On raconte que c'est grâce aux éditions clandestines du samizdat - et donc, sans nom d'auteur - que fut introduite en Union soviétique la traduction du Procès. Les lecteurs pensèrent, dit-on, qu'il s'agissait de l'oeuvre de quelque dissident, car ils découvraient, dès le premier chapitre, une scène familière:l'arrestation au petit matin, sans que l'inculpé se sût coupable d'aucun crime, les policiers sanglés dans leur uniforme, l'acceptation immédiate d'un destin apparemment absurde, etc. Kafka ne pouvait espérer une plus belle consécration posthume. Et pourtant, les lecteurs russes se trompaient. Le projet de Kafka n'était pas de dénoncer un pouvoir tyrannique ni de condamner une justice mal faite. Le procès intenté à Joseph K., qui ne connaîtra pas ses juges, ne relève d'aucun code et ne pouvait s'achever ni sur un acquittement si sur une damnation, puisque Joseph K. n'était coupable que d'exister.
«- Dans quel village me suis-je égaré ? Y a-t-il donc ici un château ?- Mais oui, dit le jeune homme lentement, et quelques-uns des paysans hochèrent la tête, c'est le château de M. le Comte Westwest.- Il faut avoir une autorisation pour pouvoir passer la nuit ? demanda K. comme s'il cherchait à se convaincre qu'il n'avait pas rêvé ce qu'on lui avait dit.- Il faut avoir une autorisation, lui fut-il répondu, et le jeune homme, étendant le bras, demanda, comme pour railler K., à l'aubergiste et aux clients : - À moins qu'on ne puisse s'en passer ?...»
Franz Kafka connut d'abord Milena comme traductrice : elle établissait la version tchèque de quelques-unes de ses proses courtes. Ces relations se transformèrent en une liaison passionnée dont les lettres permettent de suivre le progrès. Cette passion ne dura qu'un instant, elle tient en quelques mois à peine.Les lettres racontent d'un bout à l'autre ce roman d'amour, orgie de désespoir et de félicité, de mortification et d'humiliation. Car quelle qu'ait pu être la fréquence de leurs rencontres, leurs amours restent essentiellement épistolaires comme celles de Werther ou de Kierkegaard.Milena est morte vingt ans après Kafka, dans le camp de concentration de Ravensbrück.
«Lorsque, à seize ans, le jeune Karl Rossmann, que ses pauvres parents envoyaient en exil parce qu'une bonne l'avait séduit et rendu père, entra dans le port de New York sur le bateau déjà plus lent, la statue de la Liberté, qu'il observait depuis longtemps, lui apparut dans un sursaut de lumière. On eût dit que le bras qui brandissait l'épée s'était levé à l'instant même, et l'air libre soufflait autour de ce grand corps...»
Les Journaux de Kafka, toujours surprenants, sont le lieu d'une écriture lucide et inquiète où se mêlent intime et dehors, humour et noirceur, visions du jour et scènes de rêves, où se succèdent notes autobiographiques, récits de voyages et de rencontres, énoncés lapidaires, ainsi qu'esquisses et fragments narratifs plus longs. Dans ce battement entre vie écrite par éclats et soudaines amorces fictionnelles, les Journaux se révèlent être le coeur de l'oeuvre de Kafka : le lieu où les frontières entre la vie et l'oeuvre s'évanouissent.
Cette édition est la première traduction intégrale des Journaux de Franz Kafka. La seule traduction française visant l'intégralité était à ce jour celle de Marthe Robert, publiée en 1954 chez Grasset. Mais elle ne correspond pas à l'intégralité des Journaux de Kafka. En effet, elle se base sur la version établie par Max Brod en 1951 : celui-ci avait procédé à une censure des textes de son ami, en éliminant les noms des personnes encore vivantes, et un certain nombre des remarques qui le concernaient lui-même. Dans sa volonté de faire de Kafka un « saint laïque », il avait également supprimé des passages jugés « obscènes ». Enfin sa chronologie, qui a été suivie par Marthe Robert, s'est avec le temps avérée erronée (la traduction française contenait d'ailleurs un certain nombre de fragments traduits à partir de la version anglaise, plus complète que l'édition originale en allemand - avec tous les risques qu'une traduction de traduction comporte). Se pose enfin la question, cruciale, de la place à accorder aux fragments fictionnels. Dans l'édition de « La Pléiade », ils sont absents du volume contenant les journaux. Or, ces textes figurent dans les mêmes cahiers manuscrits qui contiennent les notations « diaristes ». Et il y a un intérêt certain, par exemple, à pouvoir lire dans la continuité la première version, manuscrite, d'une nouvelle et, immédiatement après, le commentaire qu'en fait Kafka.
Les Journaux ce sont, matériellement, 12 cahiers in-octavo. Ils couvrent les années 1910 à 1922, avec de fortes disparités quant à la fréquence et à la longueur des notations. Kafka ne faisait pas de différence, quant au support d'écriture, entre la fiction et « l'autobiographie », celle-ci étant évidemment liée au projet de la tenue d'un « journal ». Nous suivons donc la leçon qui a été proposée dès 1990 par les éditeurs allemands de la « Kritische Ausgabe », qui ont reproduit à l'identique les cahiers manuscrits. La chronologie qui en résulte est très différente de celle de Max Brod. Le texte corrige aussi certaines erreurs du déchiffrage initial des manuscrits.
Cette version est donc la première à traduire en français l'intégralité des cahiers des journaux à partir des manuscrits. La traduction de Robert Kahn reste au plus près de l'écriture de Kafka, en préservant les litotes, la syntaxe, en « laissant résonner dans la langue d'arrivée l'écho de l'original ». Elle s'inscrit ainsi à la suite de ses retraductions remarquables des lettres À Milena (2015) et des Derniers cahiers (2017).
En 2019, il s'est produit un véritable événement culturel : plus d'une centaine de dessins de Franz Kafka, jusqu'alors précieusement gardés sous clef dans une banque zurichoise, furent mis au jour. Pour la première fois, la présente édition les rend accessibles au grand public, aux côtés des quelques dessins déjà connus.
Entre 1901 et 1907, Kafka dessine intensément. Il saisit sur le vif toutes sortes de personnages : des êtres fragiles, instables, aussi énigmatiques que fascinants. Comme dans ses oeuvres écrites, irréductibles à aucun genre, on navigue sans entrave entre le réalisme et le fantastique, en passant par le grotesque, l'étrange, voire le bouffon et le carnavalesque.
Les textes d'Andreas Kilcher, Judith Butler et de Pavel Schmidt, tout en rendant hommage à cet autre grand talent d'un des écrivains les plus singuliers et les plus marquants du xxe siècle, offrent au lecteur la clef de son univers foisonnant, où le rire nargue la tragédie, et l'onirique le dispute au désespoir.
«En cinq ans, on pouvait construire environ cinq cents mètres ; après quoi, il est vrai, les chefs étaient en général trop épuisés et ils avaient perdu toute confiance en eux-mêmes, toute foi dans la Contruction et les choses du monde. Alors qu'ils étaient encore dans l'exaltation des festivités célébrant la jonction de mille mètres de Muraille, on les envoyait au loin, très loin. Au cours de ce voyage, ils voyaient surgir dans le paysage des pans achevés de la Muraille, ils passaient devant les quartiers généraux des grands chefs qui les décoraient ; à leurs oreilles retentissaient les clameurs des nouvelles armées de travailleurs déferlant des profondeurs du pays.»
«L'intérêt que l'on porte aux jeûneurs professionnels a beaucoup baissé au cours des dernières décennies. Alors qu'il était avantageux autrefois d'organiser pour son propre compte des spectacles de cette nature, cela est devenu aujourd'hui tout à fait impossible. C'étaient d'autres temps. A'cette époque, toute la ville s'occupait du jeûneur ; l'intérêt croissait de jour de jeûne en jour de jeûne ; chacun voulait voir le jeûneur au moins une fois par jour ; vers la fin, il y avait des abonnés qui restaient toute la journée assis devant la petite cage grillagée...»
La traduction libre et audacieuse de catherine billmann et jacques cellard fait entendre mieux que jamais l'humour surprenant qui imprègne les histoires les plus étranges ou les plus inquiétantes imaginées par kafka, telles a la colonie disciplinaire, joséphine la chanteresse, un artiste du jeûne, compte rendu pour une académie...
La collection babel propose désormais l'intégralité des récits de kafka dans une nouvelle traduction : la métamorphose, la sentence, le soutier et autres récits (babel n° 285) et le présent volume réunissent les textes publiés par l'auteur ou sous son contrôle de 1912 à 1924 ; récits posthumes et fragments (babel n° 867) rassemble des manuscrits pour la plupart inédits ou inachevés, publiés par les soins de max brod après la mort de l'écrivain praguois.
Les trois grands récits la métamorphose, la sentence et le soutier, ainsi que les dix-huit petits textes impressionnistes qui les précèdent, distillent une inquiétude extraordinairement pénétrante dans un style tout à la fois lyrique, dramatique, sobre et précis.
La collection babel propose désormais l'intégralité des récits de kafka dans une nouvelle traduction : le présent volume et a la colonie disciplinaire et autres récits (babel n° 352) réunissent les textes publiés par l'auteur ou sous son contrôle de 1912 à 1924 ; récits posthumes et fragments (babel n° 867) rassemble des manuscrits pour la plupart inédits ou inachevés, publiés par les soins de max brod après la mort de l'écrivain praguois
Ces nouvelles font partie des rares écrits que l'auteur avait accepté de voir publiés.
Quand le jeune Karl Rossmann, âgé de dix-sept ans et expédié en Amérique par ses pauvres parents parce qu'une bonne l'avait séduit et qu'elle avait eu un enfant de lui, entra dans le port de New York, sur le bateau qui avait déjà réduit son allure, la statue de la Liberté qu'il regardait depuis un long moment lui parut tout d'un coup éclairée d'un soleil plus vif. Son bras armé d'un glaive semblait brandi à l'instant même, et sa stature était battue par les brises impétueuses.
Kafka voulait appeler le premier de ses romans Le Disparu, Max Brod l'a intitulé L'Amérique. Cette traduction nouvelle, conforme au manuscrit inachevé, donne à Amerika son double titre - en lui rendant son K allemand, son K d'Europe centrale, K comme Kafka, K comme K.
"Quand le jeune Karl Rossmann, âgé de dix-sept ans et expédié en Amérique par ses pauvres parents parce qu'une bonne l'avait séduit et qu'elle avait eu un enfant de lui, entra dans le port de New York, sur le bateau qui avait déjà réduit son allure, la statue de la Liberté qu'il regardait depuis un long moment lui parut tout d'un coup éclairée d'un soleil plus vif. Son bras armé d'un glaive semblait brandi à l'instant même, et sa stature était battue par les brises impétueuses.
- Si haute ! se dit-il."
"On se sentait à l'aise avec lui. Par la richesse de ses pensées exprimées généralement sur un ton badin, il était, pour employer un mot bien terne, l'un des hommes les plus captivants que j'ai connus, malgré sa modestie et son calme." (Max Brod) Ces lettres dépourvues de pose, de vanité et de stéréotypes - jusque dans les plus brefs billets - nous livrent non seulement une image inédite de la personnalité de Kafka mais nous permettent aussi d'appréhender avec un regard nouveau son oeuvre débarrassée des commentaires qui se résument trop souvent dans l'adjectif "kafkaïen".
En réalité, personne n'est moins kafkaïen que Kafka, homme indulgent et moqueur, radical, généreux et avide de vivre.
A sa mort, Kafka a laissé de nombreux manuscrits inédits.
Bien qu'il ait demandé expressément à max brod, son ami et exécuteur testamentaire, de ne jamais les faire publier, celui-ci passa outre à cette volonté. les textes ici proposés n'ont donc pour la plupart jamais été relus ni corrigés par l'écrivain, mais c'est leur inachèvement même qui les rend intéressants, voire fascinants, car ils donnent l'impression d'accéder au plus intime de la réflexion de leur auteur, d'effleurer le mystère de la création littéraire.
La collection babel propose désormais l'intégralité des récits de kafka dans une nouvelle traduction, puisque les deux premiers volumes - la métamorphose, la sentence, le soutier et autres récits (babel n° 285) et a la colonie disciplinaire et autres récits (babel n° 352) - réunissent les textes publiés par l'auteur ou sous son contrôle de 1912 à 1924.
La correspondance de Franz Kafka tient une place privilégiée dans son écriture, en ce qu'elle révèle l'extraordinaire complexité d'un homme aux prises avec une oeuvre, la sienne!, qui semble se tenir à ses côtés sans qu'il puisse la saisir et s'en rendre pleinement maître. Le choix de lettres établi, traduit et présenté par Claude le Manchec témoigne de cette « sorcellerie épistolaire », qui s'empare de lui quand il s'adresse au monde, et qui révèle l'extraordinaire humour en demi-teinte de ce génie mis à la torture. Il ne prétend, sous cette forme, qu'à être une incitation à pénétrer plus profondément au coeur de l'oeuvre la plus énigmatique du XXe siècle, à travers les plus belles lettres adressées à ses amis, sa famille ou ses fiancées successives.