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Marco Barbon
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Ce travail est né du désir de restituer par la photographie l'ambiance caractéristique d'Asmara, la capitale d'un petit et méconnu pays d'Afrique, l'Erythrée. Réalisées entre 2006 et 2008 avec un appareil Polaroid SRL 690, mes images insistent sur l'idée d'une suspension du temps et de l'histoire, entre un passé colonial, qui a laissé des traces profondes sur la physionomie de la ville, et un présent qui semble immobilisé dans une attente sans fin.
Lors de mes différents sejours à Asmara, je me suis demandé souvent à quoi ressemblait la sensation que j'éprouvais en me promenant dans cette ville. Finalement j'ai réalisé qu'elle était similaire à celle qu'on éprouve lorsqu'on rêve. Le rêve est, dans un certain sens, une interruption, une brèche ouverte dans le tissu du temps. Dans un rêve tout semble avoir un autre rythme, un autre déroulement ; tant les choses que les personnes apparaissent plus aériennes, plus subtiles, plus abstraites, comme si elles étaient suspendues dans un limbe en dehors du temps. La même impression saisit à chaque pas celui qui visite cette ville : le comptoir d'un café, la façade d'un immeuble, un homme lisant un journal, un lampadaire, l'enseigne d'un magasin... devant tout cela on se demande à quelle époque sommes-nous, dans le XXIème siècle ou dans quelque époque enfouie dans notre mémoire...
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« J'ai photographié des individus de dos face à la mer. On ne voit pas leurs visages ; on voit bien, en revanche, leurs vêtements, les détails de leurs tenues. On ne voit pas leurs yeux, mais on les devine rivés à l'horizon, absorbés par l'étendue marine qui les devance.
À Casablanca, entre la Grande Mosquée et le phare d'El-Hank, il y a un no man's land qu'une rude barrière de ciment sépare de la mer. Ici, l'été comme l'hiver, les bedaouis - femmes, enfants, jeunes employés, couples, personnes âgées - viennent regarder l'océan. C'est ce que les gens d'ici appellent el bahr : «la mer» ou «la plage» (en arabe, les deux champs sémantiques se confondent). Drôle de plage, si différente de celles de la Corniche, plus loin, avec leurs piscines à ciel ouvert et leurs terrains de football improvisés ; si différente aussi des plages qui longent nos côtes, parsemées de transats et de parasols colorés. Ici, on ne vient pas pour se baigner ni pour bronzer au soleil, mais pour se retirer quelque temps dans un espace intime : celui du souvenir, de l'amour, de la peine, de l'espoir. » Marco Barbon
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The interzone ; Tanger, 2013-2017
Marco Barbon, Jean-Christophe Bailly
- Maison Cf
- 25 August 2017
- 9791096575046
Ce n'est que récemment que je me suis rendu compte que, depuis que j'ai commencé à photographier, je me suis toujours intéressé à la notion de frontière. Il était donc fatal qu'un jour j'en arrive là, à Tanger : Tanger, la ville-frontière par excellence.
D'abord géographiquement : carrefour et frontière entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest, l'Europe et l'Afrique, la Méditerranée et l'Océan Atlantique... Mais aussi et avant tout métaphoriquement, symboliquement : frontière entre le réel et le fictionnel. Tanger la ville-mythe, la ville-théâtre, la ville-cinéma. Mais aussi : la ville-arnaque, la ville-contrefaçon.
Il me semble en effet que, pour les touristes qui visitent cette ville et pour ceux qui s'y sont installés plus ou moins définitivement, la dimension du désir - du fantasme - ne va pas sans un certain degré de déception. Comme pour tout objet fantasmé, l'expérience se révèle toujours déceptive.
Il y a des mots qui reviennent souvent lorsqu'on parle de Tanger : fiction, mythe, théâtre, mise en scène, opérette... Et des noms d'écrivain, d'artistes, d'acteurs ou de personnalités mondaines, comme des divinités tutélaires du lieu (divinités décadentes pour la plupart, à l'image de la ville) : Paul Bowles, Claudio Bravo, les Polling Stones, William Burroughs, Mohamed Choukri, Barbara Hutton etc.
Dans Tanger fait son cinéma, Patricia Tome écrit :
« ... Et puis il y avait ceux et celles qui décidaient de rester là, plantés face aux quatre coins cardinaux, ni exilés, ni émigrés, simplement des voyageurs errants sans billet de retour, des baladins en transit, des artistes nomades qui, à force de vouloir témoigner de l'exotisme du lieu et de leur mode de vie, avaient construit leur ville-légende, leur mythe et fait de leur existence une représentation permanente dans un décor de cinéma. Tanger était devenu l'écran de leur réalité (...). Ils évoluaient dans un scénario entre réalité et fiction. La ville du Détroit leur offrait une scène d'exception, un théâtre grandiose à ciel ouvert ».
C'est ce « scénario entre réalité et fiction », ce « décor de cinéma » que j'ai tenté de porter à l'image dans ce travail qui m'a absorbé pendant trois ans.
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Cronotopie
Marc Barbon, Alain Jouffroy, Marco Barbon
- Trans Photographic Press
- 1 June 2010
- 9782913176706