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Editions Boréal
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Si j'ai changé de vie et de langue maternelle, c'était pour que ma mère ne puisse pas me lire.
Si j'ai changé de vie et de langue maternelle, c'était pour pouvoir respirer alors que j'avais toujours étouffé. Je raconte, ici, l'histoire d'une femme qui a appris à respirer dans une autre langue. Qui a plongé et refait surface ailleurs.
Maintes fois récompensée, Lori Saint-Martin est reconnue pour son travail de traductrice de grands noms de la littérature anglo-canadienne. Or, la langue française - et toutes les langues qu'elle maîtrise - est plus qu'une passion pour cette femme, c'est une nécessité. Et à lire ce livre écrit au scalpel, on comprend qu'il lui était tout aussi nécessaire de l'écrire. Cela donne un récit à la fois lumineux et cruel où elle raconte comment elle a rejeté le milieu, la culture et la langue qui l'ont vue naître pour se réinventer, devenir autre. On pénètre dans l'intimité d'une métamorphose identitaire, on accompagne en pensée une femme qui repasse par les chemins tordus de son enfance et qui un jour a eu une révélation : la langue française.
De Kitchener, en Ontario, à Montréal, en passant par Québec, Barcelone et Berlin, Lori Saint-Martin nous entraîne sur les lieux de « ses langues » et des visages qu'elles évoquent. Père, mère, soeur, professeurs, écrivains, mari et enfants sont des personnages cruciaux de ce voyage. En plus de l'anglais et du français, Lori Saint-Martin maîtrise l'espagnol et entretient avec l'allemand une relation particulière, inachevée. Ce livre est un hommage aux langues, à la manière dont elles nous font, nous sculptent, mais c'est surtout l'extraordinaire aventure d'une adolescente, d'une femme, qui, telle une nouvelle Alice, ose traverser le miroir pour en revenir enfin changée en elle-même. -
La traduction, c'est une rencontre. Rencontre éprouvante, émouvante, exigeante, passionnée et féconde; espace de chevauchement, de frottement, de création; passage qui donne une deuxième, une énième vie aux textes. C'est de cette rencontre dans ses diverses dimensions que Lori Saint-Martin parle ici. Elle mêle réflexions, opinions et exemples concrets. Elle nous explique comment la traduction nous sauve de l'abîme, pourquoi elle est beauté, gloire et plénitude.
Cette traductrice de réputation internationale s'en prend à la vision répandue de la traduction comme perte, trahison, déformation. Elle affirme que l'idéal d'une traduction en tous points identique à l'original ne tient pas la route, puisque traduire, c'est toujours refaire, remanier.
Elle aborde également les aspects pratiques de la traduction littéraire, nous parle des conditions particulières dans lesquelles elle l'exerce : la collaboration entre le Québec et la France, et la traduction à deux. Elle s'intéresse à la réception des traductions, aussi bien chez les spécialistes universitaires que parmi le grand public, où la contribution des traductrices et traducteurs est trop souvent passée sous silence. Elle évoque la baisse inexorable des tarifs dans beaucoup de pays, la montée des traductions machine, pour revenir à l'éloge de la traduction comme entreprise artisanale : lente, belle, indispensable.
Enfin, en coda de ce livre, elle se prononce sur la question brûlante, neuve, essentielle, de la traduction et de la diversité.
« On voit souvent la traduction littéraire comme un mal nécessaire. On a tort. Elle est un bien nécessaire, comme l'eau, comme l'air. Non pas un pis-aller, mais une oeuvre en soi. Elle transporte, enrichit, vivifie. Pour qui veut échapper à l'enfermement et connaître le monde, elle est la vie même : le vent de l'ailleurs, le parfum des autres cultures, le sel de l'esprit, le souffle vaste et multiple des langues et des oeuvres du monde. »
Lori Saint-Martin -
Philippe et Catherine. Ils sont peintres tous les deux. Il fait de grandes toiles, elle des petits formats. Il est riche, célèbre. Elle est connue d'une poignée d'admirateurs et de connaisseurs.
Il s'enferme tout le jour dans son atelier pour travailler. La porte close, elle ne la franchit jamais. C'est une convention tacite entre eux. Elle fait marcher la maison. C'est elle qui a élevé leurs trois filles. Il reçoit les modèles qu'il peint. Des jeunes femmes qu'il ne revoit plus jamais ensuite.
Quel est ce mystère qui fait que deux personnes traversent la vie ensemble ? Est-ce que cela s'appelle toujours l'amour ? Malgré les trahisons, les rapports de force, les jeux de séduction, la manipulation, la jalousie, la haine, l'envie de tout détruire. Malgré les enfants qui emportent chacun un morceau de notre chair. Malgré le fantôme des parents qui ne cesse de nous hanter. À quel prix un couple réussit-il à durer jusqu'à la fin ? Faut-il nécessairement qu'il y ait une victime ?
Avec une lucidité impitoyable, servie par une écriture d'une rare maîtrise, Lori Saint-Martin explore cette folie à deux qu'est un couple. Couche après couche, elle élimine tous les mensonges, toutes les illusions, tous les simulacres, pour arriver à dessiner ce mystère, le plus grand qui soit, peut-être.
« J'ai regardé sa main sur la table, une main longue et fine mais aujourd'hui tavelée, parcheminée, aux doigts légèrement déformés par l'âge et le travail. Des mains que j'ai vues peindre, bien sûr, et manipuler les couverts, et tenir le volant pour nous guider dans les tempêtes, et me caresser sans qu'alors je regarde. Et je me suis dit : oui, on restera sans doute toujours ensemble même si, par moments, je rêve de franchir le seuil pour la dernière fois.
Et encore, qui sait ? Je regarde vers la porte, vers le vaste monde, mesure la distance qui m'en sépare, un chat prêt à bondir. »