Catalogue de l'exposition Images en lutte - La culture visuelle de l'extrême gauche en France (1968-1974), présentée au Palais des Beaux-arts, Paris (21 février - 20 mai 2018).
Les années 1968 en France sont le théâtre d'une formidable production visuelle, portée par les utopies révolutionnaires. Pendant cette période (1968-1974), militants et artistes d'extrême-gauche oeuvrent pour inventer de nouvelles formes d'expressions visuelles en lien avec les luttes collectives. Images en lutte raconte cette extraordinaire rencontre entre l'art et la politique qui débute et se referme à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, de l'Atelier Populaire en 1968 aux réunions du FHAR et du MLF en 1974.
Cet ouvrage s'ouvre par les affiches de l'Atelier Populaire et présente pour la première fois de nombreux projets ainsi qu'un reportage photographique sur l'occupation de l'Ecole. Des dossiers sont consacrés aux luttes, aux soutiens, aux révolutions, à la libération sexuelle... Il rassemble des peintures, des photographies, des sculptures, des installations, des revues, des tracts, des affiches politiques, des extraits de films et des photographies relatifs à ce moment d'agencements singuliers.
À la fin des années 1960, l'opposition à la guerre du Vietnam, au racisme et à l'injustice sociale se radicalise aux États-Unis, avec le soutien de nombreux artistes. Le 9 septembre 1971, une révolte éclate à la prison d'Attica dans l'État de New York. Immédiatement, les détenus, en majorité noirs, font entrer journalistes, photographes et observateurs. Pour la première fois, une mutinerie est ainsi suivie de l'intérieur. Au bout de quatre jours, l'assaut est donné. La révolte se solde par quarante-trois morts et des dizaines de blessés.
L'événement a un écho immense, entraînant enquêtes et mobilisations :
Attica devient un symbole de la lutte contre l'arbitraire. C'est cette histoire, à la fois artistique et politique, que met en lumière le livre. Elle renvoie aux conflits raciaux qui traversent toujours les États-Unis et à la situation dramatique de ses prisons. Elle engage aussi à porter plus d'attention aux conditions de détention comme aux discriminations qui existent en France aujourd'hui.
Outre documents et images d'archives, le livre rassemble des photographies et oeuvres graphiques d'artistes tels que Cornell Capa, Emory Douglas, Faith Ringgold, Martha Rosler, Stephen Shames, ou Frank Stella. Il comprend également six essais d'historiens de différentes disciplines ainsi qu'une introduction et un récit des événements par Philippe Artières, historien, directeur de recherches au CNRS et responsable de l'ouvrage.
L'historienne de l'art Elvan Zabunyan consacre son essai à l'engagement des artistes américains au cours des années 1960-1970. Se plaçant du côté du « pouvoir », l'historien de la photographie Thierry Gervais analyse la manière dont Newsweek, Time ou Life rendent compte des événements tandis que, du point de vue opposé, l'historienne du cinéma Nicole Brenez revient sur les films militants réalisés à cette époque. Les historiens de la musique Jedediah Sklower et Emmanuel Parent resituent les différents morceaux consacrés à Attica dans l'évolution des musiques populaires aux Etats-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale.
Deux essais de spécialistes de l'histoire africaine-américaine complètent cet ensemble. Le livre s'ouvre sur un panorama de la situation politique et de la contestation aux Etats-Unis, au tournant des années 1960-1970, écrit par Caroline Rolland-Diamond, professeure à l'université Paris-Ouest ; il se conclut avec un texte de Tom Holt, professeur à l'université de Chicago, sur le lien entre la prison et la discrimination raciale aux Etats-Unis.
En proposant cette diversité de points de vue, Attica, USA, 1971 espère permettre aux lecteurs français à la fois de découvrir un événement exceptionnel et une histoire dont les échos sont encore sensibles aujourd'hui.
Dans un petit texte, dense, manifeste, l'historien et écrivain met en scène ceux à qui il ne reste que l'écriture, dans un monde plein d'oubli et d'effroi où on vous arrête pour avoir griffonné quelques notes dans un carnet. Un monde sans histoires, parce que l'Histoire en a été effacée. Une sorte de traversée typographique de la ville où il s'attache à faire le relevé de toutes les formes d'écriture clandestine et leur rend hommage.
Écrire pour agir sur le monde. Écrire pour exister ensemble. Ghostwriters est un appel à lutter contre le silence, arme majeure des dictateurs, une ode à celles et ceux qui écrivent.
Ghostwriters est le quatrième titre de la collection « Diaporama », qui invite des écrivains à parler de leur travail en s'appuyant sur des images de leur choix. Dans la même collection : Boîte noire de Tanguy Viel, Chromes de Maylis de Kerangal, Sept et huit neuf de Thomas Clerc.
Annoncer, militer, célébrer, revendiquer, dénoncer...
La banderole s'infiltre partout. À la fois document et geste, on l'aperçoit dans les gradins des stades, agitée par les supporters, ou brandie par des fidèles dans des processions religieuses. Mais de Nancy à Santiago, de Londres à Gdansk, la banderole et sa puissance graphique sont surtout mises au service des villes en révolte.
Quel pouvoir peut avoir une parole silencieuse ? Comment cet instrument politique est-il mis en scène ? Quel avenir peut-on imaginer pour la banderole à l'heure où les formes de l'écrit se renouvellent ?
En explorant la plasticité incroyable des messages contestataires, Philippe Artières démontre qu'en filigrane de l'histoire de la banderole se dessine celle, captivante, des luttes sociales aux XXe et XXIe siècles.
A partir de 1967, Michel Foucault s'essaye à un répertoire d'actions plus classique sous la forme de signature de pétitions, appels et autres lettres ouvertes. Le présent volume en donne à lire les principaux, que Michel Foucault cosigna jusqu'à sa mort prématurée en 1984. Un portrait méconnu du philosophe apparaît à travers ces textes, le dessinant à la fois attentif à ce qui survient en France mais aussi aux quatre coins du monde.
Qu'est-ce que faire de l'histoire ? Comment naissent et se construisent les projets de recherches ? Pourquoi décider d'enquêter sur un événement, une pratique, un lieu ? Qu'est-ce qui nourrit le besoin de consacrer du temps et de l'énergie à une question relative au passé ?.
En dévoilant ses Rêves d'histoire, Philippe Artières nous invite dans les coulisses de la discipline historique, à la genèse et au coeur du travail de l'historien. Ces rêves (d'une histoire de la ceinture, de l'anonymat, de la cloison, de l'imposture, des ratages, des routes et des déviations. ) sont autant d'expériences qui dessinent une géographie historique inédite. La réflexion, ici, est affaire de plaisir, elle irrigue toutes les pages, déborde d'érudition, de surprises et de rebondissements.
Il s'agit pour Philippe Artières d'accorder de l'importance à ce qui est minoré et fragile, de laisser leur part aux doutes, aux dérives, aux déplacements. Il s'agit aussi de faire se télescoper pratiques et disciplines, d'inviter dans la danse celles qu'on n'attendait pas : philosophie, sociologie, cinéma, art, littérature. Enfin, ces Rêves d'histoire témoignent d'une attention particulière au présent et d'une volonté d'inscrire la discipline historique au centre des préoccupations contemporaines.
Il y a là un enjeu politique majeur : renouer, face à l'injonction au " devoir de mémoire " et dans le contexte d'un fort recul de l'histoire, avec une pensée critique de ce qui est en train de se passer. " Rêver n'est pas renoncer, bien au contraire. ".
« Dans la galerie des sosies, on croise des stars de cinéma, des personnalités de la musique, de la politique, du sport. mais jamais d´intellectuel.l.es. La ou le disciple cite, paraphrase, commente, copie la pensée du maître, mais laisse son corps de côté. » C´est d´abord pour leur caractère surprenant que Philippe Artières a voulu publier ces photographies d´un « sosie » de Michel Foucault, mort en 1984, dont l´oeuvre irrigue son propre travail. Réalisées en 2020 durant le premier confinement, elles rendent irrévérencieusement hommage à un philosophe qui s´intéressa aux processus de « subjectivisation » et aux corps comme objets historiques.
De l'écharpe des suffragettes aux poitrines nues des Femen, des slogans étudiants de Mai 68 écrits en lettres rouges au drapeau de Solidarnosc, du portrait de l'homme tombé « pour la cause du peuple » aux slogans d'Act Up projetés sur les murs de la ville, la banderole peut prendre mille et une formes. Instrument politique s'adressant au pouvoir pour revendiquer ou dénoncer, appelant au ralliement à une cause ou simplement informatif, cet objet à la plasticité incroyable est de tous les soulèvements populaires du XXe et du XXIe siècle. Une histoire matérielle et incarnée des luttes contemporaines.
Cet ouvrage cherche à montrer comment l'écrit devient l'objet d'un nouveau regard policier au tournant des XIXe et XXe siècles. L'auteur s'intéresse à la manière dont les écrits, dotés tout à coup d'une puissance subversive, deviennent un objet d'attention privilégié pour les policiers dans l'espace urbain ; ceux-ci se mettent à lire les affiches, à noter et effacer les graffitis ou les billets illicites, à décrire avec moult détails les fragments d'écriture trouvés sur les murs ou dans les lieux publics...
De cette véritable invention de l'écriture dangereuse, naît et se développe un savoir policier sur l'écriture absolument inédit, différent de celui, contemporain, des médecins et de leur clinique.
De 1850 à 1914, les médecins constituent l'écriture des déviants en un objet de vérité.
En lisant les écritures ordinaires, ils découvrent des objets inquiétants : des écrits qui échappent à leurs grilles de lecture, des signes graphiques qui semblent témoigner du caractère anormal de leur scripteur et enfin des gestes graphiques qui révèlent des pathologies jusqu'alors inconnues. On entreprend de décrypter les écrits des déviants pour identifier leurs caractéristiques. On tente de repérer, dans la graphie, des signes indiquant le degré de normalité du scripteur.
On observe le geste graphique afin d'isoler des pathologies propres au mécanisme de l'écriture. Les médecins font entrer l'écriture au laboratoire. On y photographie le produit graphique et on éprouve sa conformité par des substances chimiques. Enfin, devant l'engouement pour la graphologie, la médecine s'efforce de clarifier les grilles de lecture graphologique.
Ce savoir induit plusieurs modifications dans la société du tournant du siècle : l'expertise est repensée, l'enseignement de l'écriture est renouvelé et sa pratique professionnelle modifiée. à partir d'événements comme le récit de la visite d'un patient à l'hôpital ou la description de l'invention d'une machine, cet essai, le premier livre de son auteur, initialement publié en 1998 aux Empêcheurs de penser en rond cherche, à montrer comment et pourquoi la médecine s'est saisie de l'écriture pour opérer un nouveau partage entre le bien et le mal, le vrai et le faux, le naturel et l'artificiel, le normal et le pathologique.
Cherchant à réinstaurer un rapport souvent distendu entre sciences humaines et institution culturelle, le Centre Pompidou a invité l'historien Philippe Artières à intervenir à l'intérieur du musée durant toute l'année 2017 qui correspondait aux quarante ans de l'institution. Le projet imaginé par l'auteur est de créer un Bureau des archives populaires destiné à constituer une archive vivante du musée.
Installé au milieu du forum, Philippe Artières, revêtu de sa blouse grise, est assis derrière son bureau en carton. Tel un archiviste, il attend les visiteurs qui s'assoient en face de lui pour recevoir leurs souvenirs, enregistrer leurs propos et témoignages, récupérer d'éventuels documents qu'il range soigneusement dans une boîte, tout en leur demandant de signer un droit de diffusion. Dans ce véritable petit théâtre de l'archive, il montre à voir le travail de l'archivage :
Déposition, inventaire, restitution.
À mi-chemin de la performance artistique et du théâtre de poche, toute l'entreprise de Philippe Artières est de rendre publics la geste et le temps long de la recherche. Une manière d'assister en direct au travail de l'archiviste d'ordinaire caché dans les bibliothèques, mais aussi de rendre hommage au travail de l'historien.
Ce volume collectif, produit d'une décade de Cerisy sur Michel Foucault entremêle deux fils tissés lors de ces rencontres organisées par le centre Michel Foucault en juin 2001.
Le premier est l'importance de la littérature dans l'oeuvre du philosophe ainsi que l'originalité et la fécondité de son regard sur le corpus littéraire. Le second fil de cette esthétique foucauldienne est son extraordinaire capacité à tisser dans chacun des arts de nouvelles toiles : la peinture, le cinéma, l'architecture et la danse.
Historien ou philosophe ? Théoricien de la culture ou intellectuel engagé dans les luttes de son temps ?
Parce que la trajectoire de Michel Foucault a déjoué de bout en bout ces alternatives, sa relecture contemporaine oblige à adopter un double regard, aussi attentif au détail de ses arguments qu'à la forme même de ses interventions dans l'ordre du discours et l'espace public. Livre à deux voix, entre histoire et philosophie, D'après Foucault rassemble une série d'études dont l'enjeu commun est d'éclairer, par un retour sur l'oeuvre de Foucault, la contribution possible de celui-ci aux débats et aux combats du présent, son apport à la compréhension d'une époque qui, déjà, diffère de la sienne.
Comment Foucault a-t-il transformé, pour longtemps, les gestes canoniques de l'enseignement ou de l'écriture, leur adjoignant l'exigence du diagnostic, le goût pour l'anonymat ou pour l'éclat de rire ?
Quel éclairage offrent ses travaux sur les transformations contemporaines du droit et de la lutte pour les droits, sur l'irruption des soulèvements, sur le renouveau d'une éthique qui ne se réfugie pas dans l'invocation des grands principes ? Comment tirer, de sa lecture, des horizons renouvelés - le programme d'une histoire politique de l'écriture, ou d'une politique des usages et des usagers ?
Lecteurs autant que « passeurs » de la pensée de Foucault, Philippe Artières et Mathieu Potte- Bonneville tentent ici d'inventer, vis-à-vis de lui, une fidélité sans nostalgie, afin de prolonger et de relancer cette « morale de l'inconfort » dont il s'est voulu le promoteur, dans la théorie comme dans la politique.
En parallèle de l'exposition Les Chaînes du port, figures de l'enfermement à Marseille, 18e-20e, réalisée sous la direction scientifique et artistique de Philippe Artières et Ludovic Burel, les auteurs font ici le choix d'" aligner ", en un montage à la fois intelligible et sensible, des documents d'archives relevant de ce que l'on qualifiera d'" enfermement administratif ".
Dans la continuité de l'analytique du pouvoir développée par Michel Foucault, ils s'intéressent à ce moment de bascule historique qui, à l'occasion de la peste, sanctionna selon le philosophe le passage d'un régime de pouvoir dit " disciplinaire " à celui du contrôle du vivant, qu'il conceptualisa sous le vocable de " biopouvoir ".
Cette constellation d'images non légendées, postulant ainsi une certaine " autonomie du visuel ", est précédée d'une préface de Philippe Artières et suivie d'une postface de Ludovic Burel.
Archives du biopouvoir, Marseille, 18e-20e siècles est publié par it: éditions et les Archives départementales des Bouches-du-Rhône avec le concours de l'École supérieure d'art et de design de Grenoble-Valence et du centre de recherche "Philosophie, Langages et Cognition", Université Pierre-Mendès-France, Grenoble.
Le photographe Mathieu Pernot et l'historien Philippe Artières ont travaillé trois ans à l'hôpital psychiatrique de Picauville (Manche). Ce lieu résume toute l'histoire de la psychiatrie. Fondé en 1837 par une aristocrate philanthrope, il fut longtemps administré par des religieuses. Il témoigne, avec son haut mur d'enceinte et ses vastes dortoirs, de l'asile au XIXe siècle. Victime des bombardements de juin 1944 en Normandie, il est en partie reconstruit dans le style caractéristique de l'après-guerre. Dans les années 1970, il applique la politique de « sectorisation » selon laquelle les patients sont suivis dans de petites unités de la région ou en consultation à Picauville ; aujourd'hui, très peu d'entre eux effectuent de longs séjours sur place. Enfin, la Fondation Bon-Sauveur, gestionnaire de l'hôpital, entreprend de l'ouvrir encore davantage, en détruisant le mur d'enceinte devenu inutile et les vieux bâtiments désaffectés.
Quand Philippe Artières et Mathieu Pernot arrivent à Picauville, c'est ce lieu de mémoire stupéfiant qu'ils découvrent, mais surtout des archives exceptionnelles, notamment visuelles. À côté des dossiers médicaux et de divers documents, ils exhument des centaines d'images. Anonymes pour la plupart, celles-ci ont été réalisées par des religieuses, des infirmiers, des photographes locaux, des patients peut-être. Elles montrent l'hôpital, son fonctionnement quotidien autant que les événements festifs et les sorties à la mer. Frappés par la force de ces images, Philippe Artières et Mathieu Pernot décident d'en faire la matière même de leur travail. En écho, le photographe réalise des images des espaces et des objets tandis que l'historien raconte son expérience du lieu à travers un montage d'archives écrites.
L'Asile des photographies est à la fois ce recueil d'images oubliées et une mémoire rendue aux anonymes qui furent les sujets.