« Poésie/Gallimard » est une collection au format poche de recueils poétiques français ou traduits. Chaque volume rassemble des textes déjà parus en édition courante - tantôt du catalogue Gallimard, tantôt du fonds d'autres éditeurs -, souvent enrichis d'une préface et d'un dossier documentaire inédits. Élégant viatique pour les amateurs de poésie, la collection offre des éditions de référence, pratiques et bon marché, pour les étudiants en lettres. Aujourd'hui dirigée par André Velter, poète, voyageur et animateur de plusieurs émissions sur France Culture, la collection reste fidèle à sa triple vocation : édition commentée des « classiques », sensibilité à la création francophone contemporaine (Guy Goffette, Ghérasim Luca, Gérard Macé, Gaston Miron, Valère Novarina...) et ouverture à de nombreux domaines linguistiques (le Palestinien Mahmoud Darwich, le Libanais d'origine syrienne Adonis, le Tchèque Vladimír Holan, le Finnois Pentti Holappa, le Suédois Tomas Tranströmer et récemment l'Italien Mario Luzi, deux mois seulement après sa disparition...).
Métro
[...] En ces temps-là
On vous poinçonnait le ticket et pas qu'aux Lilas
Il y avait les voitures de première classe
Qui sentaient la première classe
Comme Mireille Balin dans Pépé le Moko
Avant d'entrer dans les stations on lisait
Sur le mur du tunnel
« Du Bo du Bon Dubonnet »
Et ça rappelait l'avant-guerre
À ceux qui ne l'avaient pas vécue
(Aux autres aussi d'ailleurs)
Pierre Dac
Vendait des enclumes « à la sauvette »
Dans les couloirs de la station Campo-Formio
Ah jeunesse !
Ah jeunesse !
Ah !
Mais en ces temps-là
N'est-ce pas
Il n'y avait pas de station dont le nom de baptême fut
BOBIGNY-PANTIN-RAYMOND QUENEAU
Ceci
Compense
Cela
Jacques Roubaud.
Ode à la ligne 29 des autobus parisiens Jacques Roubaud est l'une des voix les plus importantes de la littérature française contemporaine. Cela ne l'empêche pas de prendre des bus.
Jacques Roubaud a emprunté pendant des années les bus de la ligne 29 qui, partant de Saint-Lazare, traversent Paris d'ouest en est pour finir leur trajet à la porte de Montempoivre, près de Saint-Mandé. De ses pérégrinations régulières, il a conçu Ode à la ligne 29 des autobus parisiens.
Ce texte drolatique, décomposé en 35 strophes - autant que la ligne 29 compte d'arrêts - est comme une synthèse du travail de cet écrivain. On y retrouve l'ensemble de ce qui caractérise son oeuvre?: la prédilection pour les textes à contrainte (l'ode est uniquement composée d'alexandrins), l'amour des parenthèses (l'ode comprend jusqu'à 9 niveaux de digressions suggérées par les paysages parisiens traversés), l'humour (l'ode réinvente quelque peu l'orthographe et aime passer par les pensées les plus diverses), l'érudition (certaines digressions nous rappellent que l'auteur est notamment un spécialiste de la poésie des troubadours) et enfin l'exploration de la ville : connu pour avoir parcouru à pied absolument toutes les rues de Paris, Jacques Roubaud invite cette fois-ci à une déambulation lente dans le coeur de cette ville, suivant le trajet d'un bus arrêt après arrêt.
Paris est depuis Villon une ville arpentée par des poètes, mais rares sont ceux qui, parmi ces derniers, sont entrés dans la mémoire collective. Concernant les transports urbains, il y avait notamment l'inconditionnel de la ligne S et des exercices de style qu'était Raymond Queneau. Désormais, il y aura probablement le passager de la ligne 29 et ses alexandrins multicolores.
On avait pris le bus avec lui à Paris (Ode à la ligne 29 des autobus parisiens), c'est cette fois-ci le métro à Tokyo. Vous souhaitez explorer la boutique de sanitaires TOTO, partir en balade avec une coccinelle, poursuivre une méditation sur le temps grâce aux horloges Daimyo ou flâner dans les jardins japonais, tout cela est possible grâce à Tokyo infra-ordinaire. Durant le temps d'un livre et d'une ligne de métro circulaire dont il fait le tour, Jacques Roubaud repart dans une exploration du monde et de sa mémoire en ordonnant comme il peut ses pensées grâce à une arborescence des paragraphes pleine de couleurs et de numéros.
Cette édition présente une nouvelle version du texte. Tirage collector avec 4 couvertures différentes, ainsi que 20 affiches conçues par des artistes-sérigraphes.
Je brille comme une étoile, l'animal qui me regarde, est ébloui.
La création mythique des peuples indiens, l'usage et l'invention des noms indiens, les métamorphoses animalières, les litanies des chamans et médecins, tels sont les grands thèmes regroupés dans cette anthologie de référence. Poèmes, petites chansons, légendes, incantations, épopées se déploient au fil du livre et tracent une conception toute particulière de la langue, de la parole, de l'écrit. Pour les Indiens d'Amérique du Nord, qui s'appelaient simplement « Les Hommes » ou « Le Peuple », le mot était un acte, le poème agissait, l'art était la vie même. Véritable partition poétique, à la fois cosmogonique et musicale, d'une liberté d'imagination sans pareille, cette anthologie est un formidable hymne à la beauté.
Jacques Roubaud, écrivain, mathématicien, traducteur, champion des équivalences poétiques, et Jean-Pierre Gilson, maître du paysage en photographie, sont réunis pour un tour de l'Ecosse en noir et blanc. On n'apprend pas beaucoup sur l'histoire ou la géographie de l'Ecosse, en revanche on est plongés dans une activité sensorielle de perception du paysage. Il se trouve que l'Ecosse s'y prête particulièrement.
Les textes de Jacques Roubaud prennent place ponctuellement, avec une concision toute mathématique, page après page, dans une insularité qui invite au plaisir de la lecture à haute voix.
L'exercice d'écriture conjugue une lecture méticuleuse des photographies et les propres souvenirs de séjours en Ecosse, mêlant lecture et mémoire visuelles. La forme poétique de Roubaud, très construite, proche des haïkus, joue sur la récurrence, l'inscription du temps dans l'espace et s'emploie à la traduction d'un paysage en mouvement.
Ici les pierres, les nuages, les maisons, les torrents jusqu'aux herbes sont dénombrés, signe d'un désir d'inventaire et d'épuisement d'un lieu. Et pour rester dans le sillage d'un Perec, on peut parler d'une certaine forme de pérégrination.
Pas de surcharge métaphorique ou symbolique : cette poésie, comme cette photographie, se pratique pas à pas. Par la marche (on imagine ses pas métrés), le poète comme le photographe arpente le paysage. Géométrie de l'instant, écriture descriptive, jeux de miroirs, et de sens.
Les photographies de Jean-Pierre Gilson trouvent paradoxalement une dimension nouvelle dans un espace miniaturisé où tant de détails fourmillent qu'une lecture attentive obligera l'usage de la loupe pour y voir de plus près tel mouton esseulé, telle herbe folle. La qualité d'impression sur un papier très surfacé et dans une définition très fine permet justement de percevoir cette atmosphère si particulière que produit la lumière sur l'Ecosse.