d'oú vient cette obsession de l'interactif qui traverse notre époque ? après la société de consommation, après l'ère de la communication, l'art contribue-t-il aujourd'hui à l'émergence d'une société rationnelle ? nicolas bourriaud tente de renouveler notre approche de l'art contemporain en se tenant au plus près du travail des artistes, et en exposant les principes qui structurent leur pensée : une esthétique de l'interhumain, de la rencontre, de la proximité, de la résistance au formatage social.
son essai se donne pour but de produire des outils nous permettant de comprendre l'évolution de l'art actuel : on y croisera felix gonzalez-torres et louis althusser, rirkrit tiravanija ou félix guattari, et la plupart des artistes novateurs en activité.
Les propositions architecturales de Gordon Matta-Clark.
Figure majeure de l'art américain des années 1970, Gordon Matta-Clark (1943-1978) a produit, pendant les dix années que compte sa brève carrière, un corpus d'oeuvres d'une grande diversité. Expérimentations sur la matière, installations, performances, découpes architecturales, dessins, films, photographies, ou photomontages témoignent de cette multiplicité de démarches et de mediums explorés. C'est au travers de ses découpes (cuttings) et dissections de bâtiments qu'il s'est fait d'abord connaître, en intervenant sur des immeubles abandonnés et voués à la démolition. Ces spectaculaires découpes ont longtemps prévalu dans les analyses, et ont le plus souvent été considérées comme des attaques portées contre l'architecture.
Pourtant, architecte de formation, Gordon Matta-Clark a surtout cherché à expérimenter, selon ses termes, « les usages alternatifs d'espaces qui sont les plus familiers ». Sur la base de documents d'archives, cet ouvrage propose de lire ses travaux depuis ce point de vue venant de l'architecture, en envisageant les mouvements de sa pensée spatiale et ses enjeux architecturaux, dans tous les lieux singuliers explorés. Que ce soit en découpant les murs, planchers et plafonds de bâtiments abandonnés ; en créant une perspective implicite sous une dalle funéraire ; en installant un abri dans un arbre ; en dessinant des maisons-paniers mobiles ; en construisant un mur à partir de déchets trouvés dans la rue ; en voulant grimper au ciel avec une échelle en corde ou en voulant habiter dans un immeuble ballon, que disent ses projets de son idée d'architecture ?
S'il y a bien quelque chose qui laisse des traces, c'est la guerre : terres déchirées ou intoxiquées, architectures effondrées, mémoires et corps meurtris. Mais la guerre est hantée par des formes multiples d'effacement et d'amnésie, qui interdisent tout rapport évident à ses traces. De plus, la guerre ne se contente pas de laisser des traces « derrière » elle, telles les empreintes d'un animal qui a fui et se cache : elle s'incorpore, se rend visible et persiste dans ses traces.
Ce livre rassemble des regards croisés - essais philosophiques et littéraires, contributions artistiques, enquêtes et analyses forensiques - sur des régimes de traces tantôt défaillantes ou obstinées, minimes ou immenses. Il réunit des manières d'approcher la guerre qui déjouent les distinctions traditionnelles : les surfaces terrestres se comportent comme des plaques photographiques, les pixels sont chargés de récits, la destruction se matérialise dans les regards et les mémoires déploient leurs propres géographies.
Ce livre magnifique et quelque peu mystérieux contient une collection inédite de lettres que les célèbres frères Jonas et Adolfas Mekas ont envoyées, depuis les Etats-Unis, au village de Semeniskiai (Lituanie). Toutes étaient adressées à la personne la plus importante de leur vie: Elzbieta Mekas, leur mère.Que s'écrit une famille séparée par la guerre ; deux frères d'un côté de l'océan et leur mère de l'autre ? Les lettres rassemblées dans ce livre, écrites entre 1957 et 1995, répondent à cette question. Accompagné de nombreuses photographies issues du quotidien des deux frères, ce livre illustre et contextualise leur vie aux États-Unis ainsi que leurs visites en Lituanie dans les années 1970. Les frères Mekas ont fui vers l'Ouest en 1944 et sont arrivés à New York en 1949, où ils sont tous deux devenus artistes. Alors que débutait la Guerre Froide, ils ont commencé à écrire des lettres à leur mère, rétablissant une connexion et un dialogue perdus depuis longtemps.Ligne(s) de vie montre deux vies évoluant en parallèle dans le monde libre et dans un pays occupé. Les lettres retracent un amour sincère et une reconnaissance permanente des deux fils envers leur mère, auxquelles s'ajoutent des observations sur le quotidien aux États-Unis et des références à leurs créations. Ouvrage récompensé du prix du plus beau livre lituanien, Baltic Book Art Competition, 2022.
On lui attribue, dans les années 1920, les premiers films impressionnistes, féministes, puis surréalistes. Qu'est-ce que le cinéma ? constitue la première édition des écrits théoriques de Germaine Dulac (1882-1942), pionnière du septième art, près de 75 années après la conception du manuscrit, où elle développe une réflexion sur le cinéma aux échos fortement contemporains.
Composé des nombreuses conférences de la cinéaste (1925-1939) assemblées par sa partenaire Marie-Anne Colson-Malleville et préservées dans les archives de Light Cone, cet ouvrage éclaire le rôle majeur de cette pionnière de l'avant-garde française, innovatrice de la pensée cinématographique moderne, qui théorisait déjà, dès les années 1920, ce qu'est le cinéma.
« L'oeuvre et la pensée de Germaine Dulac ont beaucoup compté dans l'histoire du cinéma. Ce livre permet de mieux la connaître et de l'apprécier. C'est très important pour faire vivre la cinéphilie, qui est d'ailleurs l'une des missions du CNC. » Dominique Boutonnat, Président du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) Ouvrage récompensé du Prix du livre de cinéma 2020 du CNC.
Rêvées pendant des siècles, les oeuvres créées par les intelligences artificielles sont devenues des réalités concrètes en littérature et en art, désormais exposées et lues. Comment analyser, attribuer, juger de telles oeuvres qui nous font entrer dans la vallée de l'étrangeté ? Quelles sont en retour les conséquences de telles innovations sur notre compréhension du champ artistique ? Comment la critique se doit-elle de réagir face à de telles créations, qui remettent radicalement en question l'ensemble des concepts et des valeurs esthétiques anciennes centrées sur l'humain ? Peut-on simplement les aimer et en être ému ? Voilà quelques-unes des questions de cet ouvrage, le tout premier consacré aux créations des IA et aux problèmes qu'elles posent.
Publié suite au colloque international éponyme organisé par l'Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle en 2021.
Une étude sur les représentations de la séropositivité et du sida dans l'art américain et européen.
La crise du sida est un tournant majeur de l'histoire contemporaine, en art aussi. Ce livre s'intéresse à son impact sur les artistes et activistes américains et européens, du premier recensement des cas de la maladie, en 1981, à la révolution thérapeutique de la fin des années 1990. De Cindy Sherman à Derek Jarman, de Niki de Saint Phalle à Jeff Koons, de Gilbert & George à Jenny Holzer, de Michel Journiac à David Wojnarowicz, d'Izhar Patkin à Zoe Leonard, ou dans ce que produit ACT UP, on repère le même saisissement dans les représentations qui ne pouvaient alors plus être les mêmes, et pour cause.
Les images sont habitées par tout ce qui travaillait les sociétés occidentales au temps de l'épidémie, et d'abord le pire d'elles-mêmes, qui se défoulait dans un espace social miné par la crise. Elles s'en souviennent, comme des forces de résistance qui lui furent opposées. Elles sont les témoins de la volonté intraitable de ne rien céder, mais également de sortir par tous les moyens d'une situation bloquée.
À partir de très nombreuses représentations visuelles, ce récit de la crise épidémique ouvre ainsi sur une histoire politique, économique et sociale de cette époque fatalement hantée par la catastrophe.
Cet ouvrage est issu d'une thèse ayant reçu la « Mention spéciale », Prix de thèse de l'université Paris-Sciences-et-Lettres (PSL) 2019 (catégorie « Sciences humaines et sociales »), le Prix de thèse 2019 de l'École doctorale 441 d'histoire de l'art-Équipe d'accueil du Centre de recherche Histoire culturelle et sociale des arts (HiCSA), université Paris 1 Panthéon Sorbonne et le Prix de thèse en histoire de l'art 2018 de la Commission de la recherche de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Si l'histoire des rapports entre Paris et New York est bien connue, celle des relations entre Paris et Dakar l'est beaucoup moins. Entre la France et le Sénégal, la circulation des objets, des artistes et des idées atteste des rapports de force qui agitèrent la scène artistique dans les années 1950 à 1970, marquées par le processus de décolonisation et la guerre froide. De l'élaboration d'un art moderne national au Sénégal, à la contestation de la politique de coopération mise en place entre les deux pays, des expositions « Picasso » ou « Soulages » organisées à Dakar dans les années 1970, à l'exposition d'art contemporain sénégalais organisée à Paris en 1974, une géopolitique des arts se mettait en place, au coeur de laquelle plasticiens et cinéastes jouèrent un rôle actif.
Transnational et transhistorique, cet ouvrage s'inscrit dans le champ d'une histoire de l'art mondialisée, et invite à décentrer les regards pour envisager l'histoire de l'art de ces années à nouveaux frais. Il permet également de repenser l'historiographie communément admise au sujet de la globalisation de l'art contemporain, en démontrant que « tout » ne commence pas dans les années 1990.
Considérer l'avant-garde et la contre-culture, lorsque règne une platitude généralisée permet d'approfondir la compréhension de phénomènes sans recourir uniquement à des discours idéologiques. Cependant compte tenu du sujet il s'avère impossible de le traiter sans prendre parti de façon passionnée. Sans prendre de risque, sans déranger l'existant, point d'avant-garde. Pour ces trois auteurs l'avant-garde est un état d'esprit, une attitude de vie.brCet ouvrage démontre qu'entre l'avant-garde et la contre-culture existent des similitudes, mais également des différences : les uns construisent en se projetant davantage dans un futur utopiste, tandis que les autres adoptent une attitude de résistance qui privilégie l'ici et le maintenant.brLectures philosophique, sociologique et parole d'artiste contribuent à dessiner une méthode. Celle-ci, en croisant ces trois points de vue, tente de répondre à une question primordiale : qu'est-ce qu'un changement dans l'expression artistique ?brMéthode qui interroge à la fois sur le milieu artistique et ses acteurs, le contenu de leurs oeuvres et les ruptures que provoque leur imaginaire.
L'historienne de l'art Anne Lafont livre une étude inédite sur les relations étroites et paradoxales de l'art et de la race à l'époque des Lumières. Une nouvelle voix dans les travaux actuels sur les questions de race, d'art, d'images et de colonies.
En se fondant sur un corpus d'oeuvres d'art connues et moins connues, l'auteure revisite les Beaux-Arts au XVIIIe siècle sous l'angle de la représentation des Noirs, figures qui, non seulement, articulent savoirs anthropologiques et expériences esthétiques, mais aussi histoire du luxe métropolitain et histoire de l'esclavage colonial. Ce livre est fondé sur une recherche de plus de dix ans sur les formes qu'ont prises les figures de l'Africain et de l'Africaine dans l'art continental et colonial français d'avant l'imaginaire abolitionniste. Il couvre les cultures visuelles et artistiques qui vont de la fin du XVIIe siècle - à l'époque de Coypel, Mignard, Largillière... - quand les colonies antillaises commencèrent à percer dans le champ artistique métropolitain, au premier tiers du XIXe siècle - à l'époque de Girodet, Benoist et Léthière jusqu'à Géricault... - quand l'échec de la première abolition de l'esclavage (1802) durcit l'iconographie partisane, mettant la violence des vies dans les plantations à l'ordre du jour de la création artistique.
La première étude consacrée au mouvement de l'art écologique et environnemental américain.
Comment un mouvement artistique entièrement consacré à l'écologie et apparu aux États-Unis au cours des années 1960 a-t-il pu passer pratiquement inaperçu jusqu'à aujourd'hui ? Telle est la question au coeur de cet ouvrage qui retrace les conditions d'émergence et le développement de corpus entièrement dédiés à la cause environnementale.
Entre découvertes et nécessaires mises au point définitionnelles, Bénédicte Ramade procède à des analyses plurifactorielles, révise les faux-semblants et affirme ainsi le caractère précurseur de cet Art écologique au regard de l'Anthropocène. Dans cette nouvelle perspective théorique et culturelle, le potentiel visionnaire et l'inventivité des démarches d'Agnes Denes, Joe Hanson, Helen Mayer Harrison et Newton Harrison, Patricia Johanson, Bonnie Ora Sherk, Alan Sonfist et encore Mierle Laderman Ukeles prend une envergure inédite.
Premier ouvrage à être dédié à ce mouvement, Vers un art anthropocène. L'Art écologique américain pour prototype postule une histoire singulière et un cadre théorique essentiels à la compréhension des enjeux de l'écologie dans les pratiques artistiques actuelles.
Un dialogue entre deux danseuses et chorégraphes contemporaines majeures, accompagné d'échanges avec des collaborateurs de Trisha Brown, de textes de ses danseurs, de notes et de la transcription d'une conférence. L'ensemble est suivi d'un essai sur la filiation déliée entre Trisha Brown et Emmanuelle Huynh.
Une enquête sur les enjeux à la fois artistiques et politiques de l'art participatif, depuis les années 1990.
Jeremy Deller propose aux anciens mineurs d'Orgreave de participer à la reconstitution historique en costume de l'émeute ouvrière anglaise de 1984. Javier Téllez organise avec les patients de l'hôpital psychiatrique de Tijuana la propulsion d'un homme-canon par-dessus la frontière américano-mexicaine. Thomas Hirschhorn invite les habitants d'un quartier du Bronx à construire un monument en l'honneur du philosophe Antonio Gramsci. Une peau de cerf sur les épaules, Marcus Coates rencontre les résidents d'HLM à Londres et réalise une consultation spirituelle du lieu, en qualité de chaman.
Ces pratiques artistiques contemporaines forment une nouvelle galaxie étrange, qu'on appellera ici art en commun. Il s'agit de créer dans l'espace social plutôt que dans l'atelier ; sur une longue durée et avec d'autres plutôt qu'en son for intérieur ; de façon collective plutôt que démiurgique. L'oeuvre n'est pas le fruit du travail de l'artiste seul, mais celui d'une collaboration en présence entre artiste et volontaires.
Ce dispositif artistique bouleverse notre conception de l'art et nos catégories esthétiques. Mais il revêt aussi une dimension politique, en s'emparant des questions de participation et de communauté qui comptent parmi les enjeux les plus cruciaux des tentatives actuelles de vivification de la démocratie, comme de la reconfiguration de nos manières de vivre.
Cet ouvrage propose d'interroger les liens entre participation en art et en politique dans le contexte démocratique et néolibéral qui est le nôtre. Et de penser comment l'art en commun peut contribuer à la réinvention des formes possibles du collectif.
138 entrées pour explorer les non-dits des nouvelles technologies, intelligences artificielles et autres aspects du numérique, d'algolittérature et asservissement machinique à viralité en passant par capitalisme de plateforme, évangélisme technologique, glitch-féminisme, médiactivisme et technopolice.
Si le numérique est désormais ubiquitaire, s'il s'infiltre partout - pour nous connecter, nous assister, nous augmenter, nous surveiller - quels sont les angles morts de ce regard dont le centre est partout et la circonférence nulle part ? C'est à cette question qu'essaient de répondre les 145 entrées et la vingtaine de contributeur·es de ce glossaire. On y trouvera des expressions-clés, familières ou inattendues, des réflexions originales et des synthèses pédagogiques sur les profondes ambivalences dont ces angles morts sont le lieu. Ces zones d'ombre marquent en effet à la fois des limites et des lacunes des meilleurs efforts de programmation, condamnant certaines réalités à rester exclues de ce qui (se) compte dans notre monde numérisé. Ces angles morts constituent du même coup de précieuses zones d'opacité, qui sont parfois à défendre comme autant de marges de liberté.
C'est pour nous permettre de mieux naviguer parmi ces ambivalences que cet ouvrage propose quelques éléments d'un vocabulaire commun du numérique ubiquitaire. Il se veut critique, parce que les formes prises par les exploitations actuelles du numérique sont souvent inquiétantes et demandent à être restructurées. Il se dit amoureux pour renouer avec une veine d'espoirs et d'émerveillements devant les potentiels d'émancipation et d'intelligence collectives dont reste porteuse la computation.
Publié suite au colloque éponyme de Cerisy en 2020.
Un état des lieux complet des études sur la culture visuelle, de ses origines dans l'histoire de l'art aux perspectives actuelles ouvertes par les nouvelles technologies, la réalité virtuelle et l'intelligence artificielle.
Cet ouvrage présente les concepts fondamentaux, les questions principales et les nouvelles perspectives de recherche des études sur la « culture visuelle ». Après avoir retracé les origines de cette notion dans la tradition de l'histoire de l'art et dans les théories de la photographie et du cinéma des premières décennies du XXe siècle, le livre reconstruit le développement récent, au niveau international, des visual culture studies et de la Bildwissenschaft. Les chapitres suivants proposent des outils essentiels pour étudier la dimension techniquement déterminée, mais aussi historiquement et socialement située, des images comme des formes de la vision. Les exemples analysés proviennent de contextes culturels et de périodes historiques très variés et concernent jusqu'à la réalité virtuelle et la réalité augmentée, les nouvelles images produites par l'intelligence artificielle et les nouvelles technologies de machine vision.
Le végétal au premier plan de la pensée philosophique.
Là où les philosophes contemporains s'abstiennent d'aborder la vie végétale sous l'angle ontologique et éthique, Michael Marder place les plantes au premier plan de l'actuelle déconstruction de la métaphysique. Il identifie les caractéristiques existentielles du comportement des plantes et l'héritage végétal de la pensée humaine afin de confirmer la capacité qu'ont les végétaux à renverser le double joug de la totalisation et de l'instrumentalisation. Au fil de son écriture, Marder se penche sur les plantes du point de vue de leur temporalité, de leur liberté et de leur sagesse. La pensée végétale vient caractériser tant le mode de pensée non cognitif, non idéel et non imagé qui leur est propre que le processus consistant à ramener la pensée humaine à ses racines et la rendre végétale.
Une étude pluridisciplinaire inédite du couple texte-image dans sa dimension politique, depuis le militantisme du début du XXe siècle jusqu'aux luttes de « visibilité » des minorités.
Comment la culture visuelle instruit-elle le débat politique ? À la fois outil d'information, de propagande, de contre-pouvoir et d'éveil des consciences, le phototexte - dispositif formel alliant photographie et texte, et instaurant par son assemblage une unité de sens - s'inscrit pleinement dans la construction médiatique de nos démocraties contemporaines. Slogans, affiches, tracts, pamphlets, interventions urbaines ou physiques, grèves, manifestations sont autant d'artefacts révélant que la mémoire militante s'éprouve aussi dans une reconfiguration créative articulant le texte et l'image.
Dressant un panorama riche et varié de cent ans de luttes par la photographie et le texte, ce recueil pluridisciplinaire et international rassemble dix-huit essais inédits faisant le point sur le phototexte. Du photomontage antifasciste des années 1910 aux stratégies de visibilité sur les réseaux sociaux en passant par son instrumentalisation au service des luttes féministes, antiracistes et indépendantistes, l'ouvrage propose une histoire de l'engagement social, visuel et créatif.
Un essai pour rendre compte de l'architectonique d'Aby Warburg (1866-1929) en resituant ses travaux à l'intérieur de son projet d'anthropologie générale de l'expression : Lara Bonneau montre, à partir d'un texte aussi peu connu qu'important, que l'invention de l'iconologie, qui a rendu l'historien de l'art célèbre, était sous-tendue par une ontologie puisant à diverses sources, aussi bien philosophiques, psychologiques et biologiques qu'historiques.
Relire l'oeuvre d'Aby Warburg à la lumière de ses Fragments sur l'expression pourrait sembler téméraire, tant ce texte labyrinthique paraît à première vue obscur, sibyllin. En s'appuyant sur leurs points saillants, sans prétendre à l'exhaustivité, l'auteure entend montrer que les Fragments contiennent in nuce la structure du projet warburgien dans son ensemble.
Derrière l'invention de l'iconologie (et en amont de sa mise en pratique), une quête anthropologique se dessine : appréhender l'humain comme un être essentiellement symbolique et puiser aux racines de la vie biologique et sociale la « montée de sève » qui commande la création artistique.
En mettant l'accent sur le caractère expressif du sujet, Warburg reconduit la détermination de l'être rationnel à son sous-bassement originaire : au mouvement par lequel il s'arrache à la matière pour se donner un espace de pensée (Denkraum). À rebours des interprétations qui font de Warburg un chantre de l'irrationnel et du pathos, l'auteure montre que l'historien de l'art demeure héritier des Lumières et que l'on peut lire son oeuvre à l'aune d'une ambition : celle de comprendre la lutte de l'être humain pour s'orienter dans le cosmos et en soi-même.
« Une étude novatrice, à la fois brillante, rigoureuse et érudite, qui révèle un autre Aby Warburg sous les traits d'un anthropologue, à la lumière de l'un des ses principaux manuscrits inédits récemment publié [...]. La masse des écrits laissés par Aby Warburg après sa mort est aussi monumentale que chaotique, et constitue à ce titre un défi durable pour toute entreprise d'interprétation. C'est ce défi qu'avec une belle témérité entend relever Lara Bonneau dans le livre magnifiquement édité et richement illustré qui paraît aux Presses du réel [...]. Interprétation étonnamment novatrice, donc, que celle que propose cet ouvrage foisonnant, d'une écriture toujours parfaitement claire, qui réussit la prouesse de se montrer infiniment plus claire que l'auteur étudié, et à la lecture de laquelle on se plaît à penser que Warburg lui-même, qui eut tant de mal à formuler ses thèses dans des textes lisibles de tous, n'aurait pas manqué de s'instruire. » Hicham-Stéphane Afeissa, Nonfiction.fr
Aux États-Unis, à la fin des années 1970, des artistes comme Dara Birnbaum, Jack Goldstein, Barbara Kruger, Louise Lawler, Sherrie Levine, Robert Longo, Richard Prince ou Cindy Sherman se mettent à reproduire des images de la publicité et du cinéma. On les nomme Pictures Generation, en référence à l'exposition Pictures et à l'essai éponyme de Douglas Crimp. Le critique affirme alors que la démarche de ces artistes, basée sur la copie, met fin à la course à l'originalité qui guidait l'art jusqu'alors. La Pictures Generation est ainsi érigée en alternative à l'expressivité bien qu'elle copie des images faites pour affecter, fasciner ou susciter le désir.
À cette période, les images des médias de masse passionnent la société : la publicité est critiquée pour sa tendance à la manipulation psychologique ; les théories féministes décortiquent les représentations des femmes dans le cinéma hollywoodien ; la contre-culture détourne les normes et les stéréotypes. Entre questions réflexives sur la pratique de l'art et préoccupations sociales de l'époque, la Pictures Generation s'invente une attitude pour manipuler les passions.
La dimension temporelle de l'image.
Nous avons l'habitude de voir les images d'abord comme des représentations spatiales, des découpes dans l'espace. Et pourtant l'image est autant temps qu'espace. Si elle travaille le temps, en le fixant ou en le mettant en mouvement, le temps travaille aussi l'image, en la transformant, voire en la faisant disparaître. Et ce temps n'est pas unique, il est multiple et entrelacé. Certes l'histoire s'inscrit dans les images, mais celles-ci s'inscrivent aussi toujours dans l'histoire. De même, au temps qu'il faut pour prendre une image répond le temps nécessaire pour la percevoir. Le temps de réception est toujours traversé par le temps collectif des communautés humaines, et donc par le temps du politique.
Les différentes dimensions du temps de l'image sont explorées à partir de treize cas concrets dont l'expérience de la durée éprouvée par Dieter Applet, la diapositive comme cinéma primitif chez les artistes contemporains, la reconstitution de l'histoire des objets spoliés par les Allemands, le réemploi des Archives de la Planète d'Albert Kahn par Chris Marker.
La traduction française du livre majeur de l'anthropologue anglais Alfred Gell, l'une des toutes premières tentatives anthropologiques de définition de l'art, un ouvrage fondamental, tant pour les historiens de l'art que pour les anthropologues, et dont le concept principal (agency, « agentivité ») a depuis longtemps été repris par maints théoriciens.
Plutôt que de penser l'
La pensée de Jacques Rancière a profondément modifié la réflexion contemporaine, en particulier dans sa façon nouvelle d'articuler les rapports entre esthétique et politique. Bien qu'elle ait pris une place grandissante dans son oeuvre, à la faveur des derniers livres notamment, la question des images et de leur pouvoirs n'avait pas encore fait l'objet d'une interrogation spécifique. Une conversation, assortie d'une introduction par Andrea Soto Calderón, afin de mieux cerner en quoi les images sont le site d'une reconfiguration des possibles.
Entre histoire de l'art, psychanalyse et philosophie, Éric Alliez pense à nouveaux frais les questions de l'érotisme et du genre posées par les « machines désirantes » de Marcel Duchamp, en (non-)relation avec Lacan, à travers une iconographie foisonnante et à partir d'une analyse audacieuse et novatrice du rapport entre langage (des jeux de mots aux notes théoriques dans les carnets et écrits duchampiens) et matérialité plastique dans son oeuvre. Un ouvrage essentiel non seulement pour l'histoire de l'art contemporain, offrant de nouvelles façons de naviguer dans l'oeuvre de Duchamp, mais aussi concernant la relation entre le langage, la psychanalyse et les études queer.
Quelques grands fous littéraires s'en mêlant (Brisset, Roussel, Jarry, et... Lacan), ce serait la grande leçon en Duchamp du signe : on ne fait pas d'enfant dans le dos de Duchamp, c'est lui qui vous en fait... après qu'il en eût fait plus d'un dans le dos de l'art, assigné au contemporain d'un champ qui sera du signe du sexe. Avec confusions en tout genre - et de tous les genres.
On pourra dire que ce sont des jeux de mots à la con. Sauf qu'ils sont porteurs de ces (non-)oeuvres qui, pour une part, doivent rester inacceptables comme art pour manifester un « écart » dont la théorie (antiscientifique, antiphilosophique, antipsychanalytique) se montre et se démontre pleinement intégrée à l'oeuvre. Un dispositif opérationnel et spéculatif étourdit la « décision du sens » des mots autant qu'il défie les attraits d'une esthétique pour leur substituer la déterritorialisation la plus crue et la plus sophistiquée de la ritournelle readymade ou readymale de la sexuation.
Nous nous sommes donc exposés dans cet essai en « charnière » qui marie une espèce de roman policier (le R. Mutt signant l'urinoir serait le pseudo en miroir de la déesse Mut d'un Freud américain) à une sorte de science-fiction (avec machines volantes et montres molles redressées par Lacan) faisant si bien « trou » dans le dicible du « champ freudien » que nous y avons trouvé matière à mutologie queer.
Ce qui est, à tout prendre, conforme au « renvoi miroirique » de tous les signes empruntés à grande allure par Duchamp pour les soumettre aux Litanies du chariot en faisant machine désirante d'une Rrose Sélavy aux excentricités innombrables.
C'est aussi que Duchamp pourrait bien être l'Autre de Lacan, même. Ou encore : « a Guest + a Host = a Ghost ».
Le grand retour de la question anthropologique a complètement redessiné les enjeux de la représentation. Un état des lieux.
Ces dernières années ont été le théâtre d'une étonnante résurgence de la question anthropologique. Parmi les propositions les plus débattues, il y a eu celle qui consisterait à penser l'homme non pas comme un animal doué de langage, mais avant tout comme un homo pictor ou encore comme un homo spectator, capable de produire et de reconnaître ses propres images. Si entre-temps, cette idée d'une anthropologie par l'image a permis d'inaugurer des nouveaux domaines de recherche, comme l'anthropologie visuelle, celle-ci relève cependant d'une histoire déjà plus ancienne dont cet ouvrage livre quelques clés. Entre ceux qui considèrent que les images sont le reflet exact de l'homme et ceux qui, au contraire, sont d'avis que les artefacts visuels mènent une vie dont les raisons échappent à la logique anthropocentrique, se dessinent aujourd'hui les lignes de front de ce qui s'apparente à une nouvelle querelle de l'image.