, quant à lui, l'un des plus grands éditeurs de livres d'art.
Comme il le confie dans l'une de ses lettres, le philosophe avait initialement prévu qu'un volume de La Philosophie des formes symboliques fût consacré à l'art. Il ne put jamais mener à bien ce projet. Toutefois, ses échanges avec Ernst Panofsky et Aby Warburg lui permirent de marquer la réflexion esthétique de ce siècle. La publication en un seul volume de l'ensemble de ses textes sur l'art, publiés ou inédits, ainsi qu'une liste des manuscrits concernant ce thème, permet de mieux saisir la conception cassirerienne de l'art comme forme symbolique.
Comme à son habitude, le philosophe déploie sa réflexion aussi bien sur le plan historique - nous livrant ainsi d'éclairants aperçus sur l'histoire de l'esthétique de Platon à Goethe et Kant - que sur le plan systématique. Il apparaît alors que si cette théorie de la mise en forme esthétique put être influente, c'est avant tout par son incontestable contemporanéité.
Lorsque Ludwig Börne mourut en 1837 disparaissait le représentant le plus respecté du républicanisme allemand dans l'exil parisien.
Il avait su, mieux que quiconque, exprimer les espoirs d'une génération emportée par l'enthousiasme de la révolution de 1830. Figure de proue du républicanisme et de l'exil, pourfendeur des tendances xénophobes dans les rangs des nationalistes et conservateurs allemands, Ludwig Börne fut aussi un défenseur passionné de l'émancipation des Juifs. Le patriotisme se confondait chez lui avec un ascétisme ostentatoire, presque religieux.
Pourtant Börne et Heine, son cadet de onze ans, se ressemblaient comme des frères. Tous deux écrivains juifs allemands refoulés à Paris, ils ont tous deux été en butte à des pressions ou des menaces. Parce qu'ils paraissaient interchangeables ils ont été conduits à s'opposer de plus en plus vivement et à devenir des frères ennemis. Pour se démarquer de Börne, c'est sa propre identité que Heine avait à définir en inscrivant dans son livre à la prose la plus achevée les thèmes centraux de son oeuvre.
Le livre sur Börne est un fragment d'autobiographie intellectuelle.
De luci del varietà en 1950 à la voce della luna en 1990, jean-max méjean propose une étude psychanalytique de l'ensemble des films de federico fellini à travers les grands mythes de son univers : la femme, l'initiation, la maison, le vent, le problème de la foi et de la grâce, la folie, la vieillesse et la mort.
Autant de moments forts d'une oeuvre devenue universelle, épisodes d'une sorte de vie commune et rêvée qu'obsèdent aussi des thèmes comme la gémellité, l'androgynie, le masque.
Shoah, de Lanzmann, est un film qui s'intègre dans l'histoire du cinéma par un suspens de l'action négatif, et un suspens des Visages singulier.
Evénement inaugural en ce qu'il fait sauter les cadres qui habituellement au cinéma balisent l'humanité. Shoah présente les Visages de revenants de l'extermination là où elle a été en son centre, et de témoins. Et présente aussi les paysages actuels où l'extermination a eu lieu. Le film laisse désespérance quant à l'Histoire, ne laisse pas subsister les mythes, les illusions qui paraissaient légitimes.
La remémoration qu'il met en acte invalide les constructions de l'histoire fallacieuses, mais elle vise aussi à fonder des pratiques historiennes échappant aux stéréotypes. Et c'est la remémoration, par l'inscription des traces mémorielles, qui autorise l'émergence d'un sujet de l'histoire. C'est par les Visages, d'abord comme événement visible sur l'écran, que Shoah rencontre la philosophie de façon telle que celle-ci ne peut se dérober.
La puissance de pensée de la présentation des Visages dans le film détruit les illusions d'un sens assuré de l'Histoire passant outre les Visages, et même d'une fuite possible vers le Bien au-delà les Visages. Shoah oblige à penser les Visages avec une exigence absolue. Par les Visages narrant la mort et la souffrance advenues, cette pensée du film pose ses contenus de vérité. L'esthétique du film rencontre encore la pensée de Walter Benjamin.
C'est le montage qui crée l'oeuvre cinématographique. L'oeuvre a sa légalité propre, impose sa nuit et sa lumière singulières.