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Minuit
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La Voix, par ailleurs : Ventriloquie, Bégaiement et autres accidents
Laura Odello
- Éditions de Minuit
- Paradoxe
- 2 March 2023
- 9782707348449
La voix est une énigme. Même tonitruante, elle est cette sonorité fragile qui s'élève depuis nos cavités intérieures, depuis les vides ou les creux qui nous habitent.
Pour tenter d'en sonder l'énigme, nous nous sommes tourné·e·s vers les accidents de la voix. Lorsqu'elle se détache du corps auquel elle semblait appartenir. Lorsqu'elle se désynchronise d'avec ce qu'elle était censée dire. Lorsqu'elle verse dans le sans-mesure du chuchotement ou de la vocifération.
Nous nous sommes donc attardé·e·s dans les marges de la voix. Nous avons ausculté les résonances de la caverne de Platon et de l'antre où complotent les sorcières de Purcell. Nous avons écouté les ventriloques, dans la Bible comme au cinéma. Nous avons prêté l'oreille aux bégaiements de Ghérasim Luca ou de MC Solaar, aux murmures de Carmelo Bene, aux cris silencieux chez Hitchcock et Dante, aux hurlements saccadés de Bill Viola.
Notre exploration de ces altervocalités reconduit chaque fois vers une hypothèse : c'est lorsque la voix déraille que l'on commence à entendre ce qui la rend possible.
L. O. et P. Sz -
Comment entendre le projet d'une écologie des images ? Lorsque Susan Sontag l'ébauche pour la première fois à la fin de son ouvrage de 1977 sur la photographie, il résonne comme une exhortation à la vigilance face au débordement d'images qui menace d'engloutir notre capacité de voir. Plus récemment, derrière ce souci d'une économie de l'attention, une autre inquiétude a percé, concernant cette fois les retombées environnementales de la circulation et du stockage des images numériques.
Cet essai tente d'explorer une troisième voie : sous l'immédiateté du visible, il s'agit de laisser affleurer les temporalités dissonantes et les vitesses contrastées qui font la tension, le ton des images dans leur venue à l'apparaître. Non seulement celles qui furent faites de la main de l'homme, mais aussi toutes les autres, depuis les infinies variations mimétiques du règne animal jusqu'aux vues produites par les machines ou le divin.
Le chemin parcouru conduit de l'histoire de l'ombre (elle commence avec Pline) jusqu'à ce que Bataille aurait pu appeler une iconomie à la mesure de l'univers. En cours de route, on s'arrête sur l'iconogenèse selon Simondon, la mimétologie de Caillois, les papillons de Nabokov, le ralenti d'Epstein, une gravure de Hogarth et le développement de la photographie aérienne.
P. Sz -
Écoute, une histoire de nos oreilles
Peter Szendy
- Éditions de Minuit
- Paradoxe
- 30 December 2000
- 9782707317315
L'écoute est peut-être l'activité la plus discrète qui soit. C'est à peine une activité : une passivité, dit-on, une manière d'être affecté qui semble vouée à passer inaperçue. Quelqu'un qui écoute, ça ne s'entend pas.
J'ai pourtant rêvé d'une archéologie de nos écoutes musicales : une histoire de nos oreilles de mélomanes, de maniaques de mélodies en tout genre.
J'ai voulu savoir d'où elles me venaient, ces oreilles que je porte et que je prête. Quel était leur âge ? Que devais-je, que pouvais-je faire avec elles ? De qui les tenais-je, à qui en étais-je redevable ?
J'ai donc traqué tous les indices possibles.
Il y a une criminologie de l'écoute (des auditeurs se retrouvent au tribunal, accusés ou plaignants). Il y a des écritures de l'écoute (certaines oreilles laissent des traces durables de leur passage). Il y a des instruments d'écoute (des prothèses enregistreuses, des machines à entendre). Enfin, il y a une polémologie de l'écoute, avec ses guerres, ses stratégies organisées ; bref, tout un champ de bataille où nos oreilles, plastiquement, se conforment à des lois et gardent, tel Don Juan face au Commandeur, l'empreinte de l'écoute de l'autre.
Et puis, il y a toi. Toi à qui mes écoutes sont adressées. Toi qui parfois, c'est si rare, m'écoutes écouter. (P. Sz.) Écoute est paru en 2001.
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Le Supermarché du visible : Essai d'iconomie
Peter Szendy
- Éditions de Minuit
- Paradoxe
- 5 October 2017
- 9782707343482
Ce qu'il s'agit d'analyser, d'ausculter, c'est ce que Walter Benjamin, en 1929 déjà, décrivait comme un espace chargé à cent pour cent d'images. Autrement dit : cette visibilité saturée qui nous arrive de partout, nous entoure et nous traverse aujourd'hui.
Un tel espace iconique est le produit d'une histoire : celle de la mise en circulation et de la marchandisation générale des images et des vues. Il fallait ébaucher sa généalogie, depuis les premiers ascenseurs ou escalators (ces travellings avant la lettre) jusqu'aux techniques actuelles de l'oculométrie traquant les moindres saccades de nos yeux, en passant par le cinéma, grand chef d'orchestre des regards.
Mais, sous-jacente à cette innervation du visible, il y a une économie propre aux images : ce qu'on tente d'appeler leur iconomie. Deleuze l'avait entrevue lorsqu'il écrivait, dans des pages inspirées par Marx : « l'argent est l'envers de toutes les images que le cinéma montre et monte à l'endroit ». Une phrase que l'on n'entendra dans toute sa portée ontologique qu'à condition de se souvenir que « cinéma » veut aussi dire ici : « l'univers ».
C'est pourquoi, tout en se laissant guider par des séquences d'Hitchcock, de Bresson, d'Antonioni, de De Palma ou des Sopranos, ces pages voudraient frayer la voie qui conduit d'une iconomie restreinte à ce qu'on pourrait nommer, avec Bataille, une iconomie générale.
Peter Szendy -
Sur écoute ; esthétique de l'espionnage
Peter Szendy
- Éditions de Minuit
- Paradoxe
- 11 January 2007
- 9782707319852
L'actualité politique, nationale et internationale, ne cesse d'apporter son lot d'affaires et de scandales liés à ce qu'on appelle des écoutes : celles de l'Élysée, celles qui ont touché l'Onu au plus haut niveau... D'où vient cette surenchère de et dans l'écoute, d'où nous arrive cette surécoute généralisée ? C'est ce qu'il s'agit d'analyser ici, en suivant d'abord le cours d'une longue histoire des taupes : depuis la Bible jusqu'au récent réseau d'espionnage nommé « Echelon », en passant par les projets « panacoustiques » de Jeremy Bentham au XVIIIe siècle. Mais, parallèlement à cette archéologie de la surveillance auditive, il y a aussi sa représentation, sa mise en scène dans des oeuvres : tels opéras de Mozart, tels films de Hitchcock, de Fritz Lang ou de Coppola... Les « grandes oreilles » des taupes y sont réfléchies ; comme dans Le terrier de Kafka, elles s'y retrouvent, à leur tour, sur écoute.
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Tubes : la philosophie dans le juke-box
Peter Szendy
- Éditions de Minuit
- Paradoxe
- 9 October 2008
- 9782707320421
C'est Boris Vian qui semble avoir inventé l'usage argotique du mot tube, pour désigner une chanson à succès. C'est-à-dire, le plus souvent, une chanson quelconque, qui ressemble à toutes les autres et qui chante volontiers sa banalité même.
Or, ces mélodies, ces airs comme ça nous hantent, prolifèrent en nous comme des vers d'oreille. Jusqu'à devenir parfois la bande-son de notre vie, commémorant tel moment passé, tel vécu singulier.
Comment penser cette conjonction paradoxale, propre sans doute aux tubes, entre le plus banal et le plus singulier ? Comment le cliché musical qui circule jusqu'à l'usure peut-il être porteur de l'unique, d'un affect à nul autre pareil ?
À ces questions, ce sont d'une part les tubes eux-mêmes qui répondent, si on sait leur prêter l'oreille : les histoires que racontent nombre d'entre eux (Je suis venu te dire que je m'en vais ou Parole, parole, parole, parmi tant d'autres qui habitent ces pages) parlent indirectement de leur propre pouvoir, des obsessions qu'ils suscitent.
Mais, d'autre part, les tubes demandent aussi à être pensés, à être élevés à la dignité d'objets philosophiques. Aussi est-ce en lisant Kierkegaard, Kant, Marx, Freud ou Benjamin que l'on tente ici d'interpréter leurs rapports avec l'argent, ainsi que l'épreuve de la reprise dont ils nous font faire l'expérience.
Enfin, pour les voir à l'oeuvre dans leur manière unique d'articuler la psyché et le marché, il fallait se rendre au cinéma. De Fritz Lang à Alain Resnais, en passant par l'incontournable Hitchcock, les tubes apparaissent comme cette production inouïe du capitalisme avancé : un hymne intime à l'échange.
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À coup de points ; la ponctuaction comme expérience
Peter Szendy
- Éditions de Minuit
- Paradoxe
- 3 October 2013
- 9782707323033
La ponctuation, on le sait, a une longue histoire, depuis les livres de comptes des scribes de l'Égypte antique jusqu'aux récents smileys. Tout en accordant la plus grande attention à l'art de ponctuer dans ses formes classiques ou contemporaines, ce livre voudrait toutefois ouvrir un champ plus vaste : celui de la stigmatologie (du grec stigmê : « point »), qui analyse les effets ponctuants partout où ils apparaissent.
Dans l'expérience esthétique, d'abord : écouter, regarder, c'est chaque fois ponctuer l'image ou le son, comme en témoignent exemplairement la pratique de l'auscultation (qui est loin de se limiter à la médecine) ou celle du boniment au cinéma.
Dans le récit et dans la production autobiographique de soi, ensuite : le sujet n'est que le contrecoup d'une série de ponctuations, comme le donnent à penser la psychanalyse et la littérature, de Tristram Shandy à Lacan en passant par cette extraordinaire nouvelle de Tchékhov qu'est Le Point d'exclamation.
Pour décrire tous ces effets ponctuants, on tente enfin de construire philosophiquement avec Hegel, Nietzsche et quelques autres un concept de ponctuation attentif au rythme et à la pulsation du phrasé, ainsi qu'aux portées politiques inhérentes à tout coup de point.
P. Sz.
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La musique invente, construit, fait des corps.
Nos corps, mais qu'il nous reste à lire et relire.
Ce sont non seulement des corps techniques - ces prothèses, ces artefacts que forment les instruments -, mais aussi des corps vivant d'une vie étrange, fantomatique et survivante : aussi inouïs qu'une main avec plus de cinq doigts, que des pieds qui respirent tels des poumons, qu'un toucher à distance et sans contact.
L'organologie, cette respectable discipline qui recense les corps sonores, est ici interrogée et quelque peu malmenée dans son corpus séculaire, pour qu'elle livre ce qu'elle recèle et préfère généralement cacher : des organes inédits, des hybridations et des greffes sorties d'une fiction agissante, des monstres et des chimères qui guettent l'occasion pour prendre corps, en effet(s).
Au-delà de ces corps singuliers que la musique compose et dépose, ce sont enfin des figures d'un corps collectif, " social ", qui surgissent au milieu d'un appareillage d'innervations à distance, télépathiques.
P Sz.
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Kant chez les extraterrestres ; philosofictions cosmopolitiques
Peter Szendy
- Éditions de Minuit
- Paradoxe
- 3 February 2011
- 9782707321473
" Kant, oui, a parlé des extraterrestres. " Ainsi pourrait s'ouvrir ce petit traité de philosofiction (comme on parle de science-fiction).
Ce qu'il s'agit avant tout d'interroger, avec ces aliens que Kant a dû prendre au sérieux comme nul autre dans l'histoire de la philosophie, ce sont les limites de la mondialisation. C'est-à-dire ce qu'il nommait le cosmopolitisme.
Toutefois, avant de lire les considérations kantiennes sur les habitants des autres mondes, avant de suivre son aliénologie raisonnée, on en passe par l'analyse de la guerre des étoiles qui fait rage au-dessus de nos têtes. Et l'on envisage d'abord les actuels traités internationaux réglant le droit de l'espace, ainsi que la figure de ces cosmopirates que Carl Schmitt a pu évoquer dans ses écrits tardifs.
À suivre ensuite les allées et venues des extraterrestres dans l'oeuvre de Kant, il apparaît qu'ils sont la condition nécessaire pour une introuvable définition de l'humanité. Infigurables, échappant à toute expérience possible, ils sont pourtant inscrits au coeur même du sensible. Ils en sont le point d'Archimède, depuis lequel se trame son partage.
Lire Kant, le lire en le faisant dialoguer avec des films de science-fiction qu'il semble avoir vus d'avance, c'est le faire parler des questions qui nous pressent et nous oppressent : notre planète menacée, l'écologie, la guerre des mondes... Mais c'est aussi tenter de penser, avec lui ou au-delà, ce qu'est un point de vue.