Les OEuvres de Fernand Deligny (1913-1996) reconstituent en 1856 pages de textes, images, fac-similés, les étapes d'une trajectoire qui conduisit cet éducateur sans diplôme de la lutte contre l'institution « Sauvegarde de l'enfance » à une approche expérimentale de l'autisme. L'ouvrage rassemble l'essentiel de son oeuvre, éditée et inédite : de Pavillon 3, ses premières nouvelles (1944), aux textes sur l'image des années 1980 et à l'évocation de sa dernière et monumentale tentative autobiographique, L'Enfant de citadelle.
L'écriture fut pour Deligny une activité constante, existentielle, le laboratoire permanent de sa pratique d'éducateur. Ses premiers livres sont des pamphlets contre l'« encastrement » institutionnel et contre l'approche psychopédagogique qui anime la politique rééducative de l'après-guerre et dans laquelle il voit très tôt s'annoncer la « société de contrôle ». À partir de la fin des années 1960, il engage une réflexion anthropologique contre la « domestication symbolique » et pour une définition de l'humain a-subjectif, spécifique, dépris de lui-même. Il accueille des enfants autistes dans les Cévennes et invente un dispositif : un réseau d'aires de séjour, des éducateurs comme lui non professionnels, un « coutumier » ritualisé à l'extrême, inspiré de l'agir et de l'immuable autistiques. Il invente une cartographie, les fameuses « lignes d'erre », se saisit du cinéma pour remettre en cause le point de vue hégémonique de « l'hommeque- nous-sommes ».
Le volume - chronologique - s'accompagne d'une édition critique détaillée : les textes et films en images sont précédés d'introductions (Sandra Alvarez de Toledo) qui les replacent dans leur contexte historique et dans la biographie intellectuelle de Deligny ;
Chacune des cinq parties de l'ouvrage se conclut par un texte (Michel Chauvière, Annick Ohayon, Anne Querrien, Bertrand Ogilvie, Jean-François Chevrier) qui dégage les lignes de force de sa pensée au cours de ses tentatives successives.
« Auschwitz a mis la littérature en suspens », écrivait Imre Kertész. La première partie du livre analyse les théories qui ont d'abord soumis la littérature de témoignage à un interdit ; puis l'auteur interroge le « quiproquo du genre » (le témoignage comme genre littéraire). La seconde partie aborde les oeuvres, en commençant par les poétiques de trois déportés politiques français, D. Rousset, Ch. Delbo, J. Cayrol. Elle analyse ensuite les oeuvres de J. Améry, I. Kertész, P. Rawicz et E.
Hillesum, dans le rapport complexe qu'ils ont créé à leurs traditions culturelles et littéraires.
Le livre s'achève par un chapitre consacré à G.-A. Goldschmidt et A. Appelfeld et à l'idée d'une « langue des enfants », qui désignerait le véritable chemin de la mémoire et de la poésie.