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Francesco Masci
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«Le discours sur la mode alterne le blâme moral et l'admiration béate. Mais, dans un cas comme dans l'autre, il se trompe. C'est un discours systématiquement hors sujet, où la mode n'est qu'un prétexte à divagations sur des réalités qui lui sont extérieures, les moeurs d'une société donnée ou l'état de santé de son économie. Bref, un discours où l'on parle de tout sauf de la mode elle-même. Ce n'est qu'en fixant le regard sur ce qui, dans un interminable feu d'artifice, apparaît pour disparaître aussitôt, qu'il devient possible de découvrir ce qu'est réellement la mode. De manière encore provisoire, celle-ci peut être définie par l'idée de catastrophe permanente.» Après les sphères de l'art, de la culture ou encore de la technique, Francesco Masci poursuit son étude des forces en acte dans la modernité occidentale, et s'attaque à un phénomène résolument moderne : la mode. Existant à la manière d'une totalité close, selon ses propres lois et ses propres codes, la mode ne se laisse subordonner ni au monde de l'art ni à celui de la morale. Elle n'existe finalement que pour elle-même, advient et meurt par elle-même, suivant sa temporalité propre, cyclique, rituelle, loin de toute représentation linéaire du temps. Extinction, apocalypse ou «fin de l'Histoire» ? La mode constitue une résistance aussi inattendue que radicale aux visions eschatologiques, par ailleurs toujours mises en échec, d'un présent obsédé par l'avènement de sa propre fin.
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Berlin est aujourd'hui le pôle sentimental d'un pèlerinage culturel alimenté par un folklore de la révolte et de la création. Jadis au coeur même de la guerre civile européenne, elle est devenue l'avant-poste d'une capitulation généralisée à la fiction de l'individu autonome comme « forme abstraite toute prête », structure qui pourrait endosser tous les contenus. La subjectivité fictive a trouvé là l'environnement idéal aux épanchements festifs de son ego hypertrophié. C'est ici que la culture absolue, avec sa production d'événements interchangeables, a fini par se substituer entièrement à la densité politique du territoire, à ses contradictions, à ses oppositions latentes. L'ordre et l'obéissance s'y confondent alors avec la liberté et le chaos.
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La culture moderne fonctionne sur l'idée perpétuellement
entretenue et renouvelée que l'oeuvre d'art viendrait s'affronter à l'ordre
établi. Les "installations", les "happenings" manifestent de la façon la plus
évidente cette volonté d'influer sur la société. Or Francesco Masci démontre dans Superstitions que cette culture, impuissante à produire un objet propre, n'engendre que des "événements", toujours attendus, consommés et oubliés, et incapables de marquer profondément la société. Il nomme "superstition" ce sentiment d'attente que la culture moderne parvient à créer entre chaque événement. Elle façonne chez l'homme moderne une forme d'obéissance qui vient cimenter la société au lieu de la remettre en cause. S'appuyant sur une impressionnante érudition philosophique et artistique, Superstitions est un véritable pavé jeté dans la mare de l'art contemporain, qui, loin de n'être qu'une dénonciation de plus de ses excès, remet fondamentalement en cause l'ensemble de la culture moderne.
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Un virus antimoderne se niche au coeur même de la modernité. Il s'attaque à la production d'images, ce que Masci nomme «la culture absolue», autre force propulsive, aux côtés de la technique, de la modernité. À l'essor effréné de la technique fait écho la promesse réitérée par les images d'un «homme nouveau». Or, le virus antimoderne réintroduit dans les images un contenu et donc de la croyance, aussi bien sentimentale que morale. Il ébranle leur statut d'artefact, de faux-semblant. Or, que devient une société où les images ont cessé de faire «comme si» ? Où elles invitent à croire en leur réalité ?
D'autant lorsque nous assistons, aujourd'hui, aux premiers balbutiements d'une fusion entre la technique et cette réalité imaginaire, source d'une superstition nouvelle.
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L'auteur approfondit ici la réflexion entreprise dans Superstitions. Le renversement de la hiérarchie opéré par la Révolution française a laissé place à une nouvelle puissance asservissant l'homme et le désignant d'emblée comme asservi : le flot d'images, de mythes et de symboles véhiculé par la culture. Une culture qui fait de l'insurrection au pouvoir son leitmotiv. Or, Masci dénonce l'illusion de cet appel au bouleversement quand les conditions en dispersent les possibilités réelles dans l'événement. La liberté supposée des hommes est aussi infinie qu'elle est vide. L'entertainment crée en effet des situations de perpétuelle attente, entre des événements toujours plus proliférants. Pour lui, il représente une force agissant non plus par le haut mais selon une dissémination horizontale, qui est une autre forme de domination. Ce pouvoir s'exerce insidieusement et menace la réalité des faits. Masci attaque sur un plan philosophique le néant des images fournies par l'entertainment, ce divertissement supposé qui ne fait que créer de la contingence et cultiver le chaos.