À Paris, on entend de toute part le même refrain : « La Françafrique est morte et enterrée ! » Pourtant, de Ouagadougou à Libreville, de Dakar à Yaoundé, de Bamako à Abidjan, la jeunesse se révolte contre ce qu'elle perçoit comme une mainmise française sur son destin.
Quinze ans après la Seconde Guerre mondiale, la France a officiellement octroyé l'indépendance à ses anciennes colonies africaines. Une liberté en trompe l'oeil. En réalité, Paris a perpétué l'Empire français sous une autre forme : la Françafrique. Un système où se mêlent des mécanismes officiels, assumés, revendiqués (militaires, monétaires, diplomatiques, culturels...), et des logiques de l'ombre, officieuses, souvent criminelles. Un système érigé contre les intérêts des peuples, avec l'assentiment d'une partie des élites africaines et qui profite toujours aux autocrates africains « amis de la France ». Un système que tous les présidents français ont laissé prospérer, en dépit des promesses de « rupture ».
Exceptionnel par son ampleur, inédit par son contenu, cet ouvrage retrace cette histoire méconnue, depuis les origines coloniales de la Françafrique jusqu'à ses évolutions les plus récentes. Rédigées par des spécialistes reconnus - chercheurs, journalistes ou militants associatifs -, les contributions rassemblées dans ce livre montrent que le système françafricain, loin de se déliter, ne cesse de s'adapter pour perdurer.
Le Forum social des peuples qui se tiendra en août prochain à Ottawa et à Gatineau est l'occasion de se questionner sur les forces sociales du Québec, du Canada, des nations autochtones et des autres peuples du pays qui y convergeront. Quels objectifs poursuit cette gauche plurielle avec l'organisation de ce forum? La nécessité de s'unir face à un gouvernement Harper qui multiplie les attaques contre elle peut-elle se traduire en nouvelles expériences de lutte s'inspirant par exemple de la mobilisation des peuples autochtones, en particulier du mouvement Idle No More? Les écueils liés au manque d'histoire et de références communes, au caractère colonial de l'État canadien et à la question nationale québécoise peuvent-ils être surmontés pour construire des alliances durables et contrer la droite canadienne?
Ici, les textes tentent, chacun à leur manière, de détricoter des mythes, de troubler les grands récits et de sonder les figures héroïques qui font la trame de notre histoire. Qu'annonçaient ces oeuvres, ces mouvements, ces grandes idées et ces personnages qu'on a érigés au rang d'idéal, placés en surplomb de la société ? Qu'est-ce que leur traversée du temps dit de nous, aujourd'hui ?
Mais pourquoi, demanderez-vous, personnaliser cette question, en parlant de « déroute des héros » comme on déboulonne des statues ? N'a-t-on pas déjà renoncé à quelque chose lorsqu'on chasse le spectre de ceux et celles (surtout ceux, car nous avons la mémoire bien sélective) qui nous ont si longtemps inspirés ? La « déroute des héros » désigne en fait un phénomène plus vaste. Quelque chose comme un déplacement ; une tentative d'éclairer les angles morts qui, peut-être, nous ont longtemps empêchés de voir que ce que nous tenions pour extraordinaire travaillait en fait contre nous, contre le rêve de justice et de liberté pour le plus grand nombre possible. Il ne s'agit pas de répudier un héritage ni d'affirmer que nous ne croyons plus à rien, que rien dans notre passé ne mérite d'être défendu. Cela témoigne plutôt de la fin de la naïveté.
Nous proposons qu'il soit encore possible de faire autre chose que danser autour du brasier. Réfléchissons ensemble, rassemblons-nous, écrivons pour échapper à la déprime des temps, à sa terrible uniformisation ; faisons preuve d'imagination et de courage politique, et tentons l'impossible, puisqu'il y a devant nous un défi immense, ce que nous rappellent
les adolescents qui descendent dans la rue les vendredis. La déroute des héros désigne l'urgence de retrouver l'essentiel : cette impulsion qui se passe d'héroïsme, qui ne mise pas sur la grandeur des individus ou des mythes, mais sur la mise en commun des espérances.