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Jacques Derrida
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«Souvent je me demande, moi, pour voir, qui je suis - et qui je suis au moment où, surpris nu, en silence, par le regard d'un animal, par exemple les yeux d'un chat, j'ai du mal, oui, du mal à surmonter une gêne. Pourquoi ce mal ?» Tel est le point de départ de la réflexion de Derrida : une expérience pourtant quotidienne, celle de la honte qu'il peut éprouver quand, dans sa salle de bains, le regard de son chat le surprend dans son plus simple appareil. Occasion de poser à nouveaux frais la question : quel est le propre de l'homme ? Si, chez les Grecs, l'homme était au moins un animal raisonnable, Descartes creuse le gouffre : contrairement à l'homme, doté d'une conscience, l'animal s'apparenterait à la machine. Ses réactions aux stimuli du monde seraient des automatismes, produits des lois de l'instinct. Or, tenter de se voir à travers les yeux d'un chat devient un moyen de retracer les frontières entre Homo sapiens et le règne animal, frontières plus poreuses qu'on ne le croit...
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Psychanalyse et critique littéraire (1969-1970)
Jacques Derrida
- Le Seuil
- Bibliothèque Derrida
- 25 April 2025
- 9782021591545
Durant l'année universitaire 1969-1970, Jacques Derrida consacre un séminaire au problème des rapports entre la psychanalyse et la critique littéraire. Ce séminaire, l'un des rares à traiter de l'esthétique freudienne, est l'occasion pour Derrida d'analyser ce qu'il appelle la « première doctrine » de Freud, à savoir sa théorie marquée par la toute-puissance du plaisir.
Or, avec l'introduction par Freud de la catégorie du double et ses spéculations sur la pulsion de mort, tout change ou aurait dû changer, d'après Derrida. La remise en question de la toute-puissance du principe de plaisir dans Au-delà du principe de plaisir (1920) aurait dû conduire à une refonte, à une réorganisation, à un déplacement de la « poétique » psychanalytique. Pourtant il n'en est rien : d'où, selon Derrida, un certain boitement de la théorie freudienne de l'art et de la littérature et de tout ce qui en dépend ou y fait retour.
Ce boitement va se répéter dans la critique littéraire d'inspiration psychanalytique. Qu'il s'agisse de la psychanalyse de l'imagination matérielle de Bachelard, la psychanalyse existentielle de Sartre ou la méthode psychocritique de Mauron, Derrida constate que rien n'a changé. C'est seulement avec Lacan, à la toute fin du séminaire, que se produit un tournant décisif, la psychanalyse reconnaissant l'instance proprement signifiante du texte littéraire, qu'elle avait largement négligée jusqu'ici. -
Spectres de Marx : L'État de la dette, le travail du deuil
Jacques Derrida
- Le Seuil
- 8 November 2024
- 9782021568509
En 1993, quatre ans après la chute du mur de Berlin, et en plein triomphe de la démocratie libérale, Jacques Derrida donne une conférence intempestive sur l'héritage de
Marx à l'université de Californie. Spectres de Marx en est le texte augmenté.
Il n'est pas question d'un ralliement tardif au marxisme mais d'un retour de Marx et de tous ceux qui l'ont habité sous forme de spectres dans le nouvel ordre du monde. Il s'agit d'une déconstruction, fidèle à un certain esprit du marxisme, du moins à l'un d'entre eux car il y en a plus d'un. La réconciliation est possible entre une idée devenue
spectrale et un apprendre à vivre enfin, entre un temps disjoint et un temps de longue durée. Pour veiller à l'avenir et penser ce qu'il peut encore advenir, il faut laisser ou rendre la parole aux fantômes ; ils nous rappelleront toujours à notre responsabilité.
Prise de position, geste politique, propos de résistance à l'État mondial, déconstruction du droit international. Tout y est. Lire Spectres de Marx trente ans après sa parution, c'est aussi s'entretenir avec le spectre de Jacques Derrida, saisir l'idée d'une possible révolution à venir. Cette nouvelle édition est augmentée d'un débat inédit avec Étienne
Balibar, tenu le 1er février 1994 au Collège international de Philosophie, de corrections in-texte ultérieures à la première édition, de Jacques Derrida lui-même, et d'extraits de correspondances. -
Séminaire (1991-1992) : Répondre, Du secret
Jacques Derrida
- Le Seuil
- Bibliothèque Derrida
- 9 February 2024
- 9782021534856
« Le secret, dit-on, c'est ce qui ne se dit pas » : c'est sur cette phrase que s'ouvre le séminaire Répondre - du secret, le tout premier de la série « Questions de responsabilité » que Jacques Derrida donnera à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de 1991 à 2003. Ce cycle de recherches portant sur les enjeux actuels du concept de responsabilité (philosophique, littéraire, éthique, juridique, psychanalytique, politique) privilégie d'entrée de jeu le thème du secret puis celui du témoignage, qui sera déployé de 1992 à 1995.
Qu'est-ce qu'un secret et comment se lie-t-il à un appel à la responsabilité ? Pour répondre à ces questions, Jacques Derrida examine d'abord la sémantique du secret à travers divers registres (scientifique, technique, social, politique et religieux), où le secret trouble l'opposition entre le privé et le public. Suivant la généalogie du cryptique ou de l'hermétique dans différentes familles de langues (grecque, latine, allemande), il explore l'histoire et les valeurs culturelles qui lui sont associées (secret d'État ou militaire, secret professionnel, société secrète), analyse la thématique et les « effets » de secret dans certaines oeuvre littéraires (notamment celles de Melville, de Baudelaire, de James et de Poe), puis élabore une problématique de la « curiosité » et du « souci » à partir de textes de Freud et de Heidegger.
Explorant trois « logiques » entrelacées du secret (le cogito cartésiano-kantien, le sujet de l'inconscient freudien, l'être-caché de la dissimulation heideggérienne comme vérité), Jacques Derrida s'engage ensuite dans une lecture approfondie du secret abrahamique dans les Essais hérétiques... de Patocka et Crainte et Tremblement de Kierkegaard, où se découvre la figure par excellence du secret comme mort donnée. Il poursuit également le « dialogue fictif », amorcé en 1975-1976 dans son séminaire La Vie la mort, entre Freud et Heidegger au sujet du concept de l'Unheimlichkeit, tout en interrogeant les effets de la pulsion secrétariale à l'oeuvre dans son propre enseignement.
Le texte de ce séminaire a été établi par Ginette Michaud et Nicholas Cotton. -
éperons, les styles de Nietzsche
Jacques Derrida
- Flammarion
- Champs Essais
- 26 April 2023
- 9782080419408
«La question du style, c'est toujours l'examen, le pesant d'un objet pointu. Parfois seulement d'une plume. Mais aussi bien d'un stylet, voire d'un poignard.»Dans cet ouvrage issu d'une conférence prononcée en juillet 1972 lors d'un colloque à Cerisy sur le thème «Nietzsche aujourd'hui ?», Derrida cherche à saisir le style du philosophe, qu'il rapproche d'un éperon. En décryptant ce style, tranchant et menaçant, que Nietzsche le premier qualifie d'«éperonnant», Derrida analyse les provocations nietzschéennes et relance l'interprétation philosophique autour de cet auteur et de sa langue, dans un essai illustré tout en finesse par François Loubrieu.
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Disons que, pour m'en tenir au cadre, à la limite, j'écris ici quatre fois autour de la peinture.
Quatre fois, dira-t-on autour de la peinture, donc dans les parages qu'on s'autorise, c'est toute l'histoire, à contenir comme les entours ou les abords de l'oeuvre : cadre, passe-partout, titre, signature, musée, archive, discours, marché, bref partout où on légifère en marquant la limite, celle de la couleur même. Du droit à la peinture, voilà le titre ambitieux auquel j'aurais voulu accorder ce livre, son trajet autant que son objet, leur trait commun, qui n'est autre, ni un ni indivible, que le trait lui-même.
JD.
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Durant l'année scolaire 1960-1961, Jacques Derrida, alors assistant en philosophie générale et logique à La Sorbonne, entreprend une lecture de la phrase d'Alain, « Penser, c'est dire non ». Ce cours magistral en quatre séances donne déjà à lire les marques d'une écriture déconstructrice à venir. Il s'inscrit aussi dans une pensée du « oui non », de ce qu'est fondamentalement la pensée, et de ce qu'elle dit quand elle dit oui, non. Des questions qui servent de points d'appui pédagogiques récurrents à Derrida dans les années 1960 - décennie de pensée effervescente en France.
À la lecture de cette présente édition, ces questions apparaissent aussi comme ayant toujours déjà été fondamentales à la pensée derridienne. Elles gardent aujourd'hui toute leur pertinence, à une époque où il est souvent difficile de dire la différence entre pensée et croyance. Entièrement inédit et rédigé à la main par Derrida pendant la guerre d'indépendance de son pays de naissance, l'Algérie, Penser, c'est dire non est le fruit d'un défi éditorial de plusieurs années qui donne lieu aujourd'hui à la publication d'un des textes les plus anciens du corpus derridien paru à ce jour.
Édition établie par Brieuc Gérard. -
Ce livre est donc voué à la bizarrerie.
Mais c'est qu'à accorder tout son soin à l'écriture, il la soumet à une réévaluation radicale. et les voies sont nécessairement extravagantes lorsqu'il importe d'excéder, pour en penser la possibilité, ce qui se donne pour la logique elle-même : celle qui doit déterminer les rapports de la parole et de l'écriture en se rassurant dans l'évidence du sens commun, dans les catégories de " représentation " ou d' " image ", dans l'opposition du dedans et du dehors, du plus et du moins, de l'essence et de l'apparence, de l'originaire et du dérivé.
Analysant les investissements dont notre culture a chargé le signe écrit, jacques derrida en démontre aussi les effets les plus actuels et parfois les plus inaperçus. cela n'est possible que par un déplacement systématique des concepts : on ne saurait en effet répondre à la question " qu'est-ce que l'écriture ? " par un appel de style " phénoménologique " à quelque expérience sauvage, immédiate, spontanée.
L'interprétation occidentale de l'écriture commande tous les champs de l'expérience, de la pratique et du savoir, et jusqu'à la forme ultime de la question (" qu'est-ce que ? ") qu'on croit pouvoir libérer de cette prise. l'histoire de cette interprétation n'est pas celle d'un préjugé déterminé, d'une erreur localisée, d'une limite accidentelle. elle forme une structure finie mais nécessaire dans le mouvement qui se trouve ici reconnu sous le nom de différence.
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Hospitalité volume II : séminaire (1996-1997)
Jacques Derrida
- Le Seuil
- Bibliothèque Derrida
- 4 November 2022
- 9782021518122
Jacques Derrida poursuivit pendant plusieurs années un cycle de recherches sur les enjeux actuels (philosophique, éthique, juridique ou politique) du concept de responsabilité. Après avoir privilégié, à titre de fil conducteur, les thèmes du secret et du témoignage, il a élaboré une problématique de l'étranger. Qu'appelle-t-on « un étranger » ? Comment l'accueille-t-on ? Comment le refoule-t-on ? Quelle différence entre un autre et un étranger ? Qu'est-ce qu'une invitation, une visite, une « visitation » ? Ces questions et d'autres semblables ont conduit Jacques Derrida dans cette deuxième année de son séminaire sur l'hospitalité à cheminer assez longuement dans une problématique judaïque de l'hospitalité, se laissant alors guider par des textes bibliques, parfois interprétés par Emmanuel Levinas, puis dans une problématique arabomusulmane sur le seuil de laquelle il étudie l'oeuvre de Louis Massignon et son discours sur la tradition de l'hospitalité abrahamique. La lecture de ces deux grands corpus se rassemble à un moment donné autour du concept et du mot de « substitution ». La « substitution » occupe au centre de ces deux pensées une place décisive et énigmatique, justement quant à l'accueil et à l'hospitalité. Jacques Derrida en étudie à la fois les filiations et la « logique ».
Le texte de ce séminaire a été établi par Pascale-Anne Brault et Peggy Kamuf. -
La voix et le phénomene ; introduction au problème du signe dans la phénoménologie de Husserl (5e édition)
Jacques Derrida
- PUF
- Quadrige
- 9 February 2016
- 9782130732815
« Le «silence» phénoménologique ne peut donc se reconstituer que par une double exclusion ou une double réduction : celle du rapport à l'autre en moi dans la communication indicative, celle de l'expression comme couche ultérieure, supérieure et extérieure à celle du sens. C'est dans le rapport entre ces deux exclusions que l'instance de la voix fera entendre son étrange autorité. » Le travail phénoménologique de Derrida passe par une remise en question et un dépassement des travaux d'Husserl.
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« Donner, est-ce possible ? » C'est la question que pose Jacques Derrida dans Donner le temps. 1. La fausse monnaie (1991). Un don ne peut jamais s'annoncer comme tel. Dès lors qu'il engage dans le cercle de l'échange économique et de la dette, le don semble s'annuler dans l'équivalence symbolique qui l'aura toujours réduit à l'objet d'un calcul, d'une ruse qui prétend donner généreusement mais non sans attendre quelque récompense en retour. Un don, s'il y en a, ne peut jamais se faire présent, c'est-à-dire qu'il ne peut jamais se présenter ni pour le donataire ni pour le donateur. Pour donner - si une telle chose est possible - il faudrait, peut-être, renoncer au présent.
Indiqué comme un premier tome, Donner le temps en promettait clairement un second à venir. Le présent volume fournit les éléments de cette pièce manquante en donnant à lire les neuf dernières séances du séminaire donné par Jacques Derrida à l'École normale supérieure en 1978-1979 sous le titre « Donner - le temps ». Après être passé par des lectures de Baudelaire, Mauss, Benveniste, Lévi-Strauss et Lacan, Jacques Derrida tourne son attention vers la présence subtile mais décisive du don chez Heidegger, lisant des textes qui sont parmi les plus riches et les plus énigmatiques de son corpus, dont L'Origine de l'oeuvre d'art, La Chose, Être et Temps et, surtout, Temps et Être. Suivant la trace de l'expression allemande « es gibt » (« il y a », plus littéralement « ça donne ») dans la pensée heideggérienne, Derrida donne à penser quelque « chose » qui n'est pas (une chose) mais qu'il y a, ainsi qu'un donner encore plus originaire que le temps et l'être.
Édition établie par Laura Odello, Peter Szendy et Rodrigo Therezo. Préface de Rodrigo Therezo.
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De l'hospitalité fut à l'origine de cet échange, et d'abord un oui à l'invitation.
Anne Dufourmantelle assiste au séminaire de Jacques Derrida. Il y traite de l'hospitalité, justement, mais aussi de l'hostilité, de l'autre et de l'étranger, comme de tout ce qui aujourd'hui arrive aux frontières. Sensible à l'actualité des thèmes, à la force et à la limpidité du langage, Anne Dufourmantelle invite le philosophe à lui confier deux séances datées. On pourra suivre ainsi le rythme insolite, tour à tour patient ou précipité, d'un enseignement gardé intact.
Sont médités, comme en aparté, de page en page, des griefs, des plaintes et des souffrances de notre temps. Le séminaire leur donne quelques noms : Antigone en 1996 ou le deuil impossible, oedipe à Colone et les « télétechnologies », E-mail ou Internet, le procès de Socrate et les funérailles de Mitterrand à la télévision, la guerre et le marché des langues, les butées de la citoyenneté, la machine policière, l'interruption du chant, l'interception de la parole.
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Hospitalité volume I : séminaire (1995-1996)
Jacques Derrida
- Le Seuil
- Bibliothèque Derrida
- 4 November 2021
- 9782021485332
Qu'appelle-t-on un étranger ? Comment l'accueille-t-on ? Comment le refoule-t-on ? Quelle différence entre un autre et un étranger ? Qu'est-ce qu'une invitation, une visite, une visitation ? Comment la notion de l'étranger s'inscrit-elle dans la langue ? Quelle est son histoire européenne, et d'abord grecque ou latine ? Comment se distribue-t-elle dans les espaces de la parenté, de l'ethnie, de la Cité, de l'État, de la nation ? Comment analyser aujourd'hui, notamment en France et en Europe, la pertinence et les enjeux de l'opposition ami/ennemi ? Compte tenu de mutations technologiques (par exemple dans la structure et la vitesse de la communication), qu'en est-il des frontières, de la citoyenneté, des droits dits du sol ou du sang, des populations déplacées ou déportées, de l'immigration, de l'exil ou de l'asile, de l'intégration ou de l'assimilation (républicaine ou démocratique), de la xénophobie ou du racisme ?
Ces questions sont travaillées par Jacques Derrida à travers des lectures croisées de grands textes classiques (de la Bible, de Sophocle ou de Platon - et surtout du fameux article de Kant sur le droit cosmopolitique à l'hospitalité universelle dans Vers la paix perpétuelle) et modernes (de Heidegger, de Benveniste sur l'ipséité ou sur le rapport hospes/hostis, d'Arendt sur le déclin de l'État-nation, de Roberte ce soir de Klossowski), mais aussi à propos de débats en cours au sujet de l'immigration ou du droit d'asile en France et en Europe. La réflexion préliminaire de Derrida dans cette première année de son séminaire « Hospitalité » est structurée par la distinction rigoureuse, quoique sans opposition, entre deux logiques hétérogènes qui risquent toujours de se pervertir l'une l'autre : celle d'une hospitalité stricte et conventionnelle (toujours finie, conditionnelle et subordonnée à la maîtrise du chez soi ou de l'ipséité) et l'idée d'une hospitalité inconditionnellement ouverte à l'arrivant.
Séminaire établi par Pascale-Anne Brault et Peggy Kamuf.
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Le parjure et le pardon Tome 1 ; séminaires (1997-1998)
Jacques Derrida
- Le Seuil
- 7 November 2019
- 9782021428629
Jacques Derrida déploie ici les éléments d'une réflexion profondément originale sur l'inconditionnalité du pardon, une notion qui ne saurait être confondue avec l'excuse, l'amnistie, la prescription ou la grâce. Si le pardon est hérité de diverses traditions (judéo-chrétienne, coranique et grecque), il ne leur est pas réductible : il excède par exemple les modalités du « comprendre », de la mémoire et de l'oubli, d'un certain travail de deuil aussi. Hétérogène à la phénoménalité, à la théâtralisation, voire au langage verbal lui-même, il suspend, comme une « violente tempête » (Benjamin), l'histoire, le droit et le politique.
Inconditionnel, le pardon fait l'épreuve de l'impossible : c'est pourquoi il doit rester exceptionnel, sans calcul ni finalité, à l'écart de tout échange et de toute transaction. La trajectoire ainsi dessinée par Derrida tout au long de ce passionnant séminaire passe par la lecture des ouvrages de Jankélévitch sur le pardon et l'imprescriptibilité, de Kant sur le droit de grâce, des textes bibliques et grecs, d'oeuvres littéraires (Shakespeare, Kierkegaard, Baudelaire, Kafka, Rousseau et Augustin), ainsi que par l'analyse de scènes d'aveu et de repentir telles qu'elles se sont multipliées dans l'espace public, en France et ailleurs, à la fin des années quatre-vingt-dix (procès de Maurice Papon, fin de l'Apartheid en Afrique du Sud, excuse publique du président de la République allemande à propos du massacre de Guernica, etc.).
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La vie la mort est l'un des séminaires les plus féconds de Jacques Derrida. En jeu : penser la vie et la mort en vertu d'une logique qui ne poserait pas la mort comme l'opposé de la vie. La pureté de la vie n'est-elle pas, par essence, contaminée par la possibilité même de la mort puisque seul un vivant peut mourir ? interroge d'emblée le philosophe. En renversant la perspective classique, Derrida entreprend d'enseigner à ses étudiants que c'est la mort, au contraire, qui rend la vie possible.
En quatorze séances érudites et palpitantes délivrées au cours de l'année 1975-1976, Derrida déconstruit l'opposition traditionnelle entre la vie et la mort à travers des lectures multiples et délibérément pluridisciplinaires, élaborant sa pensée aussi bien au contact de la philosophie (Hegel, Nietzsche, Heidegger) et de l'épistémologie des sciences (Georges Canguilhem), que dans la confrontation à la génétique contemporaine (François Jacob) et à la psychanalyse (catégories freudiennes de pulsions de vie et de mort).
L'édition de ce séminaire inédit a été établie par Pascale-Anne Brault et Peggy Kamuf.
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« Ample jusqu'à se croire interminable, un discours qui s'est appelé philosophie - le seul sans doute qui n'ait jamais entendu recevoir son nom que de lui-même et n'ait cessé de s'en murmurer de tout près l'initiale - a toujours, y compris la sienne, voulu dire la limite. Dans la familiarité des langues dites (instituées) par lui naturelles, celles qui lui furent élémentaires, ce discours a toujours tenu à s'assurer la maîtrise de la limite (peras, limes, Grenze). Il l'a reconnue, conçue, posée, déclinée selon tous les modes possibles ; et dès lors du même coup, pour en mieux disposer, transgressée. Il fallait que sa propre limite ne lui restât pas étrangère. Il s'en est donc approprié le concept, il a cru dominer la marge de son volume et penser son autre... » Jacques Derrida Introduits par les descriptions d'un Tympan, inédits ou repris dans une nouvelle version, dix textes s'enchaînent ici pour élaborer ou déplacer ces questions, en interrogeant tour à tour Saussure et Rousseau, Kant, Hegel, Nietzsche, Husserl et Heidegger, Valéry, Austin ou Benveniste, etc. Selon une certaine désorientation active et méthodique, ils déploient aussi la recherche engagée dans La Voix et le phénomène, L'Écriture et la différence, De la grammatologie, La Dissémination. Ils réaffirment, contre les facilités et régressions de l'idéologie dominante, la nécessité d'une déconstruction rigoureuse et générative.
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Le parjure et le pardon Tome 2 ; séminaire (1998-1999)
Jacques Derrida
- Le Seuil
- 5 November 2020
- 9782021466270
Jacques Derrida poursuit dans le second volume de son séminaire sa réflexion sur l'inconditionnalité du pardon, une notion qui ne saurait être confondue avec l'excuse, l'amnistie, la prescription ou la grâce. Si le pardon est hérité de diverses traditions (judéo-chrétienne, coranique et grecque), il ne leur est pas réductible?: il excède les modalités du «?comprendre?», de la mémoire et de l'oubli, d'un certain travail de deuil aussi. Hétérogène à la phénoménalité, à la théâtralisation, voire au langage verbal lui-même, il suspend, comme une «?violente tempête?», l'histoire, le droit et le politique. Inconditionnel, le pardon fait l'épreuve de l'impossible?: c'est pourquoi il doit rester exceptionnel, sans calcul ni finalité, à l'écart de tout échange et de toute transaction.
Se déplaçant du contexte européen d'après-guerre à l'Afrique du Sud et aux États-Unis, la dimension politique du pardon prend, au cours de cette seconde année du séminaire, un relief particulier alors que Jacques Derrida analyse la théâtralité des scènes de repentance en faisant comparaître successivement Hegel, Nelson Mandela, Desmond Tutu et Bill Clinton - sans oublier la portée singulière de la parole des femmes.
La trajectoire esquissée en 1998-1999 passe ainsi par la lecture de La Cité de Dieu de saint Augustin, des textes de Hegel sur le pardon, de certaines Lectures talmudiques de Levinas, de différents écrits de Mandela et de Tutu au sujet de la Commission Vérité et Réconciliation, notamment, ainsi que par l'analyse de scènes d'actualité - d'aveu ou de repentir - telles qu'elles se sont multipliées dans l'espace public, en France, en Afrique du Sud, au Chili et aux États-Unis, en particulier sous la présidence de Bill Clinton au sujet de l'esclavage, de la politique américaine en Amérique latine, ou encore du «?Monicagate?».
Le texte de ce séminaire a été établi par Ginette Michaud, Nicholas Cotton et Rodrigo Therezo.
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Aujourd'hui.
En me proposant de publier en livre ce qui fut d'abord un article de journal, Jérôme Lindon m'a donné à réfléchir l'alliance d'un hasard et d'une nécessité. Jusqu'alors, je n'avais pas prêté une attention suffisante au fait qu'un article, L'Autre cap , visiblement assiégé parles questions du journal et du livre, de l'édition, de la presse et de la culture médiatique, avait certes été publié dans un journal (Liber, Revue européenne des livres, octobre 1990, n°5), mais dans un journal singulier qui tente d'échapper à la règle, puisqu'il est simultanément inséré, de façon inhabituelle, dans d'autres journaux européens et simultanément en quatre langues. Or, il se trouve, de façon apparemment fortuite, qu'un autre article, La Démocratie ajournée , traitant au fond de problèmes analogues, et d'abord de la presse et de l'édition, du journal, du livre et des médias (dans leur rapport à l'opinion publique, aux libertés, aux droits de l'homme, à la démocratie - et à l'Europe) avait été lui aussi publié l'année précédente dans un autre journal qui fut aussi le même, à savoir Le Monde, et encore à part, dans le supplément d'un numéro singulier : le premier numéro du Monde de la Révolution française (janvier 1989) qui parut douze fois l'année du bicentenaire. Au-delà du partage des thèmes et en raison de cette situation (un journal dans le journal mais aussi un journal comme tiré à part), j'ai donc imaginé qu'il y avait quelque sens à replacer ces deux articles tels quels, côte à côte et sous le même jour. Le jour, justement, la question ou la réflexion du jour, la résonance du mot aujourd'hui, voilà ce que ces articles de journal gardent de plus commun - à leur date, au jour d'alors. Les hypothèses et les propositions ainsi risquées s'en trouvent-elles pour autant datées aujourd'hui, au moment où les problèmes du droit, de l'opinion publique et de la communication médiatique, entre autres, connaissent l'urgence et la gravité que l'on sait ? Au lecteur d'en juger.
Aujourd'hui se trouve être le premier, non le dernier mot de La Démocratie ajournée . Il entre peut-être en correspondance avec ce qui résonne étrangement dans l'apostrophe de Paul Valéry, citée à l'ouverture de L'Autre cap et relancée de loin en loin : Qu'allez-vous faire AUJOURD'HUI .
Jacques Derrida, le 29 janvier 1991.
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Geschlecht : ce mot allemand, qui a donné son titre générique à une série de quatre études consacrées par Jacques Derrida à la philosophie de Martin Heidegger, est proprement intraduisible en français. C'est que le mot a partie liée tout à la fois avec « sexe », « race », « nation », « humanité ». Or, telles sont bien les catégories que Derrida entend explorer dans l'oeuvre de Heidegger.
Dans ce troisième volume de la série, c'est avant tout la dimension politico-sexuelle et la notion de patrie qui sont au coeur de l'enquête. Occasion, pour Derrida, de penser une sexualité plus radicale que la binaire, occasion aussi pour lui de dénoncer un nationalisme de nature troublante chez Heidegger - une approche pour le moins ambiguë par rapport à celle du nazisme dont elle prétend pourtant s'écarter.
Cette édition donne à lire une étude qui paraissait perdue à jamais. L'équipe de chercheurs qui en a établi le texte fait donc oeuvre intellectuelle et éditoriale majeure.
Ce volume III prend désormais place dans la série des Geschlecht : I. Différence sexuelle, différence ontologique (in Psyché, Inventions de l'autre, Galilée, 1987) ; II. La Main de Heidegger (ibid.) ; IV. L'Oreille de Heidegger : philopolémologie (in Politiques de l'amitié, Galilée, 1994).
Édition établie par Geoffrey Bennington, Katie Chenoweth et Rodrigo Therezo. Préface par Rodrigo Therezo.
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La Carte postale : de Socrate à Freud et au-delà
Jacques Derrida
- Flammarion
- 15 April 1999
- 9782082125161
Le 17 novembre 1979. Tu lisais une lettre d'amour un peu rétro, la dernière de l'histoire. Mais tu ne l'as pas encore reçue. Oui, faute ou excès d'adresse, elle se prête à tomber entre toutes les mains : une carte postale, une lettre ouverte où le secret paraît mais indéchiffrable. Tu peux la tenir ou la faire passer, par exemple pour un message de Socrate à Freud. Que veut te dire une carte postale ? À quelles conditions est-elle possible ? Sa destination te traverse, tu ne sais plus qui tu es. À l'instant même où de son adresse elle interpelle, toi, uniquement toi, au lieu de te joindre elle te divise ou elle t'écarte, parfois elle t'ignore. Et tu aimes et tu n'aimes pas, elle fait de toi ce que tu veux, elle te prend, elle te laisse, elle te donne. De l'autre côté de la carte, regarde, une proposition t'est faite, S et P, Socrate et Platon. Pour une fois le premier semble écrire, et encore de l'autre main il gratte. Mais que fait Platon le doigt tendu dans son dos ? Alors que tu t'occupes à la retourner dans tous les sens, c'est l'image qui te retourne comme une lettre, d'avance elle te déchiffre, elle préoccupe l'espace, elle te procure les mots et les gestes, tous les corps que tu crois inventer pour la cerner. Tu te trouves, toi, sur son trajet. Le support épais de la carte, un livre lourd et léger, c'est aussi le spectre de cette scène, l'analyse entre Socrate et Platon, au programme de quelques autres. Comme le diseur de bonne aventure, un «fortune-telling book» veille et spécule sur ce-qui-doit-arriver, sur ce que cela peut bien vouloir dire, arriver, devoir arriver, laisser ou faire arriver, destiner, adresser, envoyer, léguer, hériter, etc., si cela signifie encore, entre ici et là, le proche et le lointain, l'un ou l'autre. Tu situes le sujet du livre : entre les postes et le mouvement analytique, le principe de plaisir et l'histoire des télécommunications, la carte postale et la lettre volée, bref le transfert de Socrate à Freud et au-delà. Cette satire de la littérature épistolaire devait être farcie : d'adresses, de codes postaux, de missives cryptées, de lettres anonymes, le tout confié à tant de modes, de genres et de tons. J'y abuse aussi les dates, signatures, titres ou références, la langue même. J. D.
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Texte énigmatique et entièrement inédit, Le Calcul des langues marque la première tentative de Jacques Derrida d'écrire un livre en deux colonnes. Annoncé comme « à paraître » sur la quatrième de couverture de l'Archéologie du frivole (1973) mais jamais publié du vivant de l'auteur, le tapuscrit de ce projet inachevé fut retrouvé chez Derrida après son décès. La publication posthume de ce texte fort original met au jour un véritable laboratoire typographique où, avant l'écriture de l'un de ses textes les plus célèbres, Glas (1974), Derrida ose couper la page en deux en vue de repenser la relation entre philosophie et écriture.
Poursuivant une réflexion sur les sciences du langage au XVIIIe siècle entamée avec De la grammatologie (1967), Derrida propose ici une lecture en partie double de L'Art d'écrire de Condillac. Mais à la différence de Glas, dont les deux colonnes confrontent un philosophe (Hegel) à un auteur littéraire (Genet), Le Calcul des langues confronte Condillac à lui-même. Si la colonne de gauche propose une exégèse plutôt conventionnelle et méthodologique de L'Art d'écrire, celle de droite divague sans cesse, multipliant les digressions en direction de Freud et d'autres penseurs, à la recherche d'un plaisir de l'écriture qui échapperait à la philosophie.
Lecture de Condillac en deux colonnes, donc, mais aussi en « deux styles » comme l'indique le sous-titre (« Distyle »), cet ouvrage tout à fait singulier dans le corpus derridien donne à lire l'une des plus belles expérimentations de l'écriture déconstructrice.
Le texte a été établi par Geoffrey Bennington et Katie Chenoweth.
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Pourquoi la guerre aujourd'hui ?
Jean Baudrillard, Jacques Derrida
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 8 April 2015
- 9782355261435
Début 2003, un impressionnant dispositif de guerre a pris position dans le Golfe. On soupçonne le dirigeant de l'Irak, Saddam Hussein, de disposer d'armes de destruction massive et de s'apprêter à en faire usage contre les États-Unis d'Amérique. On lui prête même, contre toute évidence, des liens étroits avec Oussama Ben Laden, le commanditaire présumé des attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington. Le président des États-Unis, George W. Bush, dont l'élection avait été contestée en l'an 2000, réunit autour de lui une équipe de « néo-conservateurs » qui, de longue date et bien avant qu'elle soit au pouvoir, n'a pas caché sa volonté de rompre avec toute politique de containment (retenue), préconisée par le précédent gouvernement, pour s'en prendre de manière radicale aux États qu'elle considérait comme des « États voyous » (Rogue States).
Bien que la commission d'enquête des Nations Unies ne parvienne pas à trouver trace en Irak d'armes chimiques, biologiques ou nucléaires, le département d'État américain s'évertue à tenter de convaincre, aussi bien le peuple que les représentants des États membres des Nations Unies, du réel danger que représente l'Irak. Plus encore que d'avoir percé le bouclier de son invulnérabilité, avec l'effondrement des tours jumelles, le 11 septembre lui laisse entrevoir le spectre, bien pire encore, d'un attentat bactériologique ou nucléaire.
C'est dans ce même mois, le 19 février 2003, alors que s'intensifient les préparatifs de guerre, que René Major et l'Institut des hautes études en psychanalyse ont l'idée d'organiser cette rencontre publique inédite (il faut y insister), et hélas unique (Jaques Derrida décédera l'année suivante), de deux des plus grands intellectuels français (sans doute des deux intellectuels français les plus connus à l'étranger), pour débattre de la situation. Débat intense, où chacun confronte ses analyses, moins à son interlocuteur qu'à la situation, teste leur validité théorique (qu'est-ce qu'un événement ?
Qu'est-ce qui résiste du réel quand le virtuel lui dispute l'hégémonie de la représentation ?
Qu'y entre de l'inconscient ? Quelle autorité a encore le droit, même international ?, etc.) René Major, qui alimente brillamment ce dialogue, présente et conclue, longuement, en 2014, cet échange que leurs auteurs s'étaient accordé à publier.
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Pardonner ; l'impardonnable et l'imprescriptible
Jacques Derrida
- Galilee
- 20 September 2012
- 9782718608693
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Ce pays est pareil à un volcan où bouillonnerait le langage.
On y parle de tout ce qui risque de nous conduire à l'échec, et plus que jamais, des Arabes. Mais il existe un autre danger, bien plus inquiétant que la nation arabe et qui est une conséquence nécessaire de l'entreprise sioniste : qu'en est-il de "l'actualisation" de la langue hébraïque ? Cette langue sacrée dont on nourrit nos enfants ne constitue-t-elle pas un abîme qui ne manquera pas de s'ouvrir un jour ? [...
] Quant à nous, nous vivons à l'intérieur de notre langue, pareils, pour la plupart d'entre nous, à des aveugles qui marchent au-dessus d'un abîme. Mais lorsque la vue nous sera rendue, à nous ou à nos descendants, ne tomberons-nous pas au fond de cet abîme ? [...] Un jour viendra où la langue se retournera contre ceux qui la parlent. [...] Ce jour-là, aurons-nous une jeunesse capable de faire face à la révolte d'une langue sacrée? [...] Lettre de Gershom Scholem à Franz Rosenzweig,1926.
Cette lettre, cette "Confession au sujet de notre langue", "n'a pas de caractère testamentaire bien qu'elle ait été retrouvée après la mort de Scholem, dans ses papiers, en 1985. Néanmoins, la voici qui nous arrive, elle nous revient et nous parle après la mort de son signataire; et dès lors quelque chose en elle résonne comme la voix d'un fantôme. Ce qui donne une sorte de profondeur à cette résonance, c'est encore autre chose :
Cette voix de revenant qui met en garde, prévient, annonce le pire, le retour ou le renversement, la vengeance et la catastrophe, le ressentiment, la représaille, le châtiment, la voici qui ressurgit à un moment de l'histoire d'Israël qui rend plus sensible que jamais à cette imminence de l'apocalypse.
Cette lettre a été écrite bien avant la naissance de l'Etat d'Israël, en décembre 1926, mais ce qui fait son thème, à savoir la sécularisation de la langue, était déjà entrepris de façon systématique depuis le début du siècle en Palestine.
On a parfois l'impression qu'un revenant nous annonce le terrifiant retour d'un fantôme.»