A quoi bon travailler ? La Revue des Deux Mondes consacre ce mois-ci un dossier au travail, à ses racines antiques, à la vision qu'en avaient les grands écrivains et à la valeur cardinale de nos existences qu'il fût jusqu'au coup de mou qui nous frappe. Au-delà du curseur de l'âge, la réforme des retraites, qui cristallise passions et tensions, interroge le sens du travail car, comme l'illustre aux Etats-Unis la déferlante de démissions du « Big quit », il se perd.
« Dans les années quatre-vingt-dix, plus de 60% des actifs considéraient que le travail avait une place très importante dans leur vie, contre à peine 20% aujourd'hui », observe Jérémie Peltier directeur général de la Fondation Jean-Jaurés, qui vient avec Jérôme Fourquet de réaliser une enquête intitulée « Grosse fatigue et épidémie de flemme ». Pas plus que le recul de l'âge de la retraite, la crise sanitaire, dont l'impact a évidemment pesé, n'explique tout. L'automatisation, l'individualisation des taches, l'intelligence artificielle ou le manque de reconnaissance alimentent angoisse et malaise au travail.
Echappons-nous plutôt en Saône-et-Loire en compagnie de Christian Bobin. Moins de dix-huit mois avant sa mort, le poète-écrivain avait emmené Sébastien Lapaque de Clermont-Ferrand au Creusot en train régional, dont la paresse invite à regarder ce « très beau pays calme, quasi éternel ». Interrogé sur sa terre natale et sur l'écriture, Christian Bobin raconte sa « science intime du paysage », son goût de la lenteur et sa communion avec la nature. Amoureux du Creusot, ville au « songe interminable », il s'identifiait à ses fougères, confiant s'être déroulé grâce à l'écriture.
En cette année, où il aurait eu 80 ans, la Revue des Deux Mondes salue également la mémoire de Philippe Séguin. Figure du gaullisme social, ardent souverainiste, l'élu des Vosges a laissé une trace indélébile dans l'histoire des idées et de la politique. S'il n'a jamais accédé à la fonction suprême, il en avait la carrure. Alors que la démocratie, l'Europe et la France traversent des moments critiques, la vision de cet homme, hors des modes et au légendaire regard mélancolique, s'avère d'une redoutable acuité.
L'ancien président de l'Assemblée nationale aurait sans aucun doute souscrit à l'analyse de Renaud Girard pour qui la France est en train de sortir de l'histoire. Trente ans après la signature du Traité de Maastricht, qui devait permettre à l'Union Européenne de prévaloir sur les Etats-Unis en termes d'influence mondiale, force est de constater que ce scénario ne s'est pas produit : « Le seul dirigeant occidental qu'on écoute aujourd'hui avec attention, sur le plan économique comme sur le plan sécuritaire, c'est le président des Etats-Unis ». Dans le concert des nations, la voix de la France, et celle de ses partenaires européens, est de moins en moins audible. Y compris sur leur propre sol, où seule une négociation directe en Washington et Moscou pourrait mettre fin au conflit en Ukraine.
Bonne lecture !
Dossier : La nostalgie du roi
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À la différence de certaines reines, qui jouèrent en France un rôle politique majeur, les premières dames de la Ve République ont beaucoup de mal à s'imposer. Stéphane Bern explique pourquoi.
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Littérature
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Camille Laurens se souvient d'une rencontre avec l'artiste ORLAN. Son texte drôle et triste raconte l'abandon, le féminisme, la difficulté à communiquer.
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En novembre paraîtra aux éditions Robert Laffont Mes regrets sont des remords. La Revue des Deux Mondes publie, en avant-première, un extrait.
-> Extrait. Jean Clair : « Les oeufs d'or. Journal »
Études, reportages, réflexions
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Régis Debray poursuit sa réflexion sur la place de la transcendance et des croyances dans notre société moderne. En exclusivité, un extrait de son nouvel ouvrage, Allons aux faits. Croyances historiques, réalités religieuses (Gallimard/France-culture)
L'Algérie et nous
-> Entretien avec Gilles Kepel. Les différents scénarios du « printemps algérien »
Gilles Kepel met en perspective les récentes manifestations algériennes avec les « printemps arabes ». D'après lui, le futur pouvoir algérien prendra les allures d'une cohabitation militaro-salafiste.
-> « Accueillons cette lueur présage de bonheur » par Sébastien Lapaque
Vu de l'hexagone, il est impossible de comprendre l'Algérie depuis son indépendance en 1962, affirme Sébastien Lapaque. Grâce à ses voyages et ses relations nouées sur place, l'écrivain nous emporte au coeur de ce pays à la fois libre et enchaîné.
-> La Casa del Mouradia par Ryad Girod
Le romancier Ryad Girod livre une version littéraire des premiers jours du « printemps algérien ».
-> Le mystère de Gaulle par Éric Roussel
L'historien Éric Roussel décrypte la politique algérienne de De Gaulle en rappelant le parcours et les idées du Général en matière coloniale.
-> Les intellectuels français sur l'Algérie par Pierre Vermeren
La guerre d'Algérie conduit les intellectuels français à se positionner pour ou contre la colonisation. Pierre Vermeren revient sur les violentes controverses.
-> Entretien avec Jean-François Kahn. Les médias français et la décennie noire
Jean-François Kahn a couvert la guerre civile algérienne pour différents journaux. Il témoigne des aveuglements et des dénis d'une grande partie de la presse française de l'époque sur les groupes islamistes.
-> Camus, écrivain algérien ? par Robert Kopp
Né en Algérie, Camus militait pour une cohabitation pacifique entre colonisateurs et colonisés. Robert Kopp évoque ce positionnement politique qui relevait davantage d'un rêve.
Littérature
-> Inédit L'inadapté par Clara Dupont-Monod
Un enfant naît avec une maladie rare. À travers le personnage de la soeur, Clara Dupont-Monod raconte l'épreuve, la souffrance et la force.
Études, reportages et réflexions
-> Alexandra David-Néel, une âme en peine. Portrait de l'orientaliste en femme (presque) ordinaire par Marion Dapsance
L'aura dont bénéficie Alexandra David-Néel gomme certains traits de sa personnalité. Marion Dapsance nous les révèle.
Die in dem diesem Band vereinten Überlegungen, Aufsätze und Beiträge präsentieren anhand konkreter Beispiele die unterschiedlichen Forschungsperspektiven zu gemeinschaftlichen Wohnformen.Wohnen ist nicht nur Schutz vor Kälte und Regen oder ein Platz zum Schlafen. Wohnen vermittelt auch Gemeinschaft - sei dies primär im Bereich der Familie oder erweitert in der Nachbarschaft und Gemeinschaft. Nicht überall werden diese Funktionen aber gleich gut erfüllt.Anhand verschiedener Fallstudien soll untersucht werden, unter welchen Bedingungen gutes, resonantes Wohnen gelingt und wann es eher zu entfremdeten Wohnformen kommt.