L'espace caressé par ta voix est construit en forme de diptyque, chacun des deux volets s'adressant à une femme. Dans le premier, la destinataire, L., est une petite fille appelée à devenir une jeune femme dans un siècle lourd d'incertitudes et d'angoisses. Outre la célébration de l'enfance, l'enjeu est celui de la transmission d'une sagesse, d'une manière d'habiter le monde, tandis que le poète envisage sereinement la perspective lointaine de sa propre disparition. Le second volet du diptyque, qui s'adresse à C. et a pour titre «Intervalles», est une grande suite amoureuse qui se déploie sous le signe de l'espace, de ce qui s'ouvre dans le désir : intervalles entre les choses, les lieux, les corps; éclats de vie et de voix. Les «trous dans le paysage» sont autant de percées vers la lumière, une façon d'accéder à la chair du monde.
Ce livre se construit selon une quête de pureté et de guérison, au-delà de blessures anciennes et face à une vie contemporaine souvent égarée ou meurtrie. Sur les rives du fleuve, au sud-ouest de Montréal et jusqu'aux rivages de Lachine, le réel est à la fois nature et ville, solitude habitée, espace de méditation et de mémoire, et le regard se mesure à la résistance des choses et des surfaces. Au loin s'étend un jardin d'oeuvres d'arts qui sont autant d'objets de contemplation, figures du destin le long d'une errance jamais rassurée. La prose se veut ici la forme d'une ouverture et d'un accueil, au carrefour du monde sensible et de l'esprit méditatif. S'il y a un terme, c'est celui d'habiter l'incertain, de demeurer dans le flux des événements, de donner sens à ce qui fuit.
Accompagné de photographies de Karine PRÉVOST-NEPVEU
OEuvre en couverture de David MOORE
Voix et Images consacre son numéro printemps-été au poète francophone d'origine ontarienne Patrice Desbiens. Actif depuis les années 70, établi au Québec depuis 1988, Patrice Desbiens est l'auteur d'une oeuvre abondante « qui réussit la prouesse de faire et dire beaucoup en peu de mots. » Ce dossier se veut surtout un premier effort collectif de sonder une oeuvre, qui malgré l'engouement qu'elle suscite, n'a encore fait l'objet d'aucune publication d'envergure, monographie, dossier thématique ou volume issu d'un colloque. Comprenant cinq études, le numéro propose d'examiner les « postures vocales » du poète (Marc André Brouillette), les manifestations et effets de « décalage » (Thierry Bissonnette), les dimensions narratives de ses textes (Frédéric Rondeau), la mise de l'avant d'expériences partagées dans un contexte capitaliste (François Paré) et une réflexion sur sa consécration (Lucie Hotte).
Si la notion de bien commun est aujourd'hui solidement ancrée dans nos moeurs, elle ne concerne trop souvent que nos ressources naturelles ou encore financières. Or, nous croyons, à Liberté, que le bien commun a tout aussi, sinon plus, à voir avec la culture.
Du tollé suscité par l'embauche d'un coach unilingue anglophone aux accommodements raisonnables, en passant par les réflexes xénophobes d'un maire de région et le crucifix de l'Assemblée nationale, ont ne compte plus les tensions entre le respect des nouveaux arrivants, l'émancipation individuelle, l'héritage commun et l'identité nationale. À l'approche de la Fête nationale, il nous est ainsi apparu essentiel de nous pencher sur le sens de la nation et de la culture commune.
Vous trouverez également dans ce numéro un essai d'Éric Pineault sur le mirage de l'économie extractive et de la manière dont nous devrions penser l'exploitation des ressources naturelles.
Un entretien avec Alain Deneault sur la Gouvernance
Et les chroniques habituelles d'Alain Farah, Alain Deneault, Mathieu Arsenault, Jean-Philippe Payette et Robert Lévesque.
« Le poème, qui est une relation amoureuse avec les mots, est aussi une relation amoureuse avec le poète, le lecteur, avec un lecteur qui le croit amoureusement nécessaire... Moi, j'aurais raté une partie de ma vie si je n'avais pas lu Rimbaud. Si je n'avais pas aimé Rimbaud. Il suffirait que, pour un seul lecteur, cette relation existe avec un seul de mes poèmes pour que ma poésie, mon "inutile poésie", me paraisse à jamais justifiable ». (Paul-Marie Lapointe)
Le poème en prose éprouve les fondements de la poétique en général et ceux de la poésie en particulier en mettant en question la distinction entre poéticité et prosaïsme. Ce genre est par ailleurs remarquable par sa diversité formelle : il se rapproche parfois de la nouvelle, du conte, voire de l'essai. Le numéro « Situations du poème en prose au Québec » explore l'inscription de ce genre dans la littérature québécoise depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours et illustre la variété de ses enjeux et de ses formes.
Comment les romans et les récits modernes et contemporains figurent-ils la voix? Comment, d'un point de vue critique, « imaginer » les voix écrite, spéculative, narrative, théâtrale ou hors champ? Le numéro examine ces deux questions à partir desquelles se croisent et se répondent des réflexions sur la littérature, les médias, les technologies, le ton, le corps.
Dans le cadre des célébrations du centenaire de la mort d'Émile Zola, ce numéro d'Études françaises entend revisiter l'inscription de la marge dans l'oeuvre de cet écrivain. Les études en interrogent les marges sociales, spatiales, esthétiques et institutionnelles. Elles vont des romans de jeunesse aux Évangiles, et portent aussi sur le genre de l'Hommage, ainsi que sur la réalisation d'un Dictionnaire des métiers et des professions des Rougon-Macquart.
Une vingtaine de romans, plusieurs essais, des pièces de théâtre, deux séries télévisées, des centaines d'articles. Mais qu'en est-il au juste du texte de VLB, de ses articulations, des représentations et des thèmes qui s'y brassent ?
Il convenait, dans un premier temps, de revenir sur Beaulieu en tant que « personnage et institution », pour préciser la nature des réductions dont il a été l'objet. Offrant une vue d'ensemble de l'oeuvre et y repérant des lignes de force, suivent des articles sur la réalité romanesque d'Abel Beauchemin, sur le rapport de VLB à la poésie et sur la dimension américaine de Beaulieu. Ensuite, deux analyses plus circonscrites, l'une sur Don Quichotte de la démanche, l'autre sur Sagamo Job J, qui posent notamment la question de la place du corps et de la femme dans les romans de VLB. Un inédit de Beaulieu vient clore ce tour d'horizon qui se veut avant tout une manifestation tangible du « retour au texte » qui a inspiré ce numéro.
Au cours de l'année 1945, à quelques mois d'intervalle, paraissaient à Montréal deux romans qui devaient marquer profondément la littérature québécoise et canadienne : Le Survenant de Germaine Guèvremont et Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy. Or la critique a surtout insisté jusqu'ici sur l'opposition sur laquelle se fondent ces deux oeuvres, l'une orientée vers la liquidation d'un monde ancien, l'autre annonciatrice d'un monde nouveau. Plus de cinquante ans après leur première publication, il s'agit d'aborder les deux romans de concert, comme parties d'un territoire esthétique qui leur est commun et qui les fait « dialoguer » l'un avec l'autre, s'éclairer mutuellement et éclairer ensemble ce territoire auquel ils appartiennent.
Écrite d'abord en langue yiddish, puis en anglais et plus récemment en français, la littérature juive au Québec, essentiellement en milieu montréalais, interroge de manière fondamentale les questions de l'identité, de la transmission de l'héritage, de la mémoire et de la pluralité des langues. L'inscription de la judéité mérite par ailleurs d'être examinée chez les écrivains du Québec français et, plus largement, comme un ensemble de traces dont est imprégnée la littérature québécoise.
Si plusieurs soutiennent aujourd'hui que la notion d'éternité est disparue de la conscience postmoderne (et encore faudrait-il voir), il ne fait pas de doute qu'elle trouve à la Renaissance et à l'époque classique ses fondements les plus riches, théologiques, politiques et plus largement culturels. Ce numéro tente de saisir les différentes étapes qui ont permis de construire dans le discours et surtout par lui le concept d'éternité.