Inspiré d'un fait-divers survenu en 1856, Beloved exhume l'horreur et la folie d'un passé douloureux. Sethe est une ancienne esclave qui, au nom de l'amour et de la liberté, a tué l'enfant qu'elle chérissait pour ne pas la voir vivre l'expérience avilissante de la servitude. Quelques années plus tard, le fantôme de Beloved, la petite fille disparue, revient douloureusement hanter sa mère coupable. Loin de tous les clichés, Toni Morrison ranime la mémoire, exorcise le passé et transcende la douleur des opprimés.
Frank Money est Noir, brisé par la guerre de Corée, en proie à une rage folle. À Atlanta, il doit retrouver sa jeune soeur Cee, cobaye d'un médecin blanc, pour regagner Lotus en Géorgie, la ville de son enfance ... « le pire endroit du monde ». S'engage pour lui un périple dans l'Amérique ségrégationniste des années 1950 où dansent toutes sortes de démons. Avant de trouver, peut-être, l'apaisement. Parabole épurée, violemment poétique, Home conte avec une grâce authentique la mémoire marquée au fer d'un peuple et l'épiphanie d'un homme.
Bride est une femme magnifique. La noirceur de sa peau lui confère une beauté hors norme. Pourtant, elle a aussi été un choc à sa naissance pour ses parents. La jeune fille est prête à tout pour gagner l'amour de sa mère, même à commettre l'irréparable. Au fil des années, Bride connaît doutes, succès et atermoiements. Mais une fois délivrée du mensonge - à autrui ou à elle-même - et du fardeau de l'humiliation, elle saura se reconstruire et envisager l'avenir avec sérénité. Dans son onzième roman, qui se déroule à l'époque actuelle, Toni Morrison décrit sans concession des personnages longtemps prisonniers de leurs souvenirs et de leurs traumatismes et signe une oeuvre magistrale et puissante.
Avec L'oeil le plus bleu, saisissant premier roman vibrant de douleur et de révolte, Toni Morrison marque son entrée en littérature. À Lorain, dans l'Ohio des années 40, Claudia et Pecola, deux fillettes noires, grandissent côte à côte. La première déteste les poupées blondes, modèles imposés de perfection qui lui rappellent combien sa haine est légitime. L'autre idolâtre Shirley Temple et rêve d'avoir les yeux bleus. Mais face à la dure réalité d'une Amérique Blanche, le rêve de beauté d'une petite fille est un leurre qui ne cède le pas qu'au fantasme et à la folie.
Avec Love, son dernier roman, Toni Morrison travaille sur la mémoire et l'obsession. Nous y découvrons un groupe de personnages féminins littéralement captivés par un homme, décédé depuis vingt-cinq ans au moment où s'ouvre le roman, vers le milieu des années 1990.
Cet home, Bill Cosey, possédait jadis un hôtel pour Noirs fortunés, sur la côte est des USA. L'hôtel connut son heure de gloire au milieu du 20ème siècle ; tout ce que la communauté noire comptait d'artistes, de médecins, d'hommes d'affaire ou de femmes du monde venait s'y retrouver pour prendre du bon temps au bord de l'océan.
Le mouvement pour les droits civiques et la déségrégation ont bouleversé cet univers présenté comme idyllique, si l'on oublie le caractère très exclusif de la politique commerciale mise en place par Bill Cosey, qui refusait l'accès à son établissement aux plus pauvres de sa communauté. L'hôtel a fini par fermer, et la demeure familiale est devenue le champ de bataille de deux femmes, Heed, la veuve de Cosey, et Christine, la petite -fille du maître des lieux. Ce sont d'anciennes « meilleures amies » d'enfance, mais leur amitié connut un tournant fatal lorsque Cosey, lui-même veuf, choisit de se remarier avec Heed, qui avait alors onze ans.
La différence d'âge entre cet homme, déjà grand-père, et cette petite -fille n'est pas le seul sujet de scandale. Heed vient par ailleurs d'une famille extrêmement pauvre et illettrée et elle a le plus grand mal du monde a tenir sa place dans un univers familial très critique. Heed et Christine deviennent peu à peu les meilleures ennemies du monde, surtout après la mort de Cosey, qui laisse derrière lui un testament fort ambigu. La lutte des deux femmes, pour savoir qui est l'« enfant chérie » à laquelle reviendra la fortune de Cosey, constitue un des moteurs du roman. Christine veut faire appel de la décision du juge, pendant que Heed, qui a recruté une jeune fille, une tête brûlée du nom de Junior, entend fabriquer avec elle un faux testament, qui serait plus indiscutable.
À la toute fin du roman, les deux femmes se retrouvent dans l'hôtel abandonné, dans des circonstances dramatiques, qui seules leur permettront de se parler enfin, de se retrouver et de comprendre que chacune n'a finalement plus que l'autre, avant le retournement final, dû à la voix narrative, venue d'outre -tombe, de L, une autre de ces femmes qui gravitaient autour de Bill Cosey.
Love, en apparence, ne semble pas s'attaquer à de grandes et tragiques questions, comme avait pu le faire Beloved. Il n'empêche que Toni Morrison nous plonge à la fois dans une réflexion sur l'histoire de la communauté afro-américaine qui est tout sauf conventionnelle, et dans un huis clos psychologique, qui lui permet une présentation extrêmement pénétrante des relations entre les femmes et l'homme, des relations des femmes entre elles, toujours en rivalité pour être l'élue de cet homme aux multiples facettes, qui sont autant de facettes imaginaires qu'elles ont elles-mêmes mises en place. De fait, Love est également bel et bien un roman qui parle d'amour, qui parle de l'amour.
« Toni Morrison donna à l'université de Harvard une série de conférences sur le roman américain qui sont à l'origine de Playing in the dark. Elle analyse le rôle attribué au personnage noir, et la place qui lui est réservée dans les oeuvres de Melville, Twain, Willa Cather, Poe, Hemingway., écrites pour des lecteurs à peu près toujours identifiés à des Blancs. Toni Morrison apporte un éclairage nouveau et très personnel sur la fiction américaine, et, plus généralement, sur la manière dont s'est constituée l'identité blanche américaine au fil de l'histoire littéraire.
« Qu'arrive-t-il à l'imagination textuelle d'un auteur noir, qui reste à un certain niveau toujours conscient de représenter sa propre race devant, ou malgré, une race de lecteurs qui se pense comme « universelle » ou sans race ? » demande-t-elle. » (Nicole Zand, Le Monde)
Toni Morrison sera la grande invité du Louvre pour le mois de novembre. L'Américaine, prix Nobel de
littérature assurera la programmation de l'auditorium. Le livre servira de support à l'événement. Il
comportera un texte de Toni Morrison, sur le thème « Etranger chez soi », à partir du tableau de
Géricault, Le Radeau de la méduse, trois textes des conservateurs du département des Antiquités
Grecques, Etrusques et Romaines ainsi que trois textes de slameurs qui interviendront dans la grande
galerie.